

Autour du Parc Olympique, entre les allées du centre commercial de Westfields, un étrange troc s'organise sous les manteaux. Il s'agit de l'échange ou la vente de pin's collectors des différents Jeux Olympiques. "Une tradition vieille comme les Jeux", assurent certains
(Crédit : Elodie LLanusa)(Leg : Deux Canadiens chassés de Westfields)
Même le regard le plus distrait ne pourrait pas manquer l'étonnant cortège de touristes, spectateurs, officiels ou volontaires ayant fièrement épinglé sur leur accréditation ou leur veste, des pin's olympiques. Ils ont toutes les formes, tous les pays, toutes les couleurs et surtout, chacun reflète le souvenir des JO passés. Mais où les ont-ils trouvés ?
La drogue du troc
Allez à la rencontre des jeunes arborant leurs beaux pin's colorés et vous obtiendrez toujours la même réponse "non, je ne collectionne pas, c'est juste pour le fun". Seulement, ils sont bien nombreux à se laisser prendre dans les filets du pin's? La chance tourne lorsqu'un groupe de jeunes réunis autour de leurs nouvelles trouvailles acceptent de donner un peu plus d'explications sur leur lubie insolite. "Au début, c'était juste un jeu. Et puis, comme tout le monde en a, on finit pas avoir envie d'en avoir plus que les autres", raconte l'une des filles du groupe. Une autre explique qu' "en arrivant tous les matins au travail, chacun demande aux autres s'ils ont de nouveaux pin's et comment ils les ont eus. C'est devenu une sorte de challenge de réussir à trouver des pin's rares". Le seul garçon du groupe s'approche pour montrer un pin's doré London 2012."Toute la collection London 2012 vaut 8000 livres", ajoute-t-il les yeux brillants. Pour les jeunes donc, ce qui n'était qu'un jeu devient petit à petit une rivalité quotidienne bon enfant ainsi qu'une possible source d'enrichissement. "Le collectionneur qui m'a donné celui-ci (un pin's Londres 2012 estampillé Team USA, NDLR) m'a assurée que je pouvais le revendre 40 livres sur eBay", confie l'une des jeunes filles avant que le groupe ne s'éloigne, un peu effrayé d'en avoir trop dit. De quoi ont-ils si peur ?
(Crédit : Elodie LLanusa)
Les collectionneurs chevronnés
Un peu plus loin, un homme montre discrètement un petit plateau plein de pin's. Autour de lui, c'est rapidement l'attroupement. Deux Chinoises lui achètent des pin's datant de Beijing, tandis qu'une Londonienne, nouvelle collectionneuse, marchande fort l'échange de deux pin's. Le deal sera finalement accepté. Alex, Canadien, explique qu'il est présent aux Jeux depuis ceux de Vancouver. "Là-bas, je pouvais me faire autour de 1000 dollars par jour. Jusque là, j'avais toujours pu financer mes voyages avec le commerce des pin's. Ici, c'est interdit. Dans les bons jours, je peux aller jusqu'à 100 livres mais ce n'est arrivé réellement qu'une fois". Alex ajoute que la police le chasse régulièrement. "Heureusement, il y a eBay, qui me permet de continuer un peu mon business". Si l'interdiction de la vente de pin's semble pouvoir s'expliquer, le refus des autorités de voir les gens simplement s'échanger leurs objets est plus étonnant. "On vient de se faire mettre dehors par la sécurité à cause de nos pin's. On n'a pas le droit de les échanger avec les autres collectionneurs et encore moins avec les athlètes. Pourtant, ceux qui ont gagné des médailles sont souvent heureux de pouvoir obtenir des pin's un peu commémoratifs", racontent excédés deux Canadiens couverts de pin's de la veste au chapeau. Ils en sont respectivement à leurs septièmes et cinquièmes Jeux Olympiques et pour eux, il n'a jamais été question de les vendre, simplement de faire du troc. "On est passionnés par les pin's, il m'arrive même d'en dessiner quelques-uns", raconte l'un d'eux avant d'ajouter "même en Chine c'était plus ouvert qu'ici. On pouvait échanger nos pin's avec des tickets d'entrée pour les épreuves, là, pas du tout. J'ai juste réussi à voir une répétition générale pour la cérémonie d'ouverture et c'est tout". Le Canadien finit par s'énerver lorsqu'il raconte que la sécurité lui a demandé d'ôter tous ses pin's avant d'entrer dans le parc olympique. "Pourquoi devrais-je me cacher d'aimer les pin's et prétendre que je ne suis pas là pour les échanger ?, gronde-t-il. Ça fait partie de la tradition des Jeux mais Londres l'interdit parce que ça échappe à tout contrôle". Comme pour lui donner raison, un des vigiles ordonnent sèchement de ne pas discuter devant les magasins. "J'ai envie de rentrer chez moi, finit par souffler l'un des deux collectionneurs. Il me reste une semaine à Londres, mais je voudrais déjà être rentré". Triste Jeux pour les amoureux des pin's.

Loin des yeux... loin des problèmes
"Je suis très étonné qu'ils aient été mis dehors. Je ne suis pas au courant d'une telle affaire ! J'aurais plutôt tendance à vouloir encourager leur présence puisqu'elle est bonne pour Westfields", confie pourtant un agent de sécurité du centre commercial interrogé quelques instants plus tard. Après un coup de fil à ses chefs, l'agent réaffirme son étonnement et assure que la sécurité n'a absolument pas reçu le mot d'ordre d'interdire les pin's dans le centre commercial. Et pourtant?
John, collectionneur depuis 26 ans, a lui aussi connu quelques travers avec les organisateurs de Londres 2012. Il a donc décidé de sortir un peu des enceintes du centre commercial en se plaçant sur le chemin de la station Stratford International. Sur ce coin de pelouse à l'écart des vigiles, il n'a pas tardé à être rejoint par d'autres troqueurs de pin's. "Les débuts ont été difficiles mais on s'améliore sur la deuxième semaine", confie-t-il. Sur son stand, une affichette annonce la couleur : "trade only". John ne veut pas risquer sa bonne place en faisant de la vente. Les intéressés sont nombreux. Les passants n'hésitent pas à s'aborder les uns les autres pour obtenir un pin's. En pleine conversation avec un Jamaicain amusé par ce remue-ménage, un homme l'interrompt pour lui demander son pin's du Cameroun. Le Jamaicain refuse d'abord, une importante négociation s'enchaine. L'affrontement est passionné.
Ironie du sort, les grandes enseignes non plus n'ont pas hésité à surfer sur la vague du pin's. Coca Cola, Samsung, Apple ou encore EDF ont tous sorti leur collection pour Londres. Les volontaires sont d'ailleurs "remerciés" par leur loyaux services par des pin's collectors "interdits à la vente". De quoi créer le début d'une dépendance lorsque certains découvrent l'engouement suscité par leur pin's "introuvables".
Malgré une réussite toute mitigée à Londres, le succès des pin's ne date pas d'hier, surtout lors des Jeux Olympiques. Les athlètes eux-mêmes s'échangent ces breloques pour garder le souvenir de leur participation aux Jeux et de leurs rencontres. Si vous n'avez pas peur de devenir vous même "accro", vous savez désormais où allez pour assister à cet étrange ballet de pin's olympiques.
Elodie LLanusa (www.lepetitjournal.com/jeux-olympiques) vendredi 10 août 2012


































