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Comment échapper au syndrome du CV cocotier ?

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© Junos/beyond/Corbis
Écrit par Damien Bouhours
Publié le 24 mai 2019, mis à jour le 26 mai 2019

Australie, Brésil, Thaïlande, Mexique, Californie, côtes méditerranéennes, autant de destinations qui font saliver d'envie les touristes du monde entier. Mais si certains profitent des cocotiers et des belles plages de sable fin, il faut bien qu'il y en ait qui bossent ! Pourtant, même après plusieurs mois ou années à travailler dans ces contrées paradisiaques, à votre retour en France, les recruteurs vous regardent d'un drôle d'oeil. Votre CV a un air de vacances trop prolongées.



Cela fait plusieurs semaines que vous cherchez à trouver du travail en France, après vous être démené des années durant dans une entreprise située dans un pays si "carte-postale" que tous vos amis français se sont passé le mot pour venir vous rendre une visite au moins une fois dans ce petit paradis. Pourtant, cette plage qui fait la renommée de votre nouvelle ville de résidence, vous ne l'avez pas vue aussi souvent que vous l'auriez souhaité. Comme des milliers de locaux, votre semaine se résumait en ces quelques mots : métro, boulot, dodo. Petit à petit, vos efforts ont payé et vous avez grimpé un à un les échelons hiérarchiques.

C'est fier de cette expérience - mais non sans tristesse - que vous vous êtes replongés dans le marché du travail français. Encore vous faudrait-il décrocher un emploi. Après un énième refus, vous bouillez : "Mais pourquoi les recruteurs ne me prennent-ils pas au sérieux ?". La raison est baptisée : le syndrome du CV cocotier.

Le syndrome du CV cocotier...


Acquérir des compétences professionnelles à l'étranger aussi méritantes soient-elles n'est pas forcément jugé à sa juste valeur par des DRH qui n'ont pas toutes les clés de compréhension de cet univers totalement étranger, à la lecture de votre curriculum vitae. "J'ai vécu 3 ans en Grèce. Alors que j'étais en congé parental, j'ai fait et réussi un MBA en anglais accrédité par l'association internationale des MBA. A mon retour, mon entreprise m'a licenciée et je recherche un travail. Les entreprises regardent mon CV et s'amusent de cette formation en Grèce. Un diplôme prestigieux se retrouve être une blague !", explique ainsi Melissa. L'étonnement est parfois tel que vous voilà devenu une bête curieuse. Hugues en a fait l'expérience : "J'ai vécu aux Seychelles et y ai travaillé. Un employeur m'a convoqué à un entretien pour voir la tête de quelqu'un qui avait travaillé aux Seychelles et l'a dit !"

... ou des DRH étroits d'esprit


Contacter un ancien employeur dans une autre langue pour confirmer vos dires peut faire peur aux recruteurs. De même que vivre votre quotidien dans un paradis terrestre vous fait passer pour un privilégié qui aura bien trop d'exigences salariales. En fin de compte, vu de France, il est souvent difficile d'évaluer une expérience acquise au-delà de nos frontières hexagonales. "Je travaille ou vis à l'étranger (dont au Brésil) depuis 15 ans, mais je pense à revenir en France. Devinez ce qui m'inquiète le plus : l'étroitesse d'esprit de certains membres des départements de ressources humaines en France, telle qu'elle est dépeinte partout sur le net : 'Vous avez bossé longtemps à l'étranger, pas bon ! Vous avez bossé en université, pas bon ! Vous avez monté votre propre affaire, suspect ! Vous avez pris un congé parental prolongé, pas bon ! Vous parlez couramment une langue étrangère parlée seulement par un demi-million de personnes, loufoque ! Vous avez pris un an sabbatique, dégagez !'", témoigne Sylvain. Une conseillère au Pôle Emploi confirme pourtant ce manque de recul de certains recruteurs. "Je peux attester de cette étroitesse d'esprit qui se répercute sur "la philosophie" Pole Emploi. Dans le dossier informatique du demandeur d'emploi, les expériences à l'étranger ne comptent pas! Absurde!", déplore Véronique. Sandra apporte une note un peu plus optimiste : "L'étroitesse d'esprit a frappé la France comme un fléau ! Mais rassurez-vous, tout se soigne"



Ouvrez-leur les yeux !


Votre teint est peut-être un peu plus bronzé que celui des autres candidats au poste - quoique, les néons des bureaux sont les mêmes ailleurs qu'à Paris - mais cela ne veut pas dire que vous avez passé votre temps à vous prélasser au soleil. "Une expérience professionnelle est une expérience professionnelle, et l'environnement ne devrait rien y changer", souligne Sylvain. Si votre CV est un peu le monstre de foire de la pile de candidatures, prenez le temps de bien détailler vos choix professionnels et les responsabilités endossées au cours de votre parcours atypique dans votre lettre de motivation. Votre curriculum intriguera, c'est sûr, mais c'est aussi un avantage pour décrocher un entretien dans lequel vous pourrez davantage valoriser ces compétences durement acquises sous la chaleur tropicale. A vous d'ouvrir l'esprit de votre futur employeur !  "Du point de vue de l'entreprise, vous aurez prouvé votre ouverture d'esprit, votre curiosité. Mais vous ne ferez de tout cela un "plus" professionnel que si vous êtes capable de le formuler à l'entreprise comme tel. Si vous voulez valoriser votre expérience, il faudra trouver les mots, au-delà des anecdotes, pour qualifier ce que vous avez appris, définir vos compétences acquises à l'étranger de manière directe et efficace. C'est un effort important à faire.", explique Claude Mulsant, directrice adjointe du Cercle Magellan.

Du rêve à la réalité


L'expatriation enrichit de toute évidence votre chemin de vie et votre carrière. Le retour en France, décidé ou obligé, doit vous permettre de faire le bilan des compétences et connaissances acquises sur place. Travailler à l'étranger, même si le mot "hiver" n'a plus vraiment de sens dans la langue locale, n'est pas synonyme d'année(s) sabbatique(s). Rappelez-vous d'ailleurs lorsque vous avez dû travailler dans un véritable sauna à la moindre panne de clim' ou encore ces soirées où vous êtes resté reclus dans votre bureau lors d'avis de tempêtes tropicales.  Faites donc revenir à la réalité professionnelle ces recruteurs un peu rêveurs, coincés dans la grisaille tricolore. Faîtes les réaliser que les dures heures de labeur sont les mêmes à Rio ou à Maubeuge, la barrière de la langue en plus.


Avec un peu d'explication et d'ouverture d'esprit, ils se rendront rapidement compte des avantages que présente votre arrivée au sein de l'entreprise. Par contre, ils risquent certainement de toujours un peu vous envier, mais qui pourrait leur en vouloir ?

 

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