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VOYAGE - Kemaliye, un petit coin de paradis au bord de l'Euphrate

VOYAGE - Kemaliye, un petit coin de paradis au bord de l'EuphrateVOYAGE - Kemaliye, un petit coin de paradis au bord de l'Euphrate
Nathalie Ritzmann
Écrit par Nathalie Ritzmann
Publié le 20 septembre 2017, mis à jour le 1 avril 2020

Dans la province d'Erzincan, à 900-1000 m d'altitude, se trouve un coin de paradis au bord de l'Euphrate, une petite ville d'un peu plus de 2000 âmes, la belle Kemaliye.

L'accès se fait par une route qui serpente le long du fleuve mythique au milieu des montagnes du Munzur, offrant un panorama à couper le souffle.

"Eğin", ancien nom de cette cité et qui signifie "un jardin aussi beau que le paradis", utilisé jusqu'en 1922, découle d'Akn. Ce dernier qui veut dire “la source” a été instauré dans la première moitié du XIème siècle lorsque des arméniens originaires de Van se sont installés là.

Durant la guerre d'Indépendance, la population du village apporte son aide à Atatürk en envoyant 500 habitants à cheval. Le fondateur de la République de Turquie leur envoie le télégraphe suivant : "Habitants d'Eğin, vous êtes des personnes matures (kemal). Pour cette raison, je donne à votre ville le nom de Kemaliye".

Par le passé, sa population travaillait dans la filature, le textile, le commerce des tapis et du cuir, la fabrication des chaussures ainsi que la transaction d'or et d'autres métaux précieux. Les production étaient acheminées à Alep via Gaziantep et à Bagdad via Damas grâce aux caravaniers. A la fin du XIXème et début du XXième siècle, la cité était encore un important centre commercial. Il subsiste aujourd'hui dans le centre des échoppes de ces époques révolues. Ces commerces forment un ensemble très intéressant à découvrir, où les tenanciers ont bien souvent largement dépassé l'âge de la retraite.

Maisons traditionnelles

Les habitations traditionnelles de Kemaliye, qui font la part belle à la pierre et au bois (de noyer ou de mûrier), s'intègrent parfaitement dans ce paysage minéral extraordinaire où l'eau est omniprésente. On l'entend partout en se promenant, dévalant les pentes entre les constructions, ruisselant dans les caniveaux, en proportion plus ou moins importante selon les saisons.

L'endroit le plus étonnant se situe dans les hauteurs, entre les mosquées Taşdibi et Orta où la source Kadigolu en provenance de la montagne dégringole la pente. Si en été, l'eau est moins abondante, le spectacle est impressionnant ... et assourdissant au printemps à la fonte des neiges.

Les maisons, de taille souvent conséquente, sont érigées sur deux, trois voire quatre niveaux pour s'intégrer au mieux selon la topographie des lieux. Les caves servent à entreposer le bois de chauffage et à garder des vivres au frais. Le rdc abrite les pièces à vivre et à recevoir et les chambres à coucher sont installées tout en haut.

Certaines possèdent encore des salles de bain d’antan, en l’occurrence une pseudo-baignoire encastrée dans un placard, parfois utilisée par le propriétaire même si celui-ci dispose d’une salle d’eau plus moderne.

La quasi-totalité des portails en bois menant aux demeures sont munies de heurtoirs, souvent anciens, parfois plus récents, mais tous superbes. Ce sont là de véritables oeuvres d'art qui constituent une des particularités de cette jolie cité et des villages alentours.

Si deux heurtoirs sont installés l'un au dessus de l'autre, les hommes utilisent celui du dessus, les femmes celui du dessous. Lorsque deux se trouvent côte à côte ou lorsqu’il y en a un seul, le bruit provoqué par son utilisation permettra de renseigner sur la venue d'un homme (bruit fort et sec) ou d'une femme (son plus fin).

Fenêtres et encadrements, également en bois, sont du plus bel effet et attirent le regard tout comme l'imposante et belle bâtisse située sur la rue principale à la sortie de Kemaliye en direction du village d'Alpaca. Il s'agit d'une ancienne église arménienne, reconvertie durant un temps en hall de vente de tapis avant d'accueillir entre ses murs à partir de 1999 un musée ethnographique municipal. Les habitants de la petite ville et des villages environnants ont été mis à contribution pour fournir vêtements anciens, outils et accessoires de la vie quotidienne. Dans la cour ombragée, un joli café permet de profiter de la quiétude des lieux.

Délices de Kemaliye

Dans la partie haute de la ville, allez faire un tour à la lökhane : on y produit et vend du pekmez (moût de raisin) ainsi qu'une friandise appelée lök tatlısı à base de noix organiques et de mûres séchées au soleil, écrasés ensuite à l'aide d'une machine durant environ 3 heures pour réduire le tout en une sorte de poudre. Des rouleaux sont ensuite formés avec ce mélange, il ne reste plus qu'à déguster !

Demandez au tenancier de vous ouvrir la porte du moulin (değirmen) voisin, restauré en 2004, où est fabriquée en petite quantité une farine de belle qualité.

Outre les mûres que l'on trouve par là en grande quantité, pommes séchées, basilic odorant, raisin et miel sont autant de produits locaux a ramener de votre visite.

La ruelle qui monte juste à côté de la lökhane abrite un petit restaurant typique permettant de goûter à quelques délicieux plats traditionnels dont la soupe de börülce (flageolets), du kavurma (viande braisée servi avec du boulgour) ou encore du keşkek (plat anatolien rustique et consistant à base de blé et de viande cuits avec des épices dans de grands chaudrons, servi en principe lors des fêtes (mariages, circoncisions,...). Ce dernier mets est inscrit depuis 2011 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco.

Dans les rues de Kemaliye, on croise des habitants accueillants qui vous invitent à boire le thé chez eux et d’où vous repartez avec une provision de pommes et de concombres du jardin. Il s'avère ensuite que vous étiez en fait en compagnie de l'ancien imam Selim hoca et de son épouse Şefika...

Festival International des sports de plein air

Il faut aussi prendre le temps d'admirer l'Euphrate en descendant le plus près possible du fleuve, ou bien de différents points de vue situés à l'entrée ou à la sortie de la ville.

Kemaliye a été sélectionnée par la Fondation Çekul de Promotion et de Préservation de la Culture et de l'Environnement pour faire partie des "7 villes dans 7 régions" ayant un projet de préservation culturelle. En 2000, elle devient le 28ème membre de l'Union des Villes Historiques.

Depuis 2005, le centre-ville a été déclaré comme site préservé afin d’en protéger les caractéristiques historiques, architecturales et monumentales. Entre 2008 et 2013, 53 immeubles de Kemaliye et de l'un ou l'autre village des environs - dont Alpağa - ont pu bénéficier d'une restauration.

Compte-tenu de la configuration géographique et climatique du secteur, la faune y est importante et variée. Outre des chèvres des montagnes, vivent là des loups, des sangliers, des ours, des lynx, des loutres et un animal original, la salamandre tachetée (salamandra salamandra). Plusieurs panneaux apposés sur des façades bien visibles évoquent d'ailleurs la présence de cet amphibien peu répandu.

Comme évoqué dans le précédent article portant sur le canyon sombre situé à la sortie nord, Kemaliye accueille également tous les ans fin juin - début juillet le Festival International des sports de plein air (lien caché). Ce rendez-vous annuel permet à des sportifs du monde entier de venir durant quelques jours se livrer notamment au basejump, au rafting ou au trekking.

Amateurs de sensations fortes ou tout simplement de nature et d'authenticité, chacun trouvera sa part de bonheur et de rêve en venant découvrir cette magnifique contrée. Atteindre ce petit paradis sans être véhiculé n'est pas chose aisée mais contribue à préserver le charme de ce coin de pays.

Kemaliye en Anatolie

Nathalie Ritzmann (http://www.lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 20 septembre 2017

Nathalie Ritzmann
Publié le 20 septembre 2017, mis à jour le 1 avril 2020

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