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ARCHÉOLOGIE ET TOURISME – Vers une protection plus sérieuse des sites de Turquie?

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 8 février 2018

Si la visite de sites archéologiques peut représenter un véritable plaisir de vacances, elle peut également devenir une menace pour le lieu fréquenté. Ainsi, tourisme et archéologie ne sont pas toujours sur la même longueur d’ondes. Mais ces dernières années, la Turquie semble redoubler d’efforts pour la protection de son patrimoine.

La Turquie regorge de sites archéologiques de différentes époques mais qui n’ont pas tous résisté au temps de la même façon. La présence de vestiges est sans conteste une chance pour le pays, en ce qu’elle attire les touristes. C’est aussi une responsabilité, puisqu’il s’agit de conserver les traces d’un passé lointain, qui datent de dizaines de siècles. Inévitablement, les monuments se dégradent au fil des années et des événements naturels, mais aussi au fil des visites.

Site d'Ephèse (photo ABG)

La fréquentation des sites met en effet les vestiges à rude épreuve et appelle les archéologues et les autorités à considérer sérieusement les problématiques de protection. L’agence de presse semi-officielle Anadolu rapporte cette semaine les propos du professeur Neslihan Dostoğlu, directrice du département d’archéologie de l’Université Kültür d’Istanbul, qui souligne: “Il faut trouver un équilibre entre attirer les touristes qui apprécient l’archéologie et protéger les sites antiques des dommages”.

Protection et Unesco

La Turquie compte désormais 13 sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco. Les deux derniers enregistrés en juin 2014 sont Bursa et Cumalıkızık. L’inscription sur les listes de l’Unesco assure une grande visibilité, notamment internationale, aux sites concernés, mais oblige également à prendre des mesures concernant leur protection. Les précautions  que les autorités doivent respecter sont énoncées dans la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, rédigée en 1972.

La Convention stipule notamment, à l’article 4 : “Chacun des États parties à la présente Convention reconnaît que l’obligation d’assurer l’identification, la protection, la conservation, la mise en valeur et la transmission aux générations futures du patrimoine culturel et naturel visé aux articles 1 et 2 et situé sur son territoire, lui incombe en premier chef.”

Neslihan Dostoğlu, qui a présidé le projet de candidature de Bursa et Cumalıkızık à l’Unesco, explique que ces lieux seront soumis à une protection plus consciencieuse maintenant qu’ils ont acquis le label de l’organisme. De plus, les villes et monuments classés doivent remettre un rapport à l’Unesco tous les cinq ans, les obligeant à faire preuve de sérieux. Huseyin Avni Botsalı, représentant permanent de la Turquie à l’Unesco estime que “la Turquie devrait être vue comme un grand État dans le monde avec sa civilisation et son héritage culturel, et non plus comme un pays en voie de développement.” Le label de l’Unesco doit appeler les touristes à ne pas se concentrer uniquement sur les monuments ou sites les plus célèbres, mais à découvrir aussi leurs environs. Il s’agit en effet de mettre en lumière une zone entière.

Les risques du tourisme de masse en Turquie

La cité antique d’Ephèse, située à 80 kilomètres d’Izmir, est l’un des sites archéologiques les plus visités. Parmi les records d’affluence, on trouve aussi Aphrodisias et Pergame. Hormis les problèmes de pollution engendrés par les visites quotidiennes, l’exploitation de certains lieux pose également question. Icomos, une organisation internationale non-gouvernementale de professionnels qui œuvre à la conservation des monuments et des sites historiques dans le monde, s’appuyait déjà en 2002 sur un rapport publié par La Fondation turque pour la promotion et la préservation des monuments (ÇEKÜL), de l’environnement et du tourisme, pour pointer l’utilisation qui était faite de certains sites. Le théâtre antique d’Ephèse accueille par exemple des performances chaque année. “L’installation d’une scène moderne et d’un équipement de lumières, ainsi que la présence de nombreux spectateurs, impose de sérieux risques aux structures anciennes et sensibles”, explique Icomos.

Les sites grecs antiques ne sont pas les seuls à être touchés par ce problème. En Cappadoce, région particulièrement touristique, l’une des attractions majeures réside en la multitude d’églises rupestres et troglodytes, dont les parois internes sont couvertes de peintures datant du 10ème siècle. Le défilé des curieux menace la survie de ces peintures, comme l’explique Catherine Jolivet-Lévy dans son livre La Cappadoce.

Sans le vouloir, l’homme fait pénétrer dans les églises de nombreux dépôts, notamment par le biais de poussières, qui ternissent les peintures. La respiration est elle-même un danger pour la conservation. “À Göreme, les peintures murales sont rongées par l’acide carbonique et la vapeur d’eau de la respiration des milliers de touristes qui visitent chaque jour ce site durant la saison estivale” note Catherine Jolivet-Lévy. Chaque site se voit ainsi confronté à des problèmes de conservation qui lui sont propres, dans l’ensemble du pays.

Amélie Boccon-Gibod (www.lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 23 juillet 2014

lepetitjournal.com istanbul
Publié le 22 juillet 2014, mis à jour le 8 février 2018

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