Titulaire de plusieurs prix en 2020 pour ses reportages photographiques sur les événements de Hong Kong, le photographe de presse hongkongais Anthony Wallace s’est confié au micro du Petit Journal à l’occasion de la projection de « A la recherche de Gilles Caron » à la librairie de l’Alliance Française pour lequel il participait au débat.
En 2020, Anthony Wallace a reçu le prestigieux Prix Bayeux-Calvados Normandie des Correspondants de Guerre, le Human Rights Press Awards de Hong Kong ainsi que le prix Visa Pour L'Image Rémi Ochlik de la ville de Perpignan pour son travail au sein de l'AFP sur les événements récents de Hong Kong.
Honorer la mémoire de mon grand-père
Vous nouez un attachement particulier avec la France. Pour quelle raison ?
Mon épouse est française et j’ai eu l’occasion de visiter la France à de nombreuses reprises. Le prix Bayeux m’a touché pour une autre raison personnelle car mon grand-père a participé au débarquement en Normandie en tant que pilote de la RAF et ce prix est un peu un hommage à sa mémoire.
Comment définiriez-vous votre métier ?
Je n’ai pas particulièrement brillé dans les études mais je crois que j’ai toujours été curieux. Jamais je n’aurais pensé un jour faire du journalisme. J’ai commencé à prendre des photos de rock dans l’espoir d’approcher mes idoles puis j’ai voulu contribuer en devenant bénévole pour Médecins sans Frontières, une manière de témoigner tout en m’ouvrant sur le monde. J’ai décidé de me spécialiser à partir de là en suivant un master en photographie documentaire et photo-journalisme à LCC University of the Arts London. Ensuite, c’est le hasard qui m’a fait rencontrer le responsable Asie de l’AFP, alors que je travaillais pour un studio de mode à Hong Kong. J’ai fait un stage au service photographique puis cela m’a plû, tout d’abord les fantastiques clichés d’actualité qu’il fallait organiser et puis documenter les événements locaux comme « Occupy Central » et enfin mon premier reportage lors d’un tremblement de terre de Taiwan. Après quatre ans au service d'édition photographique, je suis devenu le photographe en chef du bureau AFP de Hong Kong.
L'émotion ne vient qu'après l'action
Précisément, comment vivez-vous l’actualité sur le terrain ? Comment choisir les images ?
Le terrain est un monde à la fois grisant et usant. On n’a pas vraiment le temps de réfléchir ou de choisir entre une scène et une autre. On documente ce que l’on voit et ce n’est que lorsque l’on rentre en avion, quand la pression retombe, que les émotions surgissent. Toutefois, certaines circonstances ne permettent pas la distanciation comme dans le cas des massacres de Christchurch en Nouvelle Zélande, lorsque j’ai du photographier des personnes qui avaient perdu un proche, un enfant ou un ami la veille du reportage. Il est impossible de ne pas être assailli par la détresse de ces personnes. Heureusement, l'AFP propose un service d'assistance psychologique pour éviter de perdre pied mais il s'agit probablement du reportage le plus dur de ma carrière.
Qu’est-ce qui fait un bon photo-journaliste ?
L’empathie est une caractéristique essentielle. Il faut sincèrement être intéressé par la vie des autres personnes. Par ailleurs, ne jamais juger ou prendre parti. Seules les images comptent, le fait de documenter et de témoigner d’une actualité qui se déroule sous vos yeux. En ce sens, je conseille de rester humble. Je me considère comme un débutant permanent car c’est le meilleur moyen de rester ouvert et de progresser. Enfin, il faut être patient. Les bonnes photos ne viennent pas toutes seules, même s’il y a toujours une part de chance. Il faut attendre, parfois des jours au même endroit, pour que se présente l’opportunité d’une bonne photo ou d’une série intéressante. Cela réclame des sacrifices, comme ce fût le cas pour de nombreux collègues lors des événements récents de Hong Kong. Beaucoup se sont retrouvés à documenter une actualité internationale qui se déroulait en bas de chez eux, sans pouvoir vraiment souffler ou voir leur famille qui s’inquiétait, devant dormir sur place pour rester au cœur de l’action. Aujourd’hui, le public consomme des images comme dans un fast food et n’a souvent aucune idée du travail qui se cache derrière.
Le photographe est un passeur
Qu’est ce qui a changé depuis l’époque de Gilles Caron, ce jeune reporter qui a couvert mai 68 à Paris et a disparu à 30 ans au Cambodge ?
Pour moi, c’est incroyable de voir à quel point nous travaillons aujourd’hui de façon connectée, les bons clichés étant envoyés dans la minute aux journaux pour être exploités quasiment instantanément. A l’époque de Gilles Caron, le reporter était laissé à lui-même et devait prendre des décisions lourdes de conséquences comme celle d’abandonner un bus officiel pendant la guerre des 6 jours en Israël, afin d’être au milieu des combats. Pour espérer envoyer ses pellicules à Paris, il fallait parfois les cacher dans des cargaisons autres, en envoyant des indications pour les récupérer à l’arrivée. Dans certains cas, le dernier avion partait pour la France comme pour le Cambodge et c’était le seul moyen d’envoyer ses clichés. D’ailleurs, ce qui est arrivé après ce dernier vol est encore un mystère. Aujourd'hui, le reportage est un vrai travail d'équipe et le photographe n'est plus aussi isolé.
Pensez-vous que les photos échappent à ceux qui les prennent, pour être parfois détournées de leur sens ou de leur contexte ?
Il est vrai que les mêmes images peuvent être utilisées pour soutenir des points de vue diamétralement opposés. Néanmoins, le photo-journaliste est responsable des légendes des photos qu’il transmet à son journal ou à son agence. Les usages ultérieurs sont évidemment difficiles à contrôler, notamment sur les réseaux sociaux qui n’hésitent pas à exploiter certains clichés de manière partisane. Il est important de lire le texte associé à l'image en vérifiant les sources pour maintenir un point de vue le plus objectif et étayé possible. Je crois cependant que l’on fait un travail essentiel en donnant envie au public d’en savoir plus, en allant chercher toute l’histoire derrière une photo.
Voir les photos d'Anthony Wallace pour l'AFP
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