Avec deux étoiles tombées dans son escarcelle en deux ans, Eric Räty s’est imposé comme l’un des chefs les plus prometteurs de la scène culinaire hongkongaise. Lepetitjournal.com est allé à sa rencontre.
Après avoir grandi dans la forêt finlandaise et commencé sa carrière en tant que plongeur dans un restaurant 2 étoiles d’Helsinki, Eric Räty est aujourd’hui lui-même chef 2 étoiles au cœur de la dynamique Hong Kong.
Il me reçoit peu avant midi et l’arrivée des clients dans le cadre enchanteur d’Arbor. Conçu comme une ode à la nature et à "l’élégance sobre" par le designer de renom Glenn Pushelberg, ce restaurant est un sanctuaire paisible niché au cœur de Central, à la cime de la tour H Queen’s.
Maîtriser et aller plus vite
En parallèle de ses études à la Perho Culinary School d’Helsinki, Eric Räty, qui a alors 16 ans, décroche un travail à temps partiel en tant que plongeur dans le seul restaurant doublement étoilé de Finlande, Chez Dominique. C’est là que tout commence: il y fait ses armes, et fait déjà montre d’une détermination hors-pair, aiguisant ses techniques et élargissant progressivement le champ de ses responsabilités.
"Tout comme les sushi masters japonais qui passent 3 ans juste pour apprendre et maitriser le lavage du riz avant de passer à l’étape suivante, j’ai gravi chaque échelon avant de devenir chef étoilé. Mon premier jour Chez Dominique était aussi impressionnant que chaotique! Mais je veillais à bien faire mon travail et à progresser. Petit à petit j’allais plus vite, et on me confiait plus de responsabilités: d’abord en tant que plongeur, puis commis à temps plein et chef de partie."
Eric Räty devient ensuite chef pâtissier chez Aqua (3 étoiles) au Ritz Carlton Wolfsburg, avant de retourner Chez Dominique en tant que chef cuisinier, puis de s’établir chez Sandlådan et d’embarquer pour l’Asie chez Café Gray Deluxe auprès du chef Gray Kunz. Cette expérience lui permet notamment de mieux appréhender et d’incorporer des notes asiatiques dans sa cuisine. "Mes chefs ont toujours placé leur confiance en moi et je voulais être à la hauteur. Si je faisais une erreur, je savais que c’était toute l’équipe qui en pâtissait."
Avoir la tête dans les étoiles, mais sur les épaules
Ayant transformé cette confiance en moteur de son apprentissage, il devient chef de cuisine d’Arbor, où il travaille des ingrédients venant principalement du Japon avec des techniques françaises qu’il a apprises Chez Dominique et dans la cuisine d’Aqua. Il reçoit rapidement sa première étoile en 2018, 8 mois après l’ouverture, et continue de nourrir son ambition avec simplicité.
"Bien sûr, j’étais content. Mais à la manière d’un Finlandais! Je voulais garder la tête sur les épaules et surtout prouver que j’étais bien à ce niveau – j’avais déjà une longue liste de choses à améliorer." En 2019, rien ne semble arrêter cet élan: "Lors de la cérémonie du guide Michelin en décembre dernier, j’ai eu du mal à réaliser que je recevais une seconde étoile. J’essaie de ne pas trop y penser, mais c’est sûr que ça permet de gagner en assurance et d’être audacieux dans ses choix culinaires."
Face à un tel parcours, je lui demande ce qu’il dirait au jeune plongeur de 16 ans qu’il était à l’époque, s’il pouvait remonter dans le temps. Il me répond du tac au tac: "Va plus vite! Reste alerte et fais le plus de choses possibles, en cuisine il y a tant à apprendre et découvrir…", et je mesure le degré d’exigence du chef envers lui-même, à l’aune de son jeune âge et de ses deux étoiles déjà glanées en à peine deux ans.
Nourrir la passion et se réinventer
"La cuisine, c’est tellement intéressant. Même en travaillant de longues heures, malheureusement, tu ne peux pas tout voir… Tu as toujours l’impression d’avoir un coup de retard tant il y a à comprendre", renchérit le chef, dont la cuisine s’inspire de la nature et se caractérise par le respect fondamental des changements de saison.
Cet homme pressé ne compte d’ailleurs pas se laisser abattre par la crise sanitaire actuelle ni se relâcher: "Pour nous, le calme contraint de ces derniers mois est une opportunité pour améliorer nos opérations en cuisine et nos techniques. En ce moment, j’approfondis mes connaissances dans la préparation des sushis."
"A Hong Kong, le client est en recherche permanente de nouveauté. Nous changeons notre menu tous les mercredis et c’est un beau défi", me confie le chef avec ses yeux plein de malice, cachant un cerveau que l’on imagine toujours en effervescence.
Mais cette quête de l’innovation rapide n’accepte ni facilité ni compromis. "Parfois les chefs utilisent le caviar à tout va, peut-être de manière superficielle, parce que c’est facile et que ça fait chic. Moi, j’essaie justement d’en utiliser moins, que lorsque c’est vraiment pertinent. Par exemple, dans mon plat à base d’edamame – une fève immature de soja encore verte, qui se déguste traditionnellement dans les izakayas nippones avec du sel –, les notes salées du caviar permettent de sublimer l’edamame. Mais le produit clé reste l’edamame, pas le caviar."
En cuisine comme ailleurs, les bonnes choses prennent du temps: "Souvent, il y a plusieurs années de recherche derrière un plat. Lorsque je découvre quelque chose de nouveau, que ce soit une saveur ou une texture particulière, je réfléchis aux associations qui pourraient faire sens et surprendre. Pour cela, il faut cultiver une bonne mémoire gustative!"
Ce temps long, couplé à la recherche de cohérence dans un parcours atypique et rempli de contrastes, expliquent peut-être le secret de sa réussite. Je demande au chef de partager avec nous sa madeleine de Proust – la saveur intime qui le replonge immédiatement en enfance. "Mon père cuisinait la langue de porc et c’est un des premiers plats que j’ai appris à cuisiner. Nous en avons fait un amuse-bouche chez Arbor – c’est un clin d’œil."
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