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Hong Kong saura-t-elle se réinventer face aux défis actuels ?

hong konghong kong
@Unsplash/Ruslan Bardash
Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 21 décembre 2022, mis à jour le 21 décembre 2022

Le dernier rapport du Service Economique Régional de l'Ambassade Française en Chine propose une réflexion sur la transformation en cours du modèle économique de Hong Kong et les opportunités ouvertes pour les entreprises françaises dans le nouveau contexte.

L’économie de Hong Kong est aujourd’hui confrontée à plusieurs défis de court, moyen et long terme dont la disparition des touristes chinois, le ralentissement de son commerce extérieur dans un contexte d’inflation et diversification des chaines de valeur au sein de la région Chine, les tensions accrues entre la Chine et les Etats-Unis ainsi que le renforcement du contrôle chinois sur le territoire. Ces difficultés ont révélé la trop forte dépendance de Hong Kong au secteur des services (financier, professionnels, logistiques, tourisme et distribution) ainsi qu’à son rôle de connecteur entre la chine et le reste du monde. Obligée de se réinventer , Hong Kong se tourne notamment vers le projet de Greater Bay Area qui, s’il est porteur d’opportunités, demande encore des avancées concrètes

Hong kong comme « super-connecteur » avec la Chine »

Le rôle de Hong Kong en tant que « super-connecteur » avec la Chine se déploie essentiellement à travers deux canaux : l’intermédiation des échanges commerciaux ainsi que des flux d’investissements vers et depuis la Chine. Hong Kong joue en effet un rôle d’intermédiaire clé pour le commerce extérieur chinois (2ème marché à l’export de la Chine avec 10,4 % de parts de marché en 2021, réexportant au cours de l’année pour 321,1 Mds USD de biens chinois). Hong Kong bénéficie pour cela d’une situation géographique avantageuse, d’un port à conteneurs jugé très efficace, du premier aéroport mondial pour le transport de marchandises, de procédures de dédouanement simples et rapides et d’une absence de tarifs douaniers. La région administrative spéciale (RAS) contribue également largement à l’accès des entreprises chinoises aux capitaux étrangers, ainsi qu’au déploiement par celles-ci à l’étranger. Ces flux transitant par Hong Kong prennent à la fois la forme d’investissements directs (près de 60% du stock d’IDE chinois entrants et sortants transitent par Hong Kong) comme d’investissements de portefeuille (80% de la capitalisation boursière hongkongaise est portée par des entreprises chinoises). Hong Kong s’est en effet imposée aux côtés de New York (264 entreprises chinoises cotées à New York, 297 à Hong Kong) comme un canal d’accès privilégié aux capitaux internationaux pour les entreprises chinoises au cours de la dernière décennie (97% des fonds levés par IPO à la bourse de Hong Kong en 2021 l’ont été par des entreprises chinoises), leur permettant de lever des fonds offshore en « quasi US dollars » déployables à l’étranger (et par la même occasion, échappant plus facilement aux contrôles des capitaux chinois). Outre ce rôle de place de cotation pour les entreprises chinoises, Hong Kong est aujourd’hui une interface permettant aux investisseurs internationaux d’accéder aux marchés financiers chinois onshore (et, réciproquement, aux investisseurs chinois d’accéder aux marchés offshore hongkongais) par le biais des programmes « Connects », dont le déploiement a débuté en 2014 (Stock Connect pour les actions, puis Bond Connect pour les obligations et désormais Wealth Management Connect pour les produits de gestion de fortune).

Outre ce rôle dans l’intermédiation des flux (de capitaux et de marchandises), Hong Kong offre également une base permettant aux entreprises internationales de conduire leurs affaires en Chine (et plus largement dans l’ensemble de l’Asie), et aux entreprises chinoises de piloter leur développement international. Hong Kong bénéficie en effet pour cela de son statut spécial dans le cadre du « un pays, deux systèmes », qui permet aux entreprises étrangères d’y détenir des filiales à 100% dans un cadre juridique des affaires lisible et transparent fondé sur la « Common Law », pour ensuite se projeter vers la Chine continentale en facturant à Hong Kong leurs marchandises et prestations sans y être soumises au contrôle des capitaux.

Evolutions économiques et géopolitiques à Hong kong

Hong Kong est aujourd’hui confrontée à plusieurs évolutions qui pourraient conduire la RAS à devoir repenser son rôle à la fois vis-à-vis de la Chine et du reste du monde. Sur le plan politique, les autorités chinoises ont engagé un resserrement sans précédent de leur autorité sur la région administrative spéciale, imposant en 2020 une loi de sécurité nationale étouffant toute possibilité de contestation et restreignant la liberté d’expression. Cette reprise en main politique pèse aujourd’hui sur la perception de Hong Kong par les family offices et les individus fortunés (dont les Tycoons hongkongais), qui considèrent désormais leurs actifs investis via Hong Kong comme étant à portée de main des autorités chinoises et se tournent de plus en plus souvent vers Singapour. Les entreprises et les banques étrangères ont quant à elles vu, pour certaines, la conduite de leurs affaires depuis Hong Kong se complexifier, dans un contexte plus large de tensions accrues entre la Chine et les Etats-Unis ayant notamment abouti à la mise sous sanctions d’officiels chinois et hongkongais, ainsi que d’entreprises chinoises cotées à Hong Kong. Enfin, la conduite depuis Hong Kong d’analyses économiques et financières sur la Chine est devenue sensible en raison des contours ambigus de la loi de sécurité nationale, ce qui aurait largement renforcé l’autocensure des analystes des banques selon un certain nombre d’acteurs du secteur interrogés par Bloomberg et le Service économique.

Sur le plan économique, Hong Kong souffre aujourd’hui du ralentissement de l’économie chinoise, ainsi que de la demande mondiale en biens de consommation dans un contexte d’inflation généralisée. Si ces deux tendances sont plutôt d’ordre conjoncturel, leur impact sur Hong Kong (contraction de 3,2 % du PIB attendue en 2022) pose la question de sa dépendance au commerce extérieur chinois, et de manière plus large à la croissance économique du pays, aujourd’hui questionnée à plus long terme. De plus, le rôle de Hong Kong en tant que hub de réexportation pourrait être affaibli par l’adoption par un nombre croissant d’entreprises multinationales de la stratégie « Chine + 1 » visant à diversifier les chaines de valeur en localisant une part de la production au Vietnam ou dans d’autres pays de la région.

Hong Kong est enfin pénalisée par la poursuite jugée irrationnelle d’une stratégie « zéro-Covid » par la Chine et, jusqu’à récemment, par la région administrative spéciale. Cette stratégie a eu pour effet de mettre le tourisme à l’arrêt depuis début 2020, en l’absence des touristes continentaux (qui représentaient en 2019 78,3 % des visiteurs). Or les ventes de détail, soutenues par les dépenses des touristes chinois, représentaient avant la pandémie la principale composante du PIB hongkongais. Ceux-ci étant désormais en mesure de se procurer des produits de luxe en Chine continentale ou à Hainan, ils pourraient être moins nombreux à se tourner vers Hong Kong au moment de la réouverture. Les mesures strictes de contrôle de l’épidémie à Hong Kong ont également suscité une vague de départs (également liée aux atteintes aux libertés individuelles pour ce qui est des Hongkongais, avec une baisse de 216.300 du nombre de résidents entre fin 2019 et juin2022, soit -3%, cf. annexe 1) et d’entreprises étrangères plus importante encore que qu’au moment de la rétrocession. Ces départs et l’absence de touristes chinois ont entrainé une baisse de 12 % des prix de vente dans l’immobilier commercial entre mai 2019 et septembre 2022, et de 9 % pour l’immobilier résidentiel entre septembre 2021 et septembre 2022.

La Greater Bay Area et la réindustrialisation vers les produits à haute valeur ajoutée

Face à l’affaiblissement de certains des plusieurs de ses piliers traditionnels de croissance, Hong Kong espère bénéficier à terme de son intégration économique accrue avec la Chine continentale, principalement structurée autour de la Greater Bay Area (zone de coopération économique entre Macao, Hong Kong et 9 villes du Guangdong, dont Shenzhen et Canton), riche de 86 millions d’habitants. Cette intégration offre en effet à Hong Kong plusieurs opportunités dont la possibilité d’accroitre son offre de services professionnels (comptabilité, audit, juridique, conseil) et financiers au sein de la région. En matière de services financiers, l’ouverture du Wealth Management Connect permet depuis 2021 aux banques de Hong Kong de vendre des produits de gestion de fortune aux résidents des 9 villes du Guangdong. L’ouverture du programme Insurance Connect, qui pourrait intervenir prochainement, pourrait à son tour offrir de nouvelles opportunités dans la GBA aux compagnies d’assurance installées à Hong Kong. De manière plus large, un allègement des mesures de contrôle des capitaux est attendu au sein de la région, ce qui devrait bénéficier aux Hongkongais. Le projet d’intégration au sein de la GBA doit également permettre à Hong Kong de pallier l’une de ses principales faiblesses structurelles, le déficit d’innovation. Le projet de développement de la GBA met en effet l’accent sur le développement de la zone en tant que hub d’envergure mondiale en matière d’innovation et technologie. Hong Kong devrait dans ce cadre bénéficier d’une coopération accrue avec Shenzhen, notamment à travers la « zone de coopération en matière d'innovation et de technologie Shenzhen-Hong Kong ». Cette coopération doit également permettre à Hong Kong de s’engager dans la voie d’une réindustrialisation tournée vers les produits à haute valeur ajoutée, son économie étant aujourd’hui trop dépendante des services. Le secteur de la santé étant l’un des points forts traditionnels de Hong Kong, cette réindustrialisation pourrait dans un premier temps s’axer autour des biotechnologies et de la santé digitale. Hong Kong encourage par ailleurs le développement du secteur culturel (avec notamment l’ouverture récente de deux musées de grande ampleur : le M+ et le Palace Museum) et les industries créatives, ce qui pourrait, outre les retombées directes, accroître son intérêt touristique, jusqu’ici plutôt centré sur la consommation.

Importance du calendrier sanitaire chinois

Toutefois, dans un contexte de frontières toujours fermées entre le continent et Hong Kong, l’intégration au sein de la GBA reste à ce stade largement abstraite. Et si un certain nombre d’opportunités ont été identifiées, les orientations avancées revêtent encore peu d’aspects concrets hormis certains chantiers d’infrastructures entre Hong Kong et Shenzhen. Plusieurs obstacles rendent par ailleurs cette intégration complexe, dont l’hétérogénéité des cadres légaux et réglementaires (au nombre de 3 entre Hong Kong, Macao et le Guangdong), l’emploi de monnaies distinctes et les différences de développement au sein de la région.

Plusieurs moteurs de la croissance hongkongaise sont aujourd’hui à l’arrêt (tourisme) ou encore en recul (secteur logistique, immobilier, vente de detail). Le calendrier de normalisation de la situation sanitaire en Chine jouera un role essential dans la reprise. Face aux évolutions auxquelles Hong Kong est aujourd’hui confrontée et dans le contexte de la reprise en main politique par Pékin, une certaine remise en question du paradigme “small governement big market” semble à l’œuvre à Hong Kong. Une plus grande intervention publique sera en effet nécessaire pour permettre à l’économie hongkongaise de se réinventer et de déployer de nouveaux moteurs de croissance. Dans ce contexte, des opportunités devraient émerger pour certaines entreprises françaises, notamment dans le secteur de la construction avec le projet Northern Metropolis dans le cadre de la GBA ou dans le secteur de l’assurance avec de nouveaux marchés qui pourraient s’ouvrir pour les acteurs français (dont AXA) au sein de la GBA.

 

SER de Pékin , Jean-Marc Fenet et son équipe

 

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