Dans le parc du palais de Yildiz se trouve une manufacture qui, depuis plus d’un siècle, a produit des milliers de pièces, la fabrique de porcelaine de Yildiz.
En effet, le sultan Abdülhamid II, amateur de porcelaines étrangères, en particulier françaises, décida de développer cette production à Istanbul, non seulement pour, à l’instar d’autres souverains, posséder sa propre marque, mais aussi pour ressusciter l’art de la faïence, qui avait été si important jusqu’au XVIIe siècle dans l’Empire ottoman, avec les carreaux d’Iznik décorant les mosquées, et qui était peu à peu tombé dans l’oubli. Il ne faut pas oublier que lorsque son oncle Abdülaziz s’était rendu à Paris, pour l’Exposition Universelle de 1867, le jeune Abdülhamid, âgé de 24 ans, avait fait partie du voyage et avait manifesté un grand intérêt pour les nouvelles techniques et les objets exposés.
Création de la fabrique de porcelaine de Yildiz
On raconte que le sultan aurait pris sa décision suite à un dîner avec l’ambassadeur de France, Paul Cambon, qui lui aurait proposé une collaboration. Quoi qu’il en soit, c’est en 1891 qu’il crée la fabrique impériale de faïence et de porcelaine, et fait alors venir de Sèvres et de Limoges, les machines et les fours les plus modernes du moment, dont il confie, au début, la direction à un Français.
Mais le séisme de 1894 endommage les nouveaux ateliers et il fait alors appel, pour les reconstruire, à l’architecte italien Raimondo d’Aronco, qui a travaillé durant seize ans à son service et a édifié à Istanbul une multitude de prestigieuses constructions. Selon l’historien spécialiste de la fabrique, Önder Küçükerman, le sultan va alors embaucher dans ses ateliers les artistes les plus célèbres, issus de l’Ecole des Beaux-Arts, fondée en 1882 par Osman Hamdi. Ils se mettent donc à produire la vaisselle destinée aux palais et kiosques impériaux, mais aussi des pièces décoratives, vases, aiguières, sucriers, parfois destinées aux cadeaux du protocole.
Si, au début, les créations restent sous l’influence des porcelaines françaises, peu à peu vont apparaître des décors originaux, issus du mélange entre la technologie européenne et les traditions de l’Empire. En effet, les artistes s’attachent à créer des modèles incarnant l’identité ottomane, soit en réinterprétant des motifs traditionnels, soit en ornant les objets avec des paysages d’Istanbul ou des portraits de sultans.
Les pièces de cette époque, qui se trouvent aujourd’hui au palais de Topkapi, dans les musées nationaux ou les collections privées, sont marquées d’une étoile et d’un croissant et souvent signées par l’artiste. On dit qu’elles ont contribué au développement de la peinture dans l’Empire ottoman, par les représentations humaines, normalement bannies, et ont même influencé la décoration des intérieurs, par la représentation de manoirs avec des personnages assis sur des canapés ou mangeant sur une table à l’européenne.
Le destin de la fabrique de porcelaine de Yildiz bascule en 1909
En 1909, Abdülhamid II est déposé, et la fabrique de porcelaine apparaît soudain comme le luxe inutile d’une époque décadente. Pendant la Première Guerre mondiale, elle fabrique les isolateurs en porcelaine alors nécessaires au télégraphe et téléphone. Ensuite, elle demeurera presque abandonnée jusqu’en 1957, date à laquelle la Sümerbank, chargée de son exploitation, apporte des machines d’Allemagne et décide d’abandonner les anciens dessins pour produire des pièces bon marché.
Le renouveau de la fabrique de porcelaine de Yildiz
Finalement, c’est en 1994, lorsque la fabrique est rattachée aux Musées Nationaux, qu’elle recommence la production de porcelaines d’art. Elle emploie aujourd’hui une centaine de personnes, qui fabriquent entièrement les objets à la main, depuis la réalisation de la pâte, le coulage, le moulage, la cuisson, jusqu’à la réalisation des dessins. Les créations actuelles ont renoué avec le passé et portent des noms tirés de l’histoire ottomane, comme les "tasses Topkapi", "le Vase Abdülhamid" ou le "sucrier Gülbahar".
Des créations contemporaines de la fabrique de porcelaine de Yildiz
Les artistes-peintres qui les ornementent sont laissés libres de leur inspiration, ce qui fait qu’il n’en existe pas deux absolument identiques. Les porcelaines sont recuites après les motifs au pinceau, et terminées par une application de dorure.
L’atelier de peinture à la fabrique de porcelaine de Yildiz
L’atelier de peinture n’est pas vraiment un lieu de visite, mais si vous le demandez gentiment, on vous laissera sans doute y entrer un moment, ne serait-ce que pour admirer la dextérité des artistes- beaucoup de femmes mais aussi un peintre décorant depuis des décennies les vases de grande taille- qui confectionnent avec amour ces objets de luxe, en vente à la boutique de Yildiz mais aussi dans toutes celles des Palais Nationaux.