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REZA ZARRAB - Tout comprendre sur le procès qui inquiète Ankara

Justice USA TurquieJustice USA Turquie
Reza Zarrab a accepté de coopérer avec la justice américaine.
Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 30 novembre 2017, mis à jour le 30 novembre 2017

L’homme d’affaires Reza Zarrab est présenté, depuis hier aux Etats-Unis, comme un témoin-clé dans un procès explosif pour Ankara. Lepetitjournal.com d’Istanbul vous résume tout, en cinq questions/réponses.

Qui est Reza Zarrab et de quoi est-il accusé ?

Reza Zarrab (ou Riza Sarraf, en turc) est un homme d’affaires turco-iranien, âgé de 34 ans. Il est accusé par la justice américaine, avec le banquier turc Mehmet Hakan Attila et sept autres personnes, d’avoir violé l’embargo des Etats-Unis contre l’Iran, entre 2010 et 2015. Marié avec la vedette turque de la chanson Ebru Gündeş, Reza Zarrab a été arrêté en mars 2016 en arrivant à Miami, où il venait passer des vacances en famille. 

Que s’est-il passé en décembre 2013 ?

Il y a quatre ans, l’homme d’affaires était déjà dans le collimateur de la justice… turque, cette fois. Reza Zarrab était au coeur d’une affaire de corruption et de trafic illicite d’or présumé en échange de pétrole iranien, malgré l’interdiction faites aux banques américaines et internationales de commercer avec l’Iran. Ce scandale impliquait des ministres du gouvernement turc et des cercles proches du pouvoir, dont le fils cadet de Recep Tayyip Erdoğan, qui était alors Premier ministre. Reza Zarrab a été relaxé après deux mois de prison. A la suite du scandale, quatre ministres ont démissionné ou ont été remerciés, même s’ils avaient nié les accusations portées contre eux. Ils ont finalement été blanchis par le Parlement turc, en janvier 2015. Selon le gouvernement, l'affaire avait été menée de toutes pièces par des policiers et des juges proches de l'imam Fethullah Gülen, exilé aux Etats-Unis depuis 1999.

Pourquoi le procès de Reza Zarrab inquiète-t-il tant Ankara ? 

Reza Zarrab a reconnu avoir enfreint les lois américaines sur l’embargo contre l'Iran et a accepté de coopérer avec la justice américaine dans le cadre d’une négociation de peine. Or ses révélations pourraient être embarrassantes pour les cercles proches du pouvoir. C’est précisément ce qui inquiète Ankara, qui a tout fait pour étouffer l'affaire depuis 2013. Le gouvernement turc craint aussi d’éventuelles sanctions américaines contre son secteur bancaire et notamment de lourdes amendes contre la banque publique Halkbank, accusée d’avoir procédé aux transactions illégales. Durant des mois, Ankara a réclamé en vain la libération de Reza Zarrab et le report du procès. Ce procès renforce les tensions déjà vives entre Ankara et Washington.

Quelles sont les premières révélations faites par Reza Zarrab ?

Reza Zarrab a témoigné durant quatre heures, mercredi, en tenue de prisonnier, devant un tribunal new-yorkais. Il a indiqué être désormais détenu par le FBI dans un lieu resté secret. L’homme d’affaires a expliqué avoir versé des millions de pots-de-vin à l’ex-ministre turc de l’Economie, Zafer Çağlayan, pour faciliter un trafic illicite d’or avec l’Iran. Reza Zarrab aurait voulu s’imposer comme un intermédiaire-clé dans le trafic avec l’Iran et aurait, pour cela, reçu le soutien de Zafer Çağlayan en échange d’un partage des profits, à hauteur de 50%.

Reza Zarrab a expliqué avoir versé entre 45 et 50 millions d’euros, plus "environ sept millions de dollars", au ministre entre mars 2012 et mars 2013. Il a aussi affirmé que Mehmet Hakan Atilla, ancien directeur adjoint de la banque publique Halkbank, avait joué un rôle important pour que ce trafic illicite soit indétectable par les autorités américaines. Bilan de l’addition ? Plusieurs milliards d’euros de revenus d’hydrocarbures auraient ainsi transité, selon lui, sur des comptes détenus par les différents protagonistes à la Halkbank. La somme arrivait à Dubai, souvent sous forme d’or. 

C’est en dessinant un schéma devant les jurés que Reza Zarrab a expliqué la façon dont il a procédé, avec des partenaires turcs, pour permettre à l’Iran de contourner les sanctions américaines et internationales qui interdisaient de commercer avec ce pays. Il a aussi présenté les documents comptables et énuméré les montants et dates de paiement. 

L’homme d’affaires a aussi affirmé avoir effectué certaines transactions à travers la banque turque Aktif, avant de coopérer avec Halkbank. Selon lui, Aktif a d'abord refusé de lui ouvrir un compte, puis a cédé avec l’appui de Egemen Bağış, alors ministre turc des Affaires européennes. La banque aurait ensuite fermé le compte, après avoir reçu un avertissement des Etats-Unis. 

Quels sont les liens entre ce procès et Fethullah Gülen, selon Ankara ? 

Depuis l’arrestation de Reza Zarrab, le gouvernement turc dénonce un procès politique piloté par le réseau du prédicateur Fethullah Gülen. Exilé aux Etats-Unis depuis 1999, ce dernier est accusé par Ankara d’être le cerveau de la tentative échouée de coup d’Etat du 15 juillet 2016. 

Le chef de la diplomatie, Mevlüt Çavuşoğlu, a affirmé que la justice américaine était "infiltrée par les réseaux gulénistes". "Zarrab est devenu un diffamateur du fait des pressions", a quant à lui affirmé le porte-parole du gouvernement turc Bekir Bozdağ, lors d’un entretien télévisé jeudi. "A New York, la justice américaine joue une pièce de théâtre", a-t-il ajouté, décrivant l’affaire comme un "complot contre la Turquie et le président Erdoğan". Lequel Recep Tayyip Erdoğan a affirmé, hier : "Nous avons des liens commerciaux et énergétiques avec l'Iran. Nous n'avons pas violé les sanctions [sur l'Iran]. Quel que soit le verdict, nous avons fait ce qu'il fallait. Nous n'avons jamais pris d'engagements envers les États-Unis"

Le parquet d’Istanbul a récemment annoncé l’ouverture d’une enquête inédite contre deux procureurs américains liés à l'affaire Reza Zarrab, à l’origine des poursuites : il s’agit de Preet Bharara, ex-procureur fédéral à New York qui a chapeauté l'arrestation de Reza Zarrab l'an dernier, ainsi que de son successeur, Joon Kim.

Solène Permanne (http://lepetitjournal.com/istanbul) vendredi 1er décembre 2017

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