Au Vietnam, le 14 juillet tombe le 2 septembre. Mais pourquoi cette date ? Si en France, il faut remonter à 1789 et à la Prise de la Bastille pour comprendre pourquoi le 14 juillet a été décrété fête nationale, au Vietnam, il faut revenir à l’année 1945.
1945, donc. La Seconde guerre mondiale touche à sa fin. En Europe, l’Allemagne nazie capitule au mois de mai. Au même moment en Asie, les Japonais semblent marquer le pas. Ils se battent avec l’énergie du désespoir, reculant sans cesse dans de sanglants affrontements qui font croire aux Américains qu’un débarquement sur l’archipel nippon pourrait se solder par un véritable massacre. Aussi le Président Harry Truman décide-t-il d’en finir. Il dispose pour cela, et depuis peu, de l’arme suprême : la bombe atomique.
Les 6 et 9 août, les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki font les frais des deux seuls bombardements nucléaires que l’humanité n’ait jamais connus. Le bilan est effroyable : 110.000 victimes. Le 2 septembre, l’Empereur Hiro Hito annonce la capitulation du Japon. La Seconde guerre mondiale est maintenant terminée.
Quid de l’Indochine française ?
En Indochine, colonie française, cette Seconde guerre mondiale a bien failli être vécue dans un climat de paix relative. L’amiral Decoux, qui en est le gouverneur général depuis juin 1940, a en effet réussi à maintenir un statu quo avec les Japonais, qui, tout en se servant du territoire indochinois comme base arrière, respectent la souveraineté française.
La réalité est plus complexe. En sous-main, les Japonais encouragent les mouvements indépendantistes vietnamiens. Il ne faut oublier que le Japon De Hiro Hito a alors des visées panasiatiques et que l’un de ses buts ultimes est de rendre l’Asie aux Asiatiques.
Tout va basculer en mars 1945. En France, le gouvernement de Vichy, au nom duquel agit l’Amiral Decoux, a vécu. Pire : il est considéré comme nul et non avenu par le Général De Gaulle. En Indochine, la résistance s’organise, et les Français sont convaincus que les Japonais ne feront pas de vieux os.
Ils se trompent. Le 9 mars au soir, dans toute l’Indochine, les Japonais passent à l’attaque. En une nuit, toutes les garnisons françaises sont désarmées. De nombreux soldats français sont tués ou faits prisonniers. L’Amiral Decoux, lui, est placé en résidence surveillée. Quant aux civils, ils sont pour la plupart internés, femmes et enfants compris, dans des conditions atroces.
Dès lors, c’est un véritable vide politique qui s’installe dans toute l’Indochine. Au Vietnam, l’Empereur Bao Dai tente bel et bien de reprendre la main, mais il ne jouit d’aucune réelle crédibilité auprès de ses sujets. Partout ailleurs, on s’agite…
Les quelques Français qui ont échappé aux massacres de mars se terrent. Les mouvements indépendantistes, eux, comprennent que leur heure est sans doute venue. Mais beaucoup d’entre eux sont soit pris de court soit pas assez structurés…
Un seul de ces mouvements va réussir à tirer son épingle du jeu et à s’imposer à Hanoï. Ce mouvement, qui est noyauté par le Parti communiste, déferle depuis son repaire montagneux du Nord, avec à sa tête un homme qui ne va pas tarder à faire parler de lui : Ho Chi Minh.
Un meneur charismatique - Ho Chi Minh
Ho Chi Minh. En ce printemps 1945, peu de gens savent encore qui il est. Tout au plus sait-on qu’il a participé, en 1930, à la création du Parti communiste indochinois, et que c’est un agitateur nationaliste qui occupe, avec une bande de maquisards, les hauts confins tonkinois, à la frontière avec la Chine.
On ne va pas tarder à découvrir que cette bande de maquisards est beaucoup plus organisée qu’il n’y parait au premier abord, et surtout beaucoup plus déterminée à profiter de la vacance du pouvoir.
Dès août 1945, les hommes de Ho Chi Minh font leur entrée dans Hanoï et s’emparent des bâtiments publics, avec la complicité bienveillante des soldats japonais, jusque-là chargés du maintien de l’ordre, en attendant l’arrivée des soldats chinois au Nord, et des soldats britanniques au Sud, comme il a été convenu par les alliés au cours de la Conférence de Postdam.
Ho Chi Minh, lui, ne l’entend pas de cette oreille. Il est fermement décidé à faire valoir le droit des Vietnamiens à décider de leur sort.
Il peut compter pour cela sur le soutien d’un Américain, le major Archimède Patti, avec qui il a déjà des contacts durant la guerre, et qui a débarqué à Hanoï le 22 août. Cet Américain bien tranquille (il appartient au Bureau des services stratégiques, l’ancêtre de la CIA), va l’aider dans la rédaction du texte qu’il projette.
Le matin du 26 août, au numéro 48 de la rue Hang Ngang, Ho Chi Minh réunit les membres les plus éminents du Parti communiste vietnamien. C’est au cours de cette réunion historique qu’est prise, à l’unanimité, la décision de proclamer solennellement l’Indépendance et la naissance de la République Démocratique du Vietnam.
Quatre jours plus tard, le 30, Ho Chi Minh réunit à nouveau son entourage pour une première lecture du texte. Le Major Patti est également présent. Il faut dire que les quelques conseils qu’il a distillés ont été suivis et que cette proclamation d’indépendance ressemble, notamment dans son préambule, à celle des Etats-Unis.
Le Vietnam en pays libre
Le grand jour arrive enfin. C’est le 2 septembre. Ce jour-là, une foule compacte est rassemblée sur la place Ba Dinh. Ho Chi Minh proclame alors, à la face du monde, que le Vietnam est libre et indépendant, et donne ainsi naissance à la République Démocratique du Vietnam, aujourd’hui République socialiste du Vietnam.
« Le Vietnam a le droit d’être libre et indépendant et, de fait, est devenu un pays libre et indépendant »
79 ans après, ces paroles résonnent encore.