Célébration du 163e anniversaire de la naissance de Rabindranath TAGORE

Tagore était le plus pur produit de la colonisation anglaise en Inde (son grand-père avait ses entrées à la cour de la Reine Victoria). Né le 7 mai 1861, dans une famille progressiste du Bengale qui avait fait fortune en jouant le rôle d'intermédiaire entre la Compagnie des Indes orientales et les agents locaux, il maîtrisait à la fois les codes de l'Inde traditionnelle et ceux d'une société plurimillénaire en cours de modernisation. Rabindranath Tagore fût certainement le plus grand représentant de la renaissance culturelle bengali qui a préparé le terrain pour l'éclosion du mouvement de l'indépendance de l'Inde, au 20ème siècle, sous l'égide de Gandhi et de Nehru. Le célèbre chant ''Cet encens que je suis ne dégage pas de parfum sans qu'on le brûle ; cette lampe que je suis n'émane pas de lumière sans qu'on l'allume.'' était de ceux qui inspirèrent courage à Gandhi.

Parmi les 300 titres que compte l'œuvre de Tagore, on trouve des poèmes, des romans, des essais, des pièces de théâtre, mais il se définissait essentiellement comme poète.

Gitanjali, son œuvre poétique la plus connue, sera traduit en de nombreuses langues notamment en français par André Gide sous le titre L'Offrande lyrique (NRF, 1917). Sa poésie se situe à la confluence du monde traditionnel et du monde moderne, puisant son inspiration autant dans les traditions indo-musulmanes que dans la littérature occidentale. Il a ainsi composé plusieurs centaines de poèmes et plus de 2 500 chants dédiés à la quête « du vrai, du beau et du bien ». Les événements tragiques de sa vie, loin de l'aigrir, élargirent l'horizon de son humanisme. Tagore possédait le don de convertir la souffrance en joie. Sa tâche était double : découvrir son dieu de beauté dans la nature, dans le corps, dans la pensée, dans la parole et dans l'acte, et imposer à la vie une transformation pour qu'elle devienne belle dans sa totalité.

Un des ses plus beaux romans est certainement La Maison et le Monde (1915). Récit à trois voix qui se croisent et se répondent, histoire d'amour centrée sur un bouleversant portrait de femme, ce livre, où se heurtent la tradition et la modernité, est aujourd'hui encore étonnamment moderne, au point d'avoir inspiré au grand cinéaste indien Satyajit Ray l'un de ses plus grands films (La Maison et le Monde, 1984). Si sa fiction est datée, elle pose néanmoins des questions qui restent d'une actualité brûlante sur la place de la femme dans la société, sur l'obligation de dépasser les nationalismes et les communautarismes étriqués. Tagore s'inquiétait aussi des dérives nationalistes et appelait de tous ses vœux une Inde libre de ses colonisateurs, mais aussi des nationalistes hindous extrémistes, comme en témoignent ces quelques vers de L'Offrande lyrique que connaissent par cœur tous les Bengalis :

"Là où l'esprit est sans crainte et où la tête est haut portée ;

Là où la connaissance est libre ;

Là où le monde n'a pas été morcelé entre d'étroites parois mitoyennes ;

Là où les mots émanent des profondeurs de la sincérité ;

Là où l'effort infatigué tend les bras vers la perfection ;

Là où le clair courant de la raison ne s'est pas mortellement égaré dans l'aride et morne désert de la coutume ;

Là où l'esprit guidé par toi s'avance dans l'élargissement continu de la pensée et de l'action – Dans ce paradis de liberté, mon Père, permets que ma patrie s'éveille. "