À Istanbul, où les chats sont partout chez eux et accompagnent la vie quotidienne des stambouliotes, le traitement de l’affaire du chat Eros, frappé à mort dans le hall d’un immeuble dans la nuit du 1er janvier 2024, suscite de vives réactions. Alors que le coupable vient d’être remis en liberté après un second jugement intervenu le 13 mars, l’opinion publique continue à fortement se mobiliser pour réclamer plus de justice.
La maltraitance animale pénalement réprimée
Les rapports de l'homme à l'animal ont commencé à évoluer dans un sens plus favorable à ces derniers depuis quelques années. Des droits commencent à leur être reconnus en tant qu'êtres sensibles et la maltraitance réprimée par le droit pénal.
Ainsi, le Code civil français définit l’animal, qu’il soit domestique ou d’élevage, comme un être vivant doué de sensibilité, ce qui lui confère des droits et une protection contre les maltraitances. De son côté, le Code pénal réprime les actes de cruauté envers les animaux par des peines pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque ces faits ont entraîné la mort de l’animal.
Il en va de même en Turquie, où une loi adoptée en juillet 2021 reconnaît les animaux comme des êtres vivants et prévoit des peines pouvant aller de 6 mois à 4 ans d’emprisonnement en cas de violence ayant conduit à la mort d’un animal. Avant cette loi, seules des sanctions administratives pouvaient être prononcées.
Le Parlement turc adopte la nouvelle loi sur les droits des animaux
À l’occasion de son vote, les associations de protection des animaux avaient estimé que bien qu’étant une avancée, cette loi était insuffisante car elle conduirait sans doute à ce que les peines de prison ne soient pas mises en œuvre…
Alper Karmış, président de l’association PADER, (travaillant pour l’amélioration du sort des animaux errants) avait estimé qu’"étant donné les peines planchers très basses, et la législation sur la libération des prisonniers, il est clair que les persécuteurs n’iront pas en prison ; à part dans un cas particulièrement grave de cruauté qui scandaliserait la société […]".
Ces inquiétudes semblent se révéler justifiées : l’homme qui a battu à mort le chat Eros et dont les actes ont été filmés par des caméras de surveillance est aujourd’hui en liberté…
Une mobilisation pour une peine effective et plus lourde
Jugé une première fois en février 2024, il avait été condamné à 1 an et demi de prison, et libéré dans la foulée pour bonne conduite. Cette décision avait suscité une vive réaction de la part des associations protectrices des animaux et d’une partie de la population. Une pétition en ligne demandant une peine plus effective et plus lourde avait ainsi été lancée et a réuni à ce jour 320 000 signatures.
L’importance de la mobilisation avait conduit le président Erdoğan lui-même a demander au ministre de la Justice Yılmaz Tunç que l’affaire soit à nouveau jugée.
Ce fut chose faite ce mercredi 13 mars. Des centaines personnes se sont déplacées pour suivre le procès à Istanbul. Les juges ont alourdi la peine en la portant à 2 ans et demi de prison, mais sans emprisonnement effectif, pour motif de bonne conduite. Une avocate a annoncé faire appel du jugement.
Cette nouvelle décision a suscité des réactions très vives de l’opinion publique, notamment sur les réseaux sociaux avec le hashtag #justicepoureros (#erosiçinadalet). La pétition a été mise à jour pour continuer à réclamer une peine effective d'emprisonnement. De nombreuses personnalités ont elles aussi demandé que justice soit faite, comme l’attaquant phare du club de foot de Galatasaray, Mauro Icardi.
Le nom ainsi que la photo de l’homme qui a battu à mort Eros se répandent dans les médias et les réseaux sociaux, avec des appels à une condamnation plus effective.
À Istanbul, ville où les chats ont une place toute particulière, cette mobilisation témoigne d’attentes sociétales nouvelles s’agissant de la reconnaissance effective de plus de droits pour les animaux.
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