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PRIX "COUILLES AU CUL" 2017 – Ramize Erer : "Je suis encore plus motivée à dessiner"

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 8 février 2018

Exilée en France, où elle est toujours rédactrice en chef du magazine turc Bayan Yanı - le seul journal satirique au monde conçu exclusivement par des femmes-, la dessinatrice turque Ramize Erer vient de recevoir le Prix couilles au cul 2017 pour son courage artistique. Sous son trait apparemment naïf et ironique, Ramize Erer décrit l’oppression dont sont victimes les femmes. Une vocation née très jeune, comme nous le raconte la dessinatrice...

Lepetitjournal.com d’Istanbul : Quelle a été votre réaction quand vous avez reçu le "Prix couilles au cul" 2017 décerné pour votre courage artistique, en marge du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême ?

Ramize Erer : Ce prix récompense l’audace de mes caricatures. Le fait qu’il m’ait été décerné par le magazine français de bande dessinée humoristique Fluide Glacial, soit des gens qui connaissent très bien ce domaine, me touche et lui donne une signification plus importante selon moi. Je me sens encore plus motivée aujourd’hui. Ce qui m’a émue est que mes soutiens ont accueilli ce prix avec autant de bonheur que moi. J’ai aussi été surprise de l’enthousiasme en France quand on m’a remis le prix. En fait, je ne m’attendais pas à autant d’attention.

En 2010, avec votre compagnon et dessinateur Tuncay Akgün, vous avez fondé en Turquie le magazine Bayan Yanı, le seul journal satirique au monde conçu exclusivement par des femmes… Vous en êtes toujours la rédactrice en chef. Racontez-nous...

Le but de ce magazine est d’ouvrir une place pour les femmes dans le monde de l’humour, dominé par les règles masculines ; de montrer aux hommes que nous sommes là et de créer un langage humoristique féminin. Nous traitons les mêmes sujets que dans un magazine classique pour femmes. Notre différence est que nous sommes plus critiques et politiques. Dans notre revue, nous donnons de la place aux problèmes qui touchent les femmes et que les grands médias ne veulent pas voir ou montrer.

Quelles sont les raisons de votre exil en France ?

Je suis venue à Paris pour des raisons spéciales, j’ai fui la Turquie. Je pensais que je pourrais retourner dans mon pays deux ou trois ans après mais ça ne s’est pas passé ainsi. Maintenant, mes enfants vont à l’école en France… Je suis à Paris depuis neuf ans et il me semble que je vais rester là encore quelque temps.

Vous avez dédié le prix à votre mère, féministe, et à votre ami dessinateur Georges Wolinski. Expliquez-nous...

Le frère de ma mère était instruit scolairement, elle ne l’était pas et a toujours vécu ça comme une souffrance intérieure. Elle avait une idéologie différente des autres femmes autour d’elle, car évidemment féministe. Ma mère a toujours été derrière moi et m’a toujours soutenue, prête à se battre contre tout le monde –y compris mon père- pour me défendre. Elle voulait toujours plus pour moi. Je me souviens quand j’étais lycéenne, à 16 ans, mes amies rêvaient de mariage… Moi, je dessinais des caricatures contre le mariage et j’évoquais déjà les rapports entre les hommes et les femmes, dans le mythique hebdomadaire satirique Gırgır. Ma mère m’avait déjà convaincue que le mariage n’était pas une bonne chose pour les femmes. C’est pour ces raisons que j’ai dédié ce prix à ma mère, qui est devenue féministe sans avoir connu ni Virginia Woolf, ni Simone de Beauvoir. C’est la vie qui l’a rendue féministe.

En ce qui concerne Georges Wolinski [célèbre dessinateur de presse français, assassiné lors de l'attentat contre Charlie Hebdo ndlr], j’ai toujours été fan de ce grand dessinateur. Nous nous sommes rencontrés pour la première fois alors qu’il était en visite à Istanbul. Wolinski a aimé mes caricatures. Mes premières années à Paris ont été dures pour moi. Mais Wolinski nous a offert une amitié sans faille à moi et à ma famille, et nous a apporté un grand soutien. Grâce à lui, je me suis sentie chez moi à Paris. C’est pourquoi je lui devais un merci.

Quel est le rôle de la caricature en politique aujourd’hui ?

Le pouvoir d’une caricature tient dans son humour et son efficacité. Une bonne caricature, en même temps qu’elle vous fait sourire, transmet en un simple mot, un simple geste, ce que ne peuvent transmettent des lignes et des lignes de discours. C’est pourquoi les politiciens n’aiment généralement pas les caricatures !

Selon vous, qu’est-ce qu’une caricature efficace ?

Il n’y a pas de formule magique pour cela. J’aime l’humour noir et absurde mais le plus important pour une caricature reste que celle-ci doit être drôle. Une caricature efficace demande du talent et de l’intelligence.

Peut-on rire de tout avec n’importe qui ?

En fait, rire est un acte politique. Bien sûr nous ne rions pas des mêmes choses avec tout le monde. Les choses qui nous font rire reflètent notre manière de voir le monde et la personne que nous sommes. Par exemple, le racisme, le sexisme ou l’humiliation d’autrui ne me font pas rire, au contraire même, ça me met en colère.

Comment est née votre passion pour le dessin et la caricature ?

Je dessinais tout le temps quand j’étais enfant. Mon seul rêve était de devenir artiste. J’ai étudié à l’école des Beaux arts. J’ai commencé à dessiner des caricatures lorsque j’étais encore au lycée, inspirée par un camarade de classe. Je ne sais pas où j’ai trouvé assez de courage pour commencer la caricature humoristique, car j’étais plutôt une jeune fille mélancolique et triste à l’époque.

Propos recueillis par Solène Permanne (http://lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 8 février 2017

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Publié le 7 février 2017, mis à jour le 8 février 2018

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