

Les journalistes sont nombreux en Afrique du Sud depuis le début de la Coupe du Monde. Septime Meunier, correspondant de L'Equipe suit les Bafana Bafanas. A la veille du second match de l'équipe hôte, il nous fait part de son expérience et de son analyse sur la compétition
Septime Meunier est le correspondant pour l'Equipe en Afrique du Sud (crédit photo : David Courbet)
Comment êtes-vous arrivé en Afrique du Sud ?
J'ai fait une licence d'Histoire à la Sorbonne, j'ai ensuite intégré le Centre de Formation des Journalistes de Paris. J'ai commencé à L'Equipe magazine à la sortie de l'école, puis j'ai travaillé en free lance, puis pour la société de presse AP, et j'ai été envoyé par L'Equipe en tant que correspondant en Afrique du Sud pour couvrir la Coupe du Monde, en février 2009. J'ai également travaillé pour So Foot, pour Trois Couleurs, Kyodo News (agence de presse japonaise) et pour un site internet de football sud africain.
Quel est votre avis en tant que journaliste représentant de L'Equipe sur le groupe de la France ?
Ce groupe est totalement ouvert, les quatre équipes peuvent passer en huitièmes de finale. Tout se joue sur le premier match dans de telles compétitions : le match nul de l'équipe de France contre l'Uruguay est frustrant mais encourageant pour la suite. Nous sommes tombés dans un groupe vraiment difficile, contrairement à ce que l'enthousiasme général lors du tirage au sort laissait entendre : le Mexique et l'Uruguay sont des équipes sud-américaines très rugueuses, et l'Afrique du Sud, poussée par son public, peut faire des miracles. Il y a quelques semaines, j'étais assez pessimiste sur les chances des Bleus. Aujourd'hui, tout reste ouvert.
Vous suivez l'équipe d'Afrique du Sud, quelle est votre analyse sur les Bafana Bafanas et sur le public sud africain ?
L'enthousiasme est fort. Il aurait suffit d'une victoire au match d'ouverture pour que le public porte les Bafanas Bafanas jusqu'aux huitièmes de finale. Maintenant, le nul encourageant contre le Mexique est de bon augure. Les supporters et les Sud Africains sont très accueillants, ils vibrent pour la Coupe du Monde. Au niveau sportif, j'ai pu remarquer une tendance : plus l'équipe en face est de qualité, plus l'Afrique du Sud hausse son niveau de jeu. Après, il y a les statistiques et la superstition : et si on regarde les dernières Coupes du Monde, l'équipe hôte se qualifie toujours pour les huitièmes de finale.
Et en ce qui concerne la Coupe du Monde en général, quels favoris ?
On oublie qu'il y a toujours des équipes surprises, et surtout l'importance de l'état de forme. C'est en cela que la préparation physique avant une telle compétition est un élément clé de la réussite. Le meilleur exemple est celui de la France lors de la Coupe du Monde 2006 : l'équipe était calibrée pour être prête à partir des huitièmes de finale, et les matchs de poule ont été très poussifs car les joueurs étaient usés physiquement. Une Coupe du Monde ne se joue pas que sur la valeur des joueurs. Après bien entendu, on retrouve les favoris classiques : le Brésil, l'Allemagne, l'Argentine ? Je mettrais une petite pièce sur les Pays-Bas plutôt que sur l'Angleterre cette année. Quant à l'Espagne, je pense qu'elle sera éliminée en demi-finale aux tirs aux buts !
Quelles sont les chances des équipes africaines ?
La Côte d'Ivoire est la mieux armée si elle sort de son groupe très difficile (NDRL : Brésil, Portugal, Corée du Nord), mais je pense que ça va être compliqué pour elle. Le Cameroun a également un groupe très difficile (NDLR : Pays-Bas, Danemark, Japon). Le Ghana a le potentiel sur le papier, ils possèdent une jeune génération qui a été championne du monde des moins de 20 ans, et leur milieu de terrain Muntari ? Appiah, malgré le forfait de Michael Essien, est très solide.
Et l'Algérie ?
Cela va être difficile pour cette équipe. Mais parler de l'équipe d'Algérie qui sera à la Coupe du Monde vient à aborder une tendance évidente : de plus en plus de joueurs franco-maghrébins font le choix de jouer pour leurs pays d'origine. En regardant l'équipe d'Algérie à la Coupe du Monde, on remarque que les trois quarts jouent dans le championnat de France et sont français. Cette tendance latente risque à moyen terme d'affaiblir l'équipe de France.
Est-ce un indice du ''désamour'' global envers l'équipe de France depuis quelques années ?
Au premier plan, il y a bien entendu le sélectionneur qui n'est pas très apprécié pour sa communication étrange et ses prises de décisions autant sportivement qu'en dehors. Il existe également et malheureusement une ambiance quelque peu délétère autour de l'équipe de France, car beaucoup de français disent ne pas se reconnaître dans cette équipe. Il s'agit vraiment d'une crise d'identité, qui est entretenue par le propos raciste des uns et des autres. Pourtant, l'équipe de France a toujours eu recours a des joueurs français d'origine africaine, antillaises ou des territoires et départements d'outre mer.
Cela explique le peu de Français qui on fait le voyage Afrique du Sud (environ 3.000) ?
Les obstacles sont d'un autre ordre : la récession, les prix prohibitifs des logements et du voyage, la peur du crime ? Mais ce qu'il faut dire, c'est que la France n'est définitivement pas un pays où la culture ''football'' est très présente et surtout les Français ne sont pas prêts à se déplacer loin pour supporter leur équipe.
Un dernier mot sur la Coupe du Monde ?
S'il y avait quelque chose à regretter, c'est que la compétition se déroule en hiver. Cela a un impact considérable sur les lieux de rassemblement : au final, seul le stade sera un lieu de fête, car on imagine mal les supporters se balader dans les rues commerçantes du centre ville ou les différents centre commerciaux pour chanter et se chambrer. Les supporters restent dans leurs hôtels ou leurs lodges entre les matchs, et la grande fraternisation créant cette ambiance propre à chaque Coupe du Monde sera difficile à retrouver.
Vous êtes journaliste pour la presse écrite, quel est votre sentiment sur l'avenir de la presse ?
La presse écrite est dans sa plus grande crise depuis son invention. Les jeunes générations n'ont pas cette habitude d'acheter le matin leur journal et de le lire à la terrasse d'un café comme c'était le cas pour nos aînés. Le lectorat s'érode fortement, et il n'y a pas eu de transition. De plus, l'avènement d'internet permet d'avoir une information continue, choisie et permanente. A terme, la presse écrite est condamnée à ne faire que du gratuit, à être rachetée par des grands entrepreneurs qui n'ont rien à voir avec ce milieu, au détriment de la qualité à mon sens. C'est le signe que la démocratie est peut être en train de mourir et que nous allons perdre des sources d'informations indépendantes. Si on ajoute à cela que le métier de journaliste n'est plus du tout un métier aussi valorisé et prestigieux, du fait de la collusion de beaucoup avec le pouvoir notamment, je suis assez pessimiste sur l'avenir de la fonction.
Et l'avenir pour vous ?
Pigiste, ce n'est pas pour moi. Il y a une énergie à déployer et il faut savoir se vendre. Si j'ai choisi la presse écrite plutôt que la radio ou la télévision, c'est avant tout car j'aime écrire, et que ces deux autres médias sont trop réducteurs et dans l'instantané. Je vais donc revenir à Paris, j'ai des propositions, je garde mes options ouvertes. Probablement pas dans le milieu du journalisme sportif, même si cette opportunité ici pour la Coupe du Monde était extraordinaire et que je la vis pleinement.
Propos recueillis par Alexandre Capron et David Courbet (lepetitjournal.com/johannesbourg.html) mercredi 16 juin 2010


































