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HISTOIRE VRAIE DE TURQUIE – Sauvés de l’incendie de Smyrne

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 28 février 2013

 

À l'occasion de Marseille-Provence 2013 Capitale européenne de la culture, l'écrivain français François Beaune fait le tour de la Méditerranée pour collecter des ?histoires vraies?. Lepetitjournal.com d'Istanbul est partenaire de son projet. L'histoire du jour raconte le grand incendie de Smyrne/Izmir, à la première personne

C'était le 14 ou 15 septembre 1922. L'incendie de Smyrne avait commencé le 13, mercredi, et avançait vers la mer poussé par un vent très violent soufflant du sud, chassant devant lui les habitants qui abandonnaient leur maison et tous leur biens aux flammes. Nous étions au moins un groupe de 10 à 15 personnes. Pol, mon petit cousin qui avait deux ans et demi et qui était porté dans les bras, répétait à tue-tête ?Sfalate ta matakiasas? (Fermez vos petits yeux), comme on lui disait pour lui épargner le picotement de la fumée. Chacun tenait un mouchoir mouillé à la bouche.

La famille se dirigeait vers La Pointe pour se rendre à Bayrakl?. En chemin, ils furent arrêtés par un groupe de soldats turcs, dont l'officier demanda en très bon français où ils allaient. Lorsqu'ils dirent ?Bayrakl??, il les dissuada, leur disant que ce n'était pas prudent, et ils décidèrent d'aller à Buca (Budja). L'officier proposa de les accompagner jusqu'à la gare. Et comme ma s?ur Germaine, qui avait six ans, se trainait, il la prit et la mit devant lui sur l'encolure de son cheval. Maman craignait qu'il ne partît au galop en emportant sa fille. L'officier s'aperçut de la crainte qu'elle avait et lui dit ?N'ayez pas peur madame; tenez la bride de mon cheval.? Elle la prit et la tint bien fort. A la gare, le train allait se mettre en marche lorsque l'officier le fit arrêter et s'assura que toute la famille montait bien sur le train. Ma mère, depuis lors, a toujours regretté de ne l'avoir pas non seulement remercié, mais de n'avoir même pas demandé son nom.

Arrivés à Budja, le groupe se dirigea vers le couvent et l'orphelinat des s?urs de charité pour être hébergé. Ma mère connaissait les s?urs. Mais la s?ur portière lui dit qu'elles n'acceptaient que les enfants arméniens et orthodoxes parce qu'ils ?étaient plus en danger que les catholiques.? Finalement, ma mère a convaincu la s?ur, et elles nous ont admis dans l'orphelinat.

Mais avant d'arriver, sur le chemin, avait bivouaqué un groupe de soldat assis sur un petit mur surmonté d'une grille. Ma mère tenait Germaine, qui ne s'arrêtait pas de grincher et pleurer. Un soldat lui dit en turc: ?Cet enfant a faim !? Et il déboutonna la veste de son uniforme et retira de sa poitrine sa ration de pain qu'il sépara en deux et en donna la moitié à ma s?ur.

Lui n'avait peut-être que ça pour manger ce jour-là.

Gilbert Epik, histoire racontée par Inez Lorenz Roels (http://www.lepetitjournal.com/istanbulvendredi 1er mars 2013

Cette histoire vraie fera partie du livre que François Beaune publiera aux éditions Verticales en octobre 2013. Vous aussi, vous pouvez déposer la vôtre dans la bibliothèque disponible sur le site de Marseille-Provence 2013

Lire l'histoire vraie précédente ici.

lepetitjournal.com istanbul
Publié le 1 mars 2013, mis à jour le 28 février 2013

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