La Cour constitutionnelle de Géorgie a maintenu mardi le résultat controversé des législatives, remportées fin octobre par le parti au pouvoir, une décision qui intervient en pleine vague de contestation pro-européenne visant le gouvernement.
L'opposition réclame depuis plus d'un mois de nouvelles élections, accusant le parti Rêve géorgien, au pouvoir depuis 2012, d'avoir truqué le scrutin. En outre, depuis jeudi, des manifestions, émaillées de violences, visent le gouvernement, accusé de dérive autoritaire pro-russe et d'avoir mis en veille les ambitions d'adhésion à l'Union européenne.
Mi-novembre, des groupes d'opposition et la présidente Salomé Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement mais aux pouvoirs limités, avaient déposé un recours devant la Cour constitutionnelle pour faire annuler les résultats du scrutin législatif d'octobre. La Cour, dans une décision publiée mardi, a refusé cette demande, en précisant que son verdict était final et sans appel. Une décision qui risque d'alimenter le mécontentement des milliers de Géorgiens qui manifestent chaque soir depuis jeudi. Un nouveau rassemblement est prévu dans la soirée à Tbilissi, la capitale.
- ONG et opposition ciblées -
Mardi, le Premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidzé, s'en est lui pris à des ONG et à ses rivaux politiques, accusant l'opposition d'avoir "orchestré les violences" lors des manifestations, les affrontements avec la police étant quotidiens. Ils "n'échapperont pas à leurs responsabilités", a-t-il menacé. Son parti, le Rêve Géorgien, a fait promulguer cette année une loi sur "l'influence étrangère" vue par ses détracteurs comme un outil juridique pour persécuter des associations n'étant pas dans la ligne du pouvoir. Le Rêve géorgien tente aussi de présenter le mouvement de manifestation comme le résultat d'une ingérence extérieure.
Le gouvernement assure aussi ne pas renoncer à l'UE malgré l'annonce de reporter toute négociation d'adhésion. Irakli Kobakhidzé a estimé mardi que les Géorgiens mécontents l'avaient "mal compris" et que l'intégration européenne "progressait". La veille, il avait rejeté toute négociation avec l'opposition, qui réclame de nouvelles législatives.
- Manifestants blessés -
Lundi soir, des milliers de manifestants s'étaient à nouveau réunis à Tbilissi, la capitale, pour le cinquième jour de cette mobilisation d'ampleur. Vingt-six personnes ont été blessées, en majorité des manifestants, lors de heurts avec la police, a indiqué le ministère de la Santé. L'opposition accuse le gouvernement de vouloir se rapprocher de Moscou, et d'imiter ses méthodes répressives et autoritaires. Les Géorgiens défilent donc pour l'UE tout autant que contre la Russie voisine, la foule scandant régulièrement des slogans hostiles au Kremlin. "On veut la liberté, et on ne veut pas se retrouver en Russie", disait lundi soir un manifestant de 21 ans, Nika Maghradzé. Son amie Ani, 22 ans, acquiesçait. "On veut l'Europe!", précisait-elle. Des manifestations ont aussi eu lieu ailleurs dans le pays, comme à Batoumi, la deuxième ville de Géorgie, selon les médias locaux.
- "Mouvement sans précédent" -
"Dans toute la Géorgie, les gens se soulèvent contre le régime fantoche russe", a salué lundi soir la présidente Salomé Zourabichvili, y voyant "un mouvement sans précédent". Si elle ne dispose que de pouvoirs très limités, Mme Zourabichvili est populaire auprès des manifestants, dont le mouvement, largement spontané et organisé en ligne, n'a ni leader politique dominant ni réelle structure. Lundi soir, les forces de l'ordre ont utilisé de puissants jets d'eau et des gaz lacrymogènes dès le milieu de soirée pour disperser la foule, qui a répliqué avec des tirs de feux d'artifices.
Tous les soirs, les policiers veulent ainsi chasser les protestataires de la place du parlement, épicentre de la mobilisation et des tensions. Plusieurs dizaines de manifestants, journalistes et policiers, ont déjà été blessés lors de heurts en marge de ces rassemblements, même si le nombre exact n'a pas été établi. Le Rêve géorgien assure lui devoir éviter au pays le destin de l'Ukraine, envahie par les troupes russes depuis bientôt trois ans. Ses responsables accusent l'Occident de vouloir entraîner la Géorgie dans une guerre avec Moscou, reprenant le discours du Kremlin. Or 20% du territoire géorgien est de facto sous contrôle russe, notamment du fait de l'invasion russe de 2008.