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Covid-19: profil des adeptes de fake news et théories complotistes

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@Unsplash/Kayla Velasquez
Écrit par Didier Pujol
Publié le 18 janvier 2021

Selon deux études menées en 2020 auprès d’échantillons au Canada, en Belgique, en Suisse, Grande-Bretagne, Nouvelle Zélande,  Hong Kong et aux Philippines, les théories du complot sur le Covid-19 et les vaccins n’ont jamais été aussi vivaces. En cause selon ces études, le niveau d’éducation et la méfiance vis-à-vis des média traditionnels et autorités.

1000 personnes sondées à Hong Kong

Une première étude menée par l’Université de Sherbrooke au Québec sous l'autorité du professeur Marie-Eve Carignan, au mois de septembre 2020, porte sur deux vagues d'interviews. En tout, 1000 personnes ont été interrogées dans chaque pays: au Canada, en Belgique, en Suisse, en Grande-Bretagne, en Nouvelle Zélande, à Hong Kong et aux Philippines. Les résultats confirment le croissant succès des théories complotistes depuis le début de la pandémie de Covid-19. Parmi les pays les plus enclins à faire confiance aux autorités sanitaires, Hong Kong se place seulement en 4ème position avec 68,2%, derrière le Canada 89,2%, 78,2% la Belgique, 76,9% les Etats Unis. Sur le plan plus général de la confiance dans le gouvernement, les Etats Unis tombent à 49%!

Des hésitants aux complotistes

Selon Gregoire Lits, professeur à l’Université de Louvain qui a participé à cette étude pour la Belgique, les adeptes des théories du complot appartiennent à plusieurs catégories. "Il faut d’abord distinguer ceux qui sont extrêmement convaincus et qui vont adopter presque le rôle de militant. Ceux-là, on peut les qualifier de complotistes. Ils n’hésiteront pas à partager sur les réseaux sociaux pour convaincre. Et puis, il y a ceux qui vont avoir des incertitudes. Ils vont croire que le virus a été fabriqué en Chine, mais ils ne sont pas sûrs. Ils doutent de l’info 'officielle'. Ce sont les profils les plus courants."

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Comparaison entre les news complotistes sur les réseaux sociaux et les média classiques dans l'étude sur les fake news de l'Université McGill @McGill University

Fake news et réseaux sociaux

Dans une seconde étude, un peu plus ancienne, d’autres chercheurs de l’Université McGill ont pu mettre en évidence la forte corrélation entre les fake news et leur diffusion sur certains média comme Twitter. Ils indiquent à ce sujet : "Les mauvaises interprétations sont lourdes de conséquences quand elles entrainent des comportements dangereux. Durant la pandémie, ces fausses perceptions peuvent s'avérer fatales. En effet, les fausses interprétations sont associées à une réduction de la perception du risque du COVID-19 et une adhésion plus faible aux règles de distanciation." Ainsi dans l'étude de Sherbrooke, sur 600 personnes de la première vague de sondés canadiens, 38.4% croient que le gouvernement cache des informations sur le Covid-19, 15.0% croient que l'industrie pharmaceutique participe à la diffusion du virus et 7.8% au Québec et 15.7% dans le reste du Canada pensent qu'il y a un lien entre la 5G et le Covid-19!

"Infodémie" contre Covid-19

La vulnérabilité aux fake news porte un nom selon les experts de Oxford sur la désinformation: on parle en effet désormais d'"infodémie", une nouvelle maladie résultant du croisement de deux facteurs: celui de la fréquence de consultation des média traditionnels (radio, télévision, presse écrite et en ligne) et celui de la confiance dans ces média. Plus on les consulte et moins on croit aux théories complotistes, les plus suspicieux étant ceux qui vont le moins sur les média. C'est ce terme d'"infodémie" qui est repris régulièrement par l’OMS pour parler de la folie désinformationiste qui sévit depuis le début de la pandémie.

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@Unsplash/Ehimetalor Akhere Unuabona

Méthodologie d’enquête

Afin d’évaluer la réceptivité des personnes interrogées au théories du complot, les organisateurs de l’étude de Sherbrooke University ont posé des questions telles que "Croyez-vous que le gouvernement nous cache des informations importantes, que le virus est dû à la 5G ou que l’industrie pharmaceutique est impliquée dans la diffusion du virus?" et ont demandé d’évaluer ces certitudes de 1 à 10. Dans les résultats, un grand nombre de répondants souscrivent au fait que le gouvernement cacherait des informations avec un degré de certitude de 7 sur 10, ce qui est moins vrai sur des questions plus précises sur le rôle de l’industrie pharmaceutique ou la 5 G par exemple.

3 profils à risque

En utilisant comme base les variables infodémiques définies par l’université d’Oxford, les chercheurs de Sherbrooke on pu déterminer 4 profils de personnes par rapport à leur relation à l’information: Tout d'abord, ceux qui s’informent et ont confiance dans les média et adhèrent peu aux thèses complotistes. Ensuite, les personnes qui ont confiance dans les média mais s’informent peu ou pas. Ces personnes sont plus susceptibles de douter des informations officielles. Puis il y a ceux qui cherchent à s’informent par tous les biais possibles car ils n’ont pas confiance dans les média traditionnels. Ils sont particulièrement exposés à l'influence des complotistes. Il y a enfin un groupe qui ne s’informe pas et ne fait pas confiance aux média. Ce groupe semble totalement hermétique aux campagnes officielles, représentant 20% sur le panel belge et le total des deux derniers groupes plus de 33%. Autant dire que selon cette étude, le terrain de diffusion des fake news est assez favorable.

Besoin d’appartenance

Selon Marie-Eve Carignan, responsable de l'étude de Sherbrooke, le niveau de scolarisation et corrélé au niveau d’adhésion  aux thèses du complot, même si le niveau élevé d’éducation ne garantit pas l’invulnérabilité, les "experts" se pensant croyant "infaillibles" et ne cherchant pas toujours à remettre en cause certaines de leurs certitudes. Dans la plupart des cas, le réflexe pavlovien des sceptiques est de rejeter la thèse officielle, même si certaines théories avancées se contredisent, comme dans le cas de la 5G et de son lien avec le Covid-19 où les hypothèses avancées ont changé d'un jour sur l'autre au moment de la diffusion de cette fausse information. Concernant cet exemple, Jonathan Jarry de l’Université McGill indique: "Les personnes qui croient à ces théories ne retiendront que le fait que la 5 G est néfaste pour la santé". Selon Colette Brin, professeur au département d'information et de communication de l'Université Laval et directrice du Centre d'études sur les médias, une grande partie du besoin de soutenir les théories complotistes vient du "besoin fondamental d’adhérer à un groupe ou à une communauté, la plupart du temps grâce aux réseaux sociaux. Ce besoin se trouve parfois alimenté par un sentiment de menace et la méfiance vis-à-vis des autorités".

 

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