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Où en est la liberté de la presse à Hong Kong? Eric Wishart, FCC

Liberté de la presse Hong KongLiberté de la presse Hong Kong
Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 11 janvier 2021, mis à jour le 12 janvier 2021

Rencontré un jour avant le coup de filet sur 53 opposants dont un avocat et la mise en cause de 3 media par la police de Hong Kong, Eric Wishart*, Président par interim du Hong Kong Foreign Correspondent’s Club et ancien rédacteur en chef central de l'AFP, s’exprimait sur le sujet de la liberté de la presse.

Propos recueillis par Didier Pujol

"Les fake news sont une arme politique"

Créé en 1943 en Chine, le FCC a traversé 80 ans de l’histoire de ce pays et de l’Asie. Quel regard portez-vous sur la situation actuelle?

Au sein du FCC, en plus d’assurer l’intérim de la Président Jodie Schneider récemment rentrée aux Etats Unis, je suis co-animateur du comité sur le liberté de la presse. J'interviens dans de nombreuses conférences sur les fake news et viens de terminer un ouvrage sur l'impact mondial de la désinformation. Le fait est qu’aujourd’hui les soi-disant "fake news" se sont largement développées, devenant une composante des éléments de langage destinés à nier l’actualité pour les gouvernements.

Les “fake news” sont devenues une arme politique. On l’a vu aux Etats-Unis avec la présidence de Donald Trump mais le gouvernement chinois utilise aussi abondamment cette notion de "fake news" ou "rumeurs", comme on l'a vu avec la réponse officielle à la couverture critique du coronavirus de la part des bloggers à Wuhan. Légiférer sur les fake news consiste souvent à interdire la parution d’informations qui vous sont défavorables et à limiter la liberté de la presse. En même temps, il est important pour les journalistes de pouvoir déceler les manipulations sur les réseaux sociaux, le grand public donnant facilement du crédit aux thèses complotistes et les amplifiant car elles se nourrissent des peurs et du mal-être.

Liberté de la presse Hong Kong
Utilisation d'images par les réseaux sociaux

Lois de Sécurité Nationale à Hong Kong

Quelle est l’incidence sur la liberté de la presse des nouvelles lois de sécurité nationale à Hong Kong et quel rôle joue le FCC ?

Pendant les manifestations, le FCC a hébergé et protégé de nombreux correspondants venus du monde entier en leur fournissant des cartes de membres temporaires. La question brûlante depuis la mise en place de ces lois est celle du statut des journalistes avec les restrictions apportées par la police qui s’estime désormais seule juge de qui doit être accrédité pour reporter sur les manifestations. Cette mesure mise en place par la police nous a conduit à émettre un communiqué de protestation. En effet, la carte de presse n’existe pas à Hong Kong, ce qui permet une grande liberté.

Jusqu’alors l’appartenance à la Hong Kong Journalists Association suffisait à justifier de votre qualité vis-à-vis de la police. Or, si cette référence ne suffit plus et que les journalistes étudiants ou free-lance peuvent être interdits de participation, on exclut une grande partie des acteurs de l’information. Aujourd’hui, on le sait aussi, l’apport des images via les téléphones portables permet dans bien des cas de bénéficier d’informations de première main. L’accréditation par la police fait donc peser une menace sur la presse dont les informateurs et free-lance peuvent être accusés de participer à des manifestations illégales.

Liberté de la presse Hong Kong
Couvrir les manifestations à Hong Kong comporte des risques

Quelle est la limite à ne pas franchir à Hong Kong?

Il est important de respecter la loi et le FCC, en tant qu'institution hongkongaise a le soucis de travailler dans la légalité. Or, d'une manière générale, nous avons fait part de notre inquiétude autant par nos communiqués que par des rencontres avec les autorités quant aux contours flous des crimes punis par la loi de sécurité nationale. Pour l’instant, il semble qu'il soit encore possible de reporter n’importe quel fait, voire de critiquer les positions prises par les uns et les autres ou de publier des photos représentant des slogans interdits, tant que les journalistes ne sont pas eux-mêmes dans l’illégalité en brandissant ces slogans. Cependant, les événements récents montrent que ce qui est permis ne l’est que jusqu’à ce que l’on vous explique le contraire. La limite entre reportage et inférence est très ténue et les lignes peuvent rapidement bouger.

Menace sur les visas, auto-censure à Hong Kong

Il y a deux ans, Victor Mallet s'est vu refusé le renouvellement de son visa après avoir invité un dissident à débattre au FCC. 6 mois après la mise en place des lois de Sécurité Nationale, quelle est la situation?

Nous continuons d'être un lieu de dialogue et nous invitons la police et les membres du gouvernement tout autant que les opposants, même si la police n'a jamais accepté notre invitation. Sur la question des renouvellement de visas, Jodie Schneider, notre présidente au moment de la parution des lois de sécurité nationale, a publié une lettre ouverte évoquant ce risque à laquelle il n'y a pas eu de réponse précise. Après 6 mois, nous avons observé un ralentissement des obtentions de visa qui peut s'expliquer par la situation épidémique mais il n’y a eu qu'un seul visa qui n'a pas été renouvelé avec le cas d’un journaliste irlandais travaillant pour Hong Kong Free Press.

Liberté de la presse Hong Kong
Les thèses complotistes ont souvent la faveur du grand public Photo@TED-Ed

En fait, ce n’est pas tant sur les correspondants étrangers que pèsent les menaces que sur les correspondants locaux, qui ne risquent pas seulement l'expulsion mais la prison. Face à cette situation, force est de constater que les journalistes hongkongais sont tentés de pratiquer l’auto-censure et craignent de franchir la "ligne rouge". Les sources sont aussi devenues plus réticentes à parler aux journalistes, tout du moins publiquement. Les journalistes étrangers travaillant pour des grands media internationaux sont pour l’instant relativement libres de rapporter ce qu’ils veulent

Quelles sont les futures initiatives du FCC?

Du fait de la crise du Covid, nos événements physiques sont plus limités qu’auparavant. Nous avons programmé depuis quelques mois des conférences en ligne. Un des thèmes sur lesquels nous sommes très actifs et que nous allons continuer à développer sont les ateliers pratiques à l’usage des journalistes, en particulier sur le thème de la sécurité et de la cyber-sécurité. Quant au thème des fake news sur lequel nous avons déjà eu des tables rondes, nous allons encore proposer des événements sur ce sujet, pour sensibiliser les journalistes à détecter les manipulations via les réseaux sociaux. Les fake news et leur utilisation politique sont un sujet central d’attention car directement lié à la liberté de la presse. 

*Ancien président et président par intérim du Foreign Correspondent's Club de Hong Kong, Eric Wishart est "special project editor" à l’AFP et ancien rédacteur en chef central de l’AFP, professeur de journalisme à Hong Kong University et Hong Kong Baptist University,

NDLR: Entre la réalisation de cette interview et sa publication, les rédactions de trois média hongkongais ont été perquisitionnées par la police au titre des lois de sécurité nationale, incluant Apple Daily dont le patron Jimmy Lai attend toujours son procès en prison, tandis que le site d'information HKChronicles a été bloqué par le gouvernement pour avoir diffusé des interviews d'opposants.

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