Depuis 2023, le placement « pierre papier » traverse un véritable test de résistance : hausse brutale des taux d’intérêt, corrections de valeurs immobilières et interrogation persistante sur l’avenir des bureaux. Beaucoup d’investisseurs attendaient donc le rapport ASPIM - IEIF, publié mi-mai 2025, comme on scrute un bulletin météo après l’orage. Premier constat : la pluie s’arrête. Au premier trimestre 2025, la collecte brute des SCPI atteint 1,3 milliard d’euros (+18 % sur un an) et, surtout, la collecte nette bondit à 1 milliard d’euros, soit +35 % par rapport au T1 2024 . Autrement dit, les souscriptions dépassent largement les retraits : signe que la confiance revient.


Mais un chiffre isolé ne fait pas le printemps. Pour jauger de la solidité du redressement, il faut parcourir tous les indicateurs : part des stratégies diversifiées, état du marché secondaire, capacité de collecte, niveau d’endettement, etc. Pris ensemble, ils forment une boussole pour l’épargnant averti, qui pourra déterminer son meilleur couple rendement / risque. Un exercice de décryptage auquel se consacre cet article.
Une reprise portée par les SCPI diversifiées
Le rebond de la collecte ne se fait pas à l’aveugle. Il reflète des arbitrages mûrement réfléchis de la part des épargnants qui ont fait leur classement SCPI. La dynamique de souscription est en effet concentrée à 71 % sur les SCPI à stratégie diversifiée, laissant loin derrière les véhicules à dominante bureaux (17 %), santé-éducation (5 %), logistique (3 %), commerces (2 %), résidentiel (1,6 %) ou encore tourisme (0,6 %).
Autrement dit, avec ce comparatif SCPI, on voit que les investisseurs privilégient les fonds capables de panacher les actifs : typologies d’usage (bureaux, commerces, logistique...), zones géographiques, niveaux de rendement, etc. Une manière de mutualiser le risque et de préserver la performance globale, dans un contexte économique encore incertain.
Le marché secondaire se normalise
C’était l’un des points noirs de 2023 : l’augmentation des parts en attente de retrait. Ce phénomène, observé sur le marché secondaire des SCPI, traduisait une défiance et une certaine illiquidité. Or, au 31 mars 2025, ces parts en attente représentent 2,6 % de la capitalisation du marché, soit un recul de 4,9 % par rapport au trimestre précédent.
Ce chiffre reste à surveiller, mais il marque une nette amélioration. D’autant que 70 % de la valeur totale des parts en attente concerne les SCPI à dominante bureaux — un segment structurellement plus affecté. Ce recentrage des tensions sur un seul type d’actifs laisse entrevoir une sortie progressive de crise pour l’ensemble du marché.
Des SCPI plus prudentes sur la distribution
Du côté des rendements SCPI, le T1 2025 montre un choix clair de prudence. 64 % des SCPI ont maintenu ou augmenté leur niveau de distribution, dont plus d’un tiers avec une progression moyenne pondérée par la capitalisation de 7 %. Mais 36 % ont abaissé leur dividende trimestriel, avec une baisse moyenne pondérée de 15 %.
Ces ajustements ne sont pas anecdotiques : ils reflètent les contraintes pesant sur certains segments (notamment le bureau), mais aussi des décisions stratégiques. En réduisant temporairement la distribution, certaines sociétés de gestion dégagent des marges de manœuvre pour rénover ou adapter leurs immeubles, afin de préserver la valeur à long terme. Un choix de gestion active, plutôt qu’une fuite en avant.
Taux de distribution stable... mais hétérogène
Le taux de distribution moyen pondéré par la capitalisation au T1 2025 s’établit à 1,13 %, un niveau équivalent à celui observé au T1 2024. Ce chiffre peut sembler modeste pris isolément, mais il doit être analysé à la lumière des arbitrages précédents et des effets de saisonnalité (les SCPI versent souvent davantage au second semestre).
Par ailleurs, derrière ce taux moyen se cache une grande hétérogénéité. Certaines SCPI continuent d’afficher des rendements très attractifs (notamment dans la logistique ou le tourisme), tandis que d’autres, exposées aux bureaux ou en pleine restructuration, adoptent une approche plus conservatrice.
Valeur des parts : une correction mesurée
La phase d’ajustement des prix de parts entamée en 2023 se poursuit. Entre janvier et mars 2025, 13 SCPI à capital variable ont baissé leur prix de souscription, contre 7 hausses, pour une variation moyenne pondérée par la capitalisation de -3,5 % sur le trimestre.
Ce chiffre traduit la volonté de coller au plus près des valorisations actualisées, sans provoquer de panique. Le marché reconnaît que les actifs ont perdu en valeur, mais semble avoir intégré cette réalité. Là encore, ce sont les SCPI à dominante bureaux qui concentrent les baisses (-4,9 %), contre seulement -1,6 % pour les autres catégories.
Une capitalisation stabilisée malgré les retraits
À fin mars 2025, la capitalisation totale des SCPI atteint 86 milliards d’euros, en baisse de 3 % sur un trimestre. Ce léger recul s’explique par la double dynamique de revalorisation prudente des actifs et de gestion mesurée des flux. La tendance reste saine, et la stabilisation semble acquise.
Le rendement global 2024 : contrasté selon les segments
Le rapport ASPIM publié en mai 2025 fournit aussi un retour sur la performance globale des SCPI en 2024. Si l’on combine le taux de distribution moyen pondéré de 4,72 % et la baisse moyenne pondérée des valeurs de réalisation par part de -5,8 %, on obtient un rendement global immobilier de -1,1 % sur l’année.
Un chiffre négatif… mais à nuancer fortement. Ce sont uniquement les SCPI de bureaux qui affichent un rendement global négatif en 2024 (-5,1 %). Toutes les autres catégories ont généré un rendement positif, avec une moyenne pondérée de +3,8 %. Mention spéciale aux SCPI « logistique » et « diversifiées », qui culminent respectivement à +5,7 % et +5,9 %.
Taux d’occupation et endettement : deux points de vigilance
Le taux d’occupation financier (TOF) moyen pondéré des SCPI s’établit à 92,2 % pour 2024. Ce taux intègre 88,9 % de locaux occupés, 2,7 % sous franchise de loyer, 0,2 % sous promesse de vente, et 0,4 % en restructuration lourde. Il marque un léger recul par rapport à 2023 (93,3 %), en raison de la fin de certains chantiers de restructuration lourde, et d’une vacance locative plus visible dans un marché exigeant.
Côté dette, le ratio moyen des dettes et autres engagements rapporté à l’actif net augmenté des engagements payables à terme s’établit à 18,4 % fin 2024, contre 21,4 % fin 2023. Ce recul indique un retour à des niveaux d’endettement plus soutenables, après une hausse ponctuelle liée aux baisses de valeurs des actifs.
En conclusion : des signes de reprise, mais pas d’euphorie
Les chiffres du T1 2025 montrent que les SCPI passent un cap important : la collecte redémarre, la confiance revient, et la phase de revalorisation se stabilise. Le marché reste exigeant, sélectif, et marqué par de fortes disparités entre les segments.
Pour l’épargnant, cela signifie une chose : l’analyse fine des SCPI est plus que jamais indispensable. Diversification, qualité de gestion, politique de distribution, exposition sectorielle... Chaque critère compte pour optimiser le couple rendement/risque et jouir au maximum de son investissement passif.
Chez Louve Invest, nous suivons ces évolutions de près pour vous aider à faire les meilleurs choix. Car derrière les performances globales se cachent toujours des opportunités bien réelles — à condition de savoir où regarder.
