Édition internationale

GROSSESSE – Portrait du Docteur Teicher, gynécologue francophone & francophile



Le Docteur Wilfried Teicher est un gynécologue francophone et francophile de renom à Munich.  D'où lui vient cette aisance incroyable dans la langue de Molière ? Il a passé toute sa scolarité à Strasbourg ! Les Françaises représentent 25 % de sa clientèle et ne tarissent pas d'éloge face à cet homme souriant et profondément humain. Rencontre avec un gynécologue passionné !

Lepetitjournal.com : Dr Teicher, merci de nous recevoir ici dans votre cabinet de la Weinstrasse. Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs du petitjournal.com ?
Wilfried Teicher : Je vais commencer par une anecdote...Lors de mes études de médecine à Munich, je ne souhaitais absolument pas devenir gynécologue ! Je trouvais même cela étrange pour un homme de vouloir suivre cette spécialité ! A l'époque je portais les cheveux longs, je vivais dans une communauté hippie à Eggenfelden en Basse-Bavière, et je me destinais plutôt à la chirurgie...Mais un jour, une femme de la communauté dans laquelle je vivais est tombée enceinte de son quatrième enfant...C'est moi qui l'ai accouchée, pourtant sans réelle expérience, et Dieu merci tout s'est très bien déroulé ! J'ai postulé sans grande conviction à un poste d'interne en obstétrique, et j'y suis resté un an. Je dois bien avouer que...dans la lignée de mes premières impressions en école de médecine, je n'ai pas été convaincu par cette expérience !

Lepetitjournal.com : Vous vous êtes donc finalement tourné vers la chirurgie comme vous le souhaitiez ?
WT : J'ai réussi à décrocher un poste d'interne en chirurgie dans une clinique à Landau an der Isar, en Basse-Bavière...Et c'est le chef de service qui m'a finalement dégoûté de cette spécialité que je pensais faire mienne ! Alors j'ai découvert qu'un hôpital anthroposophe (cliquez ICI pour en savoir plus sur l'anthroposophie) de renom, cette fois à Stuttgart, cherchait un interne pour deux ans de nouveau dans le domaine de l'obstétrique...J'ai donc décidé de compléter et finir mon cursus d'interne en capitalisant sur ce que j'avais déjà appris jusqu'alors : l'obstétrique ! Et là, ce fut la révélation : ces deux années se sont déroulées à merveille, m'ont totalement convaincu de la beauté du métier et ont ainsi scellé mon destin. Oui, j'allais devenir gynécologue !

Lepetitjournal.com : Vous avez alors ouvert votre cabinet ?
WT : Pas du tout ! Pour commencer, je suis resté à Stuttgart bien plus longtemps que prévu. Je suis devenu chef de clinique, et je suis resté 13 ans dans le Bade-Wurtemberg. A l'issue de cette période, j'ai fait ce que l'on appelle communément un « burn-out », j'avais besoin de changer de vie, de retrouver mes racines. J'ai donc décidé de rentrer à Munich auprès de ma famille. J'ai même songé arrêter totalement la médecine ! Mais lorsque l'on est médecin, on ne peut pas rester bien longtemps éloigné de ses patient(e)s...Moi, c'était une évidence, mes patientes me manquaient trop ! J'ai tenu quelques mois puis j'ai craqué : j'ai ouvert mon cabinet ici à Munich, sur la Goetheplatz. Là encore, j'y suis resté 13 ans ! En 2007, pour des raisons d'espace, j'ai choisi de venir m'installer ici dans la Weinstrasse.

Lepetitjournal.com : Docteur Teicher, quelles sont selon vous les principales différences entre une grossesse en France et une grossesse en Allemagne ?
WT : Il faut savoir que l'Allemagne a été fortement influencée par deux docteurs français : Frédérick Leboyer (cliquez ICI pour en savoir plus sur Frédérick Leboyer) et Michel Odent (cliquez ICI pour en savoir plus sur Michel Odent). Frédérick Leboyer a notamment préconisé un accouchement plus centré sur le bébé et son bien-être à la naissance. En France, les accouchements ont toujours été perçus comme très médicalisés et très techniques, avec péridurale quasiment systématique. L'Allemagne au contraire a beaucoup misé sur le naturel, parfois au détriment du confort et de la sécurité de la mère et de l'enfant. Les tendances s'inversent aujourd'hui, et les deux pays se rencontrent finalement à mi-chemin, ce qui est une bonne chose ! La méfiance cède peu à peu place à la confiance. Les femmes françaises conservent cependant une certaine exigence comparées aux Allemandes : elles sont plus habituées à recevoir (et donc demander) un traitement qui soit efficace le plus rapidement possible ! ?Elles ont d'ailleurs l'habitude d'être accouchées par des médecins, tandis que les Allemandes sont accouchées par les sages-femmes !
Concernant les examens durant la grossesse, celui-ci est très similaire d'un pays à l'autre, il diffère juste sur le point de la toxoplasmose : la France la contrôle chaque mois tandis que l'Allemagne seulement trois fois. La recherche de la clarté nucale est en revanche plus poussée en Allemagne qu'en France. ?En Allemagne, un très pratique « Mutterpass » (un passeport maman contenant toutes les informations et résultats d'examens relatifs à la grossesse) est systématiquement délivré en début de grossesse, ce qui n'est pas le cas en France. ?Pour finir, le suivi de grossesse diffère en ce sens que l'Allemagne permet à chaque maman de recevoir chez elle pendant 10 jours après l'accouchement une sage-femme à domicile pour l'aider à dispenser les premiers soins et poser ses questions, tandis que rien de tel n'est prévu en France.

Lepetitjournal.com : Penchons-nous sur l'accouchement : que pensez-vous des accouchements « alternatifs » tels que les accouchements dans l'eau ou encore en maisons de naissance ?
WT : Je préconise les accouchements en maisons de naissance, mais plutôt pour un deuxième enfant et lorsque tout s'est bien déroulé lors du premier accouchement. Il s'agit d'éviter les facteurs de stress inutiles ! Concernant les accouchements dans l'eau, en revanche, je me montrerais beaucoup plus précautionneux...Les naissances aquatiques ne représentent que 2 à 5 % des accouchements. Elles restent donc rares, et pour cause : elles sont moins sûres ! Le périnée est plus difficile à observer, l'hygiène n'est pas très bonne puisque le sang, les urines et les selles restent en suspension dans l'eau, et pour terminer elles sont contre Nature puisque qu'un bébé humain n'est pas fait pour naître dans l'élément liquide mais bien dans l'air qu'il va passer sa vie à respirer ! Personnellement, l'accouchement dans l'eau ne me semble donc présenter aucun avantage qui mérite de délaisser l'accouchement traditionnel.

Lepetitjournal.com : Toujours autour de l'accouchement, auriez-vous un petit mot à adresser aux pères ?
WT : Lorsque je vivais encore dans ma communauté à Eggenfelden, j'étais convaincu que la place du père était impérativement auprès de la mère en salle d'accouchement. Je trouvais cela très important. Désormais, j'ai compris qu'il faut laisser le père faire comme il l'entend ; en effet il ne s'agit pas de le traumatiser s'il ne ne sent pas capable d'assumer la vision de sa compagne/de son épouse en train de donner la vie. Comme pour toute chose, il faut respecter le choix de chacun. Et lors d'une naissance plus que jamais !

Lepetitjournal.com : Pour finir, acceptez-vous de nous livrer l'anecdote la plus marquante de votre carrière ?
WT : C'est une question très difficile ! Laissez-moi réfléchir...Je pense spontanément à un événement qui date de 1984...Je venais de prendre la relève d'un jeune interne, qui m'a annoncé que l'accouchement en cours allait déboucher sur une césarienne. Rien d'anormal, je me prépare donc, j'ouvre l'utérus pour sortir le bébé...Et là ! J'aperçois quatre pieds au lieu de deux ! Les échographies n'étaient pas si développées que maintenant, et l'interne qui m'avait précédé, dans sa précipitation, n'avait pas vu qu'il s'agissait d'une grossesse gémellaire. Ce fut donc une réelle surprise pour moi, qui n'a pas manqué de me laisser un souvenir...impérissable !

Propos recueillis par Magali Jakob-Loué et Camille Babeau (www.lepetitjournal.com/munich) Mardi 23 juillet 2013

Le saviez-vous ?
L'âge moyen de la première grossesse en France est de 29 ans. Il s'élève à 31 ans en Allemagne. La femme française met en moyenne 1,9 enfant au monde contre 1,3 du côté allemand.

Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.