Dans le cadre de la 49e édition du Festival du Film Français de Hong Kong, Lepetitjournal.com est allé à la rencontre de Jean-Sébastien Attié, Directeur Exécutif de l'Alliance Française et de Philippe Massonnet, Directeur Régional de l’AFP, l’un nous parlera des films du festival, notamment de ceux qui retracent le parcours des reporters de guerre, l’autre du métier de journaliste.
49e édition du Festival en temps de COVID
Pouvez-vous nous parler de cette édition du festival et de ses contraintes ?
Jean-Sébastien : nous avons découvert les films via des festivals en ligne, on a vu une quarantaine de films en 5 jours. Certaines réponses de producteurs pour les achats de films ainsi que des annulations sont arrivées au dernier moment. Nous avons eu des difficultés à anticiper les mesures prises à cause du COVID, nous proposons donc un festival hybride : tous les films sont présentés en salles et 14 films de cette édition sont disponibles sur une plateforme en ligne.
Comment s’est faite la collaboration entre l’Alliance Française et l’AFP ?
Jean-Sébastien : Afin de faire le lien entre le film et l’audience et pour débattre autour des films, cette année on a voulu ancrer le festival dans la réalité locale avec des intervenants qui sont à Hong Kong toute l’année. Lors de notre rencontre avec l’AFP on a évoqué la possibilité de faire quelque chose autour de cette édition du festival, vu l’actualité de notre sélection.
Films liés au métier de reporter
Le programme de cette édition met un accent sur les films liés à la profession de reporter, pourquoi est-il important d’amener ces histoires au public?
Jean-Sébastien : Le cinéma est un reflet de l’époque et notre époque est très mouvementée, il se trouve que cette année il y a 4 films avec des gens sur le terrain qui traduisent la réalité des conflits, ce sont des films très forts et touchants : "Sympathie pour le diable", "Camille", "Histoire d’un regard" et "Petit pays", racontent les histoires vraies des gens qui ont vécu ces époques. On connaît mal le travail de reporter et on ne se rend pas toujours compte de la difficulté et de l’importance de l’information fiable dans l’époque des réseaux sociaux et des fake news. C’est indispensable d’entendre des gens qui sont au cœur des évènements.
Le métier de journaliste
Ces films nous confrontent au concept de positionnement des médias, est-ce que le journaliste prend parti malgré lui?
Philippe : Tout dépend s’il s’agit d’un media d’opinion ou d’un plus neutre comme l’AFP. La distanciation est plus difficile si le journaliste raconte l’histoire de son propre pays. À l’AFP on préfère avoir des équipes multilingues et multiculturelles, mélanger des nationaux à des expatriés car on n’a pas forcement le même regard, tout cela fait une alchimie qui doit s’approcher le plus possible de l’objectivité. Nous avons une charte qui stipule qu’on doit être impartial. L’objectivité c’est un peu le graal et ce n’est pas toujours évident car oui, les journalistes peuvent prendre parti malgré eux, mais il y a toujours un éditeur qui va veiller à ce que l’information soit la plus impartiale possible.
Dans le film Camille il y a une scène où l’on se questionne à propos des photos qu’il faut montrer ou pas. Comment répondre à cette question?
Philippe : Il faut se poser la question "est-ce que cette photo est informative ou pas, est-ce que ça apporte quelque chose ou est-ce que c’est gratuit?" Si montrer une image violente explique l’information, on peut la publier. Mais un éditeur doit se poser beaucoup de questions face à une photo choquante qui vaut le coup d’être montrée, son travail est de savoir comment le faire : est-ce qu’on la montre entièrement ou est-ce qu’on floute une partie? Quid de la dignité de la personne concernée? Est-ce que la famille est prévenue? Tout en sachant qu’on ne trafique pas les photos.
Les règles de base du métier
Quel est votre avis à propos de la notion de distance entre photographe et photographié abordée dans Camille?
Philippe : Il faut être près de son sujet pour comprendre ce qu’on fait mais suffisamment à distance en termes de sécurité, car c’est une question de vie ou de mort. C’est magnifique ce que Camille a fait mais j’aurais préféré qu’on dise c’est magnifique ce qu’elle fait aujourd’hui, sauf qu’elle ne peut plus le faire, peut-être parce qu’elle n’a pas pris assez de distance. Lorsqu’on est trop près du sujet ça risque de déraper, ce qui arrive dans le film. Il faut apprécier la question de la distance à sa juste valeur.
L’actrice de Camille s’est formée auprès de photographes de l'AFP, avec le souci de "ne pas trahir ce métier". Qu’est-ce que constituerait une trahison au métier?
Philippe : Trahir c’est de ne pas faire son travail correctement, pour ne pas trahir il faut respecter ses collègues et son sujet, apprendre à ne pas trafiquer ses photos et ne pas mettre en scène, même si on peut avoir tendance à le faire lorsqu’on débute. À l’heure où on voit tout et n’importe quoi sur les réseaux, ne pas trahir c’est suivre toutes les règles de base du métier, des règles éthiques fondamentales.
Paul Marchand, personnage du film Sympathie pour le diable disait : "Un journaliste se doit d’être à l’endroit exact où on lui interdit d’être", êtes-vous d’accord ?
Philippe : Moi je dirais, il faut être là où il y a de l’info, là où c’est intéressant. Si c’est interdit il faut essayer d’y aller mais heureusement il y a énormément de terrains d’information qui sont autorisés sur lesquels il faut aller, même si on va de moins en moins sur le terrain pour des raisons budgétaires. Je pense qu’il faut être partout où c’est nécessaire. Effectivement à certains moments il va falloir franchir des barrières qui sont interdites mais il ne faut pas faire de ça un crédo.
Journaliste, un vrai métier
Qu’aimeriez-vous dire aux gens qui ont envie de se lancer dans le journalisme?
Philippe : Faites-le parce qu’on n’a jamais eu autant besoin des journalistes de terrain, c’est pour ça qu’on continue malgré la situation de l’industrie des médias qui est assez compliquée. Il faut savoir que lorsqu’on s’engage dans le journalisme, on peut devenir précaire assez rapidement, tout le monde n’a pas la chance de travailler pour un média établi, notamment les photojournalistes. Faites-le parce qu’on a besoin de raconter le monde et besoin de vrais journalistes, car c’est un vrai métier et tout d’abord un métier de terrain. Mais il faut dire aux gens de ne pas aller n’importe où, une photo ne vaut pas une vie.
Qu’est-ce que ces films apportent au public?
Jean-Sébastien : Ces films réalistes permettent de prendre conscience de la réalité du métier de reporter. Ils nous replongent dans des conflits d’une autre époque pour essayer de les comprendre. Le cinéma réaliste constitue une ouverture sur le monde et cela est capital.
Philippe : Le public consomme de l’information de manière de plus en plus émotionnelle, avec les réseaux sociaux on est abreuvé d’images qui peuvent être violentes et choquantes mais qui n’aident pas à comprendre mieux le monde s’il n’y a pas d’explication, ni de débat ou de discussion. Plus on fera de films comme ceux-ci et plus on arrivera à éduquer le public vis-à-vis de l’information, notamment les jeunes.
Séances du festival
Quelles sont les rencontres du festival à ne pas rater ?
Suite à la fermeture des salles de cinéma, nous reprogrammons en janvier les 2 semaines de Cinépanorama annulées de décembre. La plateforme en ligne est maintenue jusqu'au 13 décembre.
Rencontres maintenues :
Le 11 décembre, nous avons une séance de "Sympathie pour le diable" (film disponible sur la plateforme en ligne) avec le réalisateur Guillaume de Fontenay et Vincent Amalvy de l’AFP.
Le 13 décembre, rendez-vous autour du film "Woman" avec les réalisateurs Yann Arthus-Bertrand et Anastasia Mikova.
Le 15 décembre rendez-vous avec Emmanuel Courcol et Fred Avril autour du film "Un Triomphe".
Interventions et rencontres reportées :
Rendez-vous autour du film "Deux" avec des activistes pour parler des questions de genre.
Discussion autour du film "Camille" avec le réalisateur Boris Lojkine et Philippe Massonnet de l’AFP.
Rendez-vous autour de "Histoire d’un regard" avec Vanessa Franklin et Xavier Mahe de Boogie Woogie Photography ainsi que Anthony Wallace de l’AFP.
Rendez-vous avec Grégory Magne pour le film "Les Parfums".
Rendez-vous avec Sara Forestier pour parler de son film "Filles de joie" et des questions autour du féminisme.
Il pourrait y avoir de nouveaux talents. Restez connectés ! Dates et info à retrouver sur le site du festival.
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