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Béthanie, un bâtiment qui relie Hong Kong à la France

Béthanie Hong KongBéthanie Hong Kong
emmanuel.org.hk - Béthanie en 1964
Écrit par Claudia Delgado
Publié le 23 mars 2021, mis à jour le 24 mars 2021

Sur les hauteurs de Pok Fu Lam, face à la mer, se dresse solitairement ce bâtiment blanc nacré appelé Béthanie. Imposant au milieu d’une forêt verdoyante, il attire forcement l’œil de celui qui scrute l’horizon, c’est là-haut que les prêtres français de la Société des Missions étrangères élurent domicile pendant 100 ans.

Sur le fronton de Béthanie se lit sa devise : Domine, ecce, quem amas infirmatur: "Seigneur, voici, celui que tu aimes est malade". Voilà qui donne le ton de ce lieu de repos qui accueillera pendant un siècle les missionnaires malades dispersés dans toute l’Asie. À côté de cet ancien sanatorium, se dresse la chapelle rutilante et lumineuse, ornée par des vitraux mordorés qui reproduisent des scènes de la vie des saints.    

Pour retracer l’histoire de Béthanie, je me plonge dans le livre Béthanie et Nazareth, Les Pères des Missions Étrangères de Paris à Hong Kong, écrit par le Professeur et historien Alain Le Pichon, qui m’est parvenu grâce au soutien de Hong Kong Academy for Performing Arts (HKAPA), locataire actuel de Béthanie.

 

Béthanie Hong Kong
Domine, ecce, quem amas infirmatur: "Seigneur, voici, celui que tu aimes est malade" - photo@emmanuel.org.hk 

Lien indélébile entre la France et Hong Kong

Dans son ouvrage, Le Pichon parle du lien indélébile entre les prêtres français et la ville de Hong Kong. Celui-ci se trouve dans le jardin qui entourait l’immeuble, plus précisément dans une fleur: le Bauhinia, emblème de Hong Kong, découvert par les missionnaires français de Béthanie dans les années 1880. Ils firent don des boutures au jardin botanique de Hong Kong, elles se développèrent avec succès pour devenir de grands arbres aux fleurs violacées qu’on connaît bien. Puisque l’arbre est incapable de se reproduire lui-même, le Bauhinia Blakeana aurait disparu vers la fin du XIXe siècle sans l’aide des pères français.

 

Béthanie Hong Kong
Béthanie et Nazareth, Les Pères des Missions Étrangères de Paris à Hong Kong - Bauhinia Blakeana

 

Béthanie a été bâti en 1874 par la Société des Missions Étrangères de Paris, c’est le premier sanatorium à être construit à Hong Kong pour accueillir et soigner les prêtres et les missionnaires de toute l'Asie avant qu’ils ne retournent à leurs missions. En 1895, les missionnaires acquièrent le bâtiment voisin, appelé à l’époque Douglas Castle, pour le rebaptiser Nazareth, fondation sœur qui fait office de maison de retraite où les frères fondent en parallèle une petite imprimerie qui deviendra l’une des plus grandes d’Asie. Elle est aujourd’hui une résidence pour les étudiantes de l’Université de Hong Kong mieux connue sous le nom d’University hall.   

Au cours des années, le sanatorium soigne des centaines de missionnaires malades et en raison de l'augmentation du nombre de prêtres accueillis, des travaux d'agrandissement sont lancés en 1897. Parallèlement, l’imprimerie se développe sous l’égide du frère Monier, le maître imprimeur qui perfectionna en autodidacte ses propres inventions qui ont fait progresser l’histoire de l’imprimerie. Il créa des moules pour bon nombre de langues encore jamais imprimées tels que le tibétain et le tamoul. Avec Monier à leur tête, ils publient des brochures religieuses, historiques, géographiques, économiques et par-dessus tout, linguistiques. En 1938 la presse de Nazareth imprimait en 28 langues et dialectes différents.

 

Béthanie Hong Kong
Nazareth en 1964 - photo@emmanuel.org.hk

Le vin français à la rescousse des missionnaires à Hong Kong

Le sanatorium continue de fonctionner jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. L'avancée japonaise tente d’expulser les missionnaires de Béthanie qui résistent dans un premier temps. Le deuxième jour de l’occupation japonaise, les troupes font irruption dans le bâtiment, ils pillent, ils saccagent et ils obtiennent gain de cause. Les missionnaires furent emprisonnés deux jours sans eau ni nourriture, puis forcés de quitter leurs locaux. À la fin de la guerre, la capitulation japonaise entraîne la restitution de Béthanie aux Missions étrangères de Paris. Alain Le Pichon égaye son récit avec des anecdotes comme celle de Mlle. Leung, habitante du village voisin Taikoolao, qui a aidé les missionnaires pendant la IIe guerre mondiale : "Lorsque l’armée japonaise quitta les lieux après la reddition, des pillards arrivent à Béthanie suivis de Mlle. Leung qui les mit en fuite en brandissant une arme improvisée mais combien française : l’unique bouteille de Bordeaux de la cave de Béthanie à avoir survécu à la Seconde guerre mondiale !".

 

Béthanie Hong Kong
Béthanie en 1964 - photo@emmanuel.org.hk 

 

En 1964, un peu avant sa fermeture, les missionnaires français accueillent dans une partie de leurs locaux de Béthanie la première petite école de langue française. Au cours d’un siècle Béthanie a logé quelques 6000 missionnaires est a servi de base importante pour l'œuvre missionnaire de l’église catholique française dans l’est de l’Asie jusqu’à sa fermeture en 1974, lorsque les Pères vendent Béthanie aux autorités de Hong Kong. En 1978, il est utilisé pour héberger des étudiants de HKU et fait office d’entrepôt pour l'Université mais ce faisant, sa structure se détériore. Pendant des années, la menace de destruction plane sur le sanatorium jusqu’à ce que la ville commence à ressentir le besoin de préserver le site. En 1981, Béthanie est répertorié comme bâtiment historique de Grade II.

 

Béthanie Hong Kong
à gauche: Béthanie en 1964, photo@emmanuel.org.hk - à droite : chapelle de Béthanie, photo@HKAPA

Restauration de Béthanie

En 2003, le Conseil législatif prend la décision de soutenir la restauration du site en fournissant des fonds à l'Académie de Hong Kong pour les Arts du Spectacle (HKAPA pour ses sigles en anglais). Il a fallu environ trois ans pour mener le projet à bien y compris la recherche et la rénovation d’objets disparus. Les anciennes écuries et laiteries ont été reconverties en théâtre et salle polyvalente respectivement. Dans la postface du livre, Philippe Soden, directeur associé de HKAPA raconte l’histoire rocambolesque de la restauration et énumère ses recherches pour retrouver les pièces manquantes du puzzle qu’était alors Béthanie, notamment des statues et des vitraux éparpillés au fil des années aux quatre coins de Hong Kong. Aujourd’hui ouverte au public, l'ancienne chapelle a été réaménagée conservant sa structure néo-gothique. Ses arcs-boutants, vitraux, ogives, entrelacs, fenêtres cintrées ainsi que son autel, ont été conservés ou restaurés dans un souci d'authenticité. Parmi ses dix-neuf vitraux, neuf sont des originaux. Les autres, en mauvais état ou manquants, ont été reproduits à la main. Parmi ses douze statues des apôtres seulement quatre ont été retrouvées, l'Académie a reproduit le reste.

 

Béthanie Hong Kong
Béthanie avant et après sa restauration - photo@The Hong Kong Academy for Performing Arts

 

Après toutes ces rénovations, le complexe a rouvert en 2006 et abrite aujourd’hui la faculté de cinéma et télévision du HKAPA. En plus des établissements d'enseignement, il comprend deux salles de spectacle, une salle d'exposition, une chapelle et un musée (ouvert au public) situé dans la cave, qui raconte l’histoire des missions, la construction de Béthanie et quelques anecdotes historiques. Ces efforts de restauration ont permis à Béthanie de recevoir le Prix du patrimoine Asie-Pacifique de l'UNESCO en 2008. L'honneur en revient à l'architecte Philip Liao et à HKAPA. Béthanie a été déclaré monument historique en 2013.

 

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