Il y a un peu plus de 20 ans, Abodh Aras a abandonné son poste de management chez DHL pour se consacrer aux chiens des rues de Mumbai. À l’époque, la mairie de la ville, la BMC, avait démarré une campagne d’euthanasie massive pour essayer d’enrayer le développement de la population canine de Bombay. Abodh, ainsi que d’autres personnes, étaient persuadés qu’une telle action n’atteindrait pas son objectif, une raison simple étant que le rythme de reproduction des chiens était bien plus rapide que le rythme auquel la BMC était capable de les supprimer.
Pendant de nombreuses années, Abodh et d’autres activistes se sont battus pour prouver à la BMC que le programme d’éradication des chiens des rues n’était pas la solution contre la propagation de la rage. “Cela a permis une élimination de la population canine dans les villes des pays développés dans lesquelles les ordures n’étaient pas à ciel ouvert et la densité humaine bien moindre qu’à Bombay” explique Abodh. En effet, les chiens ont un rythme de reproduction très rapide, selon une estimation, 2 chiens peuvent engendrer plus de 300 descendants en 3 ans. De plus, ce sont des animaux sédentaires qui se choisissent un territoire et ne le quittent pas. “Si vous enlevez tous les chiens d’une rue mais si les poubelles restent, les chiens de la rue d’à côté vont venir occuper l’espace vacant et vont continuer à se reproduire. Et très rapidement, ce sera comme si vous n’aviez rien fait,” poursuit-il. “D’autre part, la plupart des morsures sur les humains ont lieu pendant la période de reproduction car les mâles et les femelles sont plus agressifs. Ainsi, en stérilisant les animaux, le risque de transmission de la rage est automatiquement réduit,” conclut Abodh.
Sa première action fut une campagne de stérilisation sur place des chiens errants afin de prouver à la mairie que c’était la seule manière de contrôler la population. Vivant dans le Sud de Bombay, il s’est tout naturellement occupé des animaux de cette partie de la ville. Ce programme fut ensuite étendu aux autres quartiers par plusieurs ONG.
The Welfare of Stray Dogs (WSD)
En 1985, Abodh Aras a fondé the Welfare of Stray Dogs (le bien-être des chiens errants), une organisation caritative dédiée aux chiens de rue de Mumbai. Depuis 1989, WSD gère un programme important de stérilisation pour les chiens errants en suivant les recommandations de l’Organisation Mondiale pour la Santé concernant l’éradication de la rage et le contrôle de la population canine.
Depuis plus de 10 ans, la BMC travaille en collaboration avec environ 8 ONG pour la stérilisation et la vaccination de la population canine de Bombay. En novembre 2015, la Cour Suprême a interdit de tuer les chiens errants dans tous les états de l’Inde. Elle a jugé que : “Seuls les animaux gravement malades ou mortellement blessés peuvent être euthanasiés, et ce, dans des conditions humaines.”
Ironie du sort, la mairie de Bombay a alloué à WSD l’espace et le bâtiment qui étaient autrefois utilisés pour l’euthanasie. L’organisation y a installé son centre de stérilisation et de soins. Trois ambulances gérées par l’ONG ainsi qu’un camion de la BMC attrapent les chiens dans les rues et les amènent au centre pour vaccination et stérilisation. Après une période d’observation, ils sont relâchés sur leur territoire. En 2018, WSD a stérilisé plus de 2600 chiens et environ 300 chats.
Le personnel salarié est réduit : 1 vétérinaire particulièrement dévouée, 2 chirurgiens qui opèrent 2 jours par semaine, 12 employés qui s’occupent des animaux et des locaux et 3 ambulanciers. Un grand nombre de volontaires assistent le personnel dans la bonne marche du chenil.
Outre la stérilisation et la vaccination, WSD a lancé et développé plusieurs programmes :
- soins dans la rue pour les chiens malades ou blessés (une ambulance patrouille et se rend sur les lieux sur appel des citoyens)
- soins gratuits pour les animaux adoptés par les habitants des bidonvilles
- plan d’adoption pour les chiens de rue qui ont perdu leur territoire du fait de la construction d’un immeuble ou pour les chiens domestiques abandonnés, WSD a fait sienne la devise de nombreuses organisations pour le bien-être des animaux dont PETA Foundation : Adopt, don’t shop!
- actions de sensibilisation des enfants et des adultes sur les abandons d’animaux domestiques et sur le comportement à adopter face à un chien errant
De nombreuses écoles participent au programme éducatif de l’ONG. En Novembre 2018, les enfants de CM2 de l’Ecole Française Internationale Bombay (EFIB) sont venus visiter les locaux, promener les chiens et surtout, remettre la recette de la vente de gâteaux qu’ils avaient organisée dans leur école. Une belle action menée par ces élèves et leur enseignante !
Comme toutes les ONG, les recettes de WSD proviennent uniquement de dons et d’organisation d’évènements pendant lesquels les participants sont appelés à contribuer. À titre d’exemple, le 16 décembre, une petite fête de Noël a été organisée dans un café de Bandra et du 11 au 15 janvier a lieu la vente annuelle de livres et d’objets d’occasion récoltés par WSD. Si vous êtes un amateur de brocante, allez y faire un tour. De plus, si vous souhaitez vous débarrasser de meubles ou objets qui ne vous plaisent plus, vous pouvez contacter WSD qui se chargera de venir les récupérer.
My city, My dogs
Depuis 20 ans, Abodh patrouille dans les rues du Sud de Bombay à la rencontre de la population canine et féline de la ville et a ainsi accumulé de nombreuses photos et des anecdotes sur l’histoire et l’architecture de la ville. En 2018, il a publié un livre pour enfants, My city, my dogs, racontant la vie de chiens errants postés à des endroits iconiques de Mumbai : Trafic, le chien qui assiste les policiers à Flora Fountain, Champi, le chien du vendeur de jus de sucre de canne à Azad Maidan, Bogie, qui habite dans un compartiment de 1ère classe du train local… Les illustrations combinent une photo d’un endroit avec un dessin de l’animal. Un joli cadeau en souvenir d’un séjour à Bombay !
“On a tendance à penser que les chiens des rues n’ont pas de nom et vagabondent dans les rues, dit Abodh. Mais on ne s’imagine pas qu’ils sont souvent nourris et pris en charge par les personnes exerçant les petits métiers de rue comme le vendeur de thé (chai-wallah) du coin de la rue ou le cireur de chaussures assis sur le trottoir. Quelqu’un s’en occupe et le fait pour les mêmes raisons qu’une personne plus aisée vivant dans un appartement achètera un chien de race : la compagnie, l’affection et l’amour qu’un animal peut apporter à l’homme. En écrivant ce livre, j’ai pensé que je pouvais décrire cet aspect d’une manière amusante.”
Pour aider ou contacter WSD, c’est ici.
Pour l’adresse de la vente qui a lieu du 11 au 15 janvier 2019, c’est ici.
Pour lire en ligne le livre My city, my dogs (il y a une traduction française) , c’est ici.