La bataille de Dien Bien Phu a marqué la fin de la présence française en Indochine. Ca Son, un vietnamien défenseur du Vietnam libre était aux premières lignes lors de cette bataille historique. Léo-Paul Guyot l'a rencontré.
Quelques mois après l’obtention de son bachelor en 1949, Ca Son, un amoureux de la langue française s'engage dans l’armée populaire à 17 ans, et il participe à une opération qui marque la fin de la présence française en Indochine, la bataille de Dien Bien Phu.
À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la France perd de l’influence à cause des victoires de l’armée japonaise présente en Asie du sud-est. Ce qui laisse le champ libre aux différents peuples indochinois et aux communistes d'Ho Chi Minh de déclarer l'Indépendance et la proclamation de la République démocratique le 2 septembre 1945, le jour de la capitulation japonaise. En mars 1946, la France signe un accord avec Ho Chi Minh : elle octroie plus d'autonomie politique aux pays indochinois, mais assure le retour des troupes françaises.
Mais la présence coloniale devient de plus en plus indésirable, et les tensions augmentent rapidement, comme en témoigne Ca Son :
“Le Vietminh est le nom du front patriotique pour le salut national, contre la colonisation française. Alors j’ai participé à ce front car je suis un patriote un peu comme les francs-tireurs français qui se sont battus sous l’occupation allemande.”
Il sait que rentrer dans l’armée allait représenter des difficultés inimaginables, comme des privations matérielles mais aussi affectives. Sa famille se trouve à Hanoï, sous domination française.
“Nous étions très conscients des obstacles et des horreurs de la guerre, mais nous étions surtout conscients qu’il ne s’agissait pas d’une guerre entre deux peuples, mais plutôt d'une guerre entre le peuple vietnamien et le colonialisme.”
Après plusieurs opérations de guérilla, Ca Son se retrouve à 22 ans en tant que chef de section de 40 soldats dans une opération qui marque le tournant de la guerre d’Indochine.
Le commandement militaire vietminh dirigé par le général Giap décide, en 1953, de mener un mouvement de troupes dans le nord-ouest du pays, à la frontière du Laos afin de fragiliser le maquis français.
Dans les tranchées de Dien Bien Phu
Son homologue français, le général Navarre, comprend la stratégie de son ennemi et lance l’opération Castor afin d'entreprendre un système de défense dans les plaines de la région Tai afin d’écraser l’offensive communiste, c’est le début de la bataille de Dien Bien Phu.
“La bataille a duré 56 jours officiellement mais cela a duré environ 100 jours car il y avait des travaux de préparation pour faire des tranchées, des routes, etc. Les unités étaient sur la chaîne de montagnes à l'est de Dien Bien Phu et nous descendîmes dans la vallée pour creuser des tranchées vers le camp retranché depuis fin janvier jusqu’au 13 mars. Le premier combat s’est déroulé dans le secteur Nord.”
À cette date, l’offensive commence et les troupes françaises remarquent avec stupeur l’incroyable puissance de feu des forces vietminh équipées avec de l'armement soviétique, 17 jours plus tard, Ca Son et son groupe font partie des 12.000 hommes qui prennent part à la deuxième offensive pour prendre les collines Dominique 1 et 2, Éliane 1, 4 et 2.
L’horreur du “Verdun de l’Asie”
Sur cette dernière colline, les vietnamiens se heurtent à la farouche résistance des français, très efficacement soutenue par l'artillerie d’Isabelle.
“Le premier combat a commencé vers 8h du soir et s’est terminé à 5h du matin, ma compagnie comprenait 120 soldats et officier, a 5h du matin il y avait 27 survivants, le reste étaient morts et blessés [..] moi et mes camarades, nous avons enterré avec mes mains une centaine de soldats de notre bataillon.”
Les pertes terribles, les combats terrifiants et les tirs d’artillerie incessants créent un véritable no man's land et anéantissent la piste d’aviation qui sert à approvisionner les troupes françaises. L’armée envoit des soldats mais aussi des vivres par parachute qui pouvaient tomber sur la main des forces communistes.
Ca Son se rappelle encore des rares moments de silence où il échappe à l’horreur du “Verdun de l’Asie” grâce à de la littérature française qui était envoyée par avion pour le corps expéditionnaire.
“Même dans les tranchées de Dien Bien Phu dans les combats les plus dangereux à 200 mètres de l'adversaire pendant les moments d'accalmie, je lisais un best seller de la littérature française qui était Bonjour tristesse de Françoise Sagan. J’aimais beaucoup la culture française et sa littérature.”
La situation commence à être désespérée côté français, le manque de munitions devient très préoccupant, et la situation sanitaire tourne à la catastrophe.
Affrontement sanglant et des milliers de morts
L'assaut final est lancé le 1er mai au soir et met fin à la bataille de Dien Bien Phu, avec un bilan terrible de 8.000 vietminh et 2.293 français morts. Après la signature du cessez-le-feu, les prisonniers des forces de l'Union française, valides ou blessés, capturés à Diên Biên Phu s'élèvent à 11.721 soldats et seulement 3.290 sont rendus à la France dans un état sanitaire catastrophique.
Ca Son, quant à lui, retrouve sa famille à Hanoï, marqué par la bataille la plus féroce de la guerre d’Indochine. Il deviendra plus tard professeur de russe dans la capitale.