L'intelligence artificielle s'est invitée dans les établissements scolaires, utilisée par de nombreux élèves pour faire leurs devoirs. Face au danger qu'elle peut représenter, comment l'AEFE se positionne-t-elle face à l'IA ? Claudia Scherer-Effosse, directrice générale de l'AEFE, détaille le programme d'intégration de l'IA dans leur système éducatif.


L’AEFE s’inscrit dans la stratégie ministérielle “France 2030” pour une IA éthique, inclusive et souveraine
Lepetitjournal.com : Quelle est aujourd’hui la vision de l’AEFE concernant l’intégration de l’IA ?
L’intelligence artificielle est présente dans les domaines de la vie quotidienne professionnelle et personnelle. Notre vision est de mettre l’IA au service de la réussite des élèves et du travail des équipes éducatives, dans un cadre éthique et maîtrisé. C’est également un levier stratégique pour renforcer l’attractivité et l’excellence du réseau, tout en cultivant la créativité et la pensée critique des élèves.
Cette intégration de l’IA s’articule autour de trois fondements :
● L’éthique et la responsabilité : l’usage de l’IA est encadré par des principes de transparence, de protection des données (RGPD) et de sobriété numérique.
● L’inclusion et l’adaptation : l’IA permet de personnaliser les apprentissages, notamment pour les élèves à besoins éducatifs particuliers et de répondre aux défis d’un environnement multiculturel et plurilingue.
● L’aide à la décision : l’IA est un outil au service de l’humain. Elle doit compléter et non se substituer à l’intelligence et à la capacité de jugement des enseignants et des élèves.
L’AEFE s’inscrit dans la stratégie ministérielle “France 2030” pour une IA éthique, inclusive et souveraine et plus spécifiquement dans la stratégie numérique pour l’éducation 2023-2027 de l’Education nationale.
L’AEFE a‑t‑elle une stratégie ou une feuille de route spécifique sur le numérique éducatif et l’IA ?
Je vous confirme l’existence d’une stratégie globale du numérique éducatif et de l’innovation pour le réseau. L’intelligence artificielle est un des axes forts de cette stratégie que nous avons lancée en septembre 2024 au travers d’« e-nov ». Celle-ci impulse l’innovation (dont l’IA) autour de trois pratiques structurantes : butiner (qui consiste à s’appuyer sur des initiatives et usages existants dans le réseau), transformer (qui permet au travers des laboratoires d’expérimenter des outils et pratiques pédagogiques), essaimer (qui consiste en un partage et une mise à disposition des expériences). Tout cela est orchestré autour de salles innovantes dites « alvéoles », c’est à dire un réseau de laboratoires et d’observatoires implantés dans nos 16 Instituts régionaux de la formation (IRF). Les alvéoles seront toutes déployées fin 2027.

J’ajoute qu’un événement phare et symbolique a été lancé à la rentrée : “L’année de l’IA”. Cet événement s’articule autour d’un calendrier lisible d’actions : avec un temps d’ouverture et de sensibilisation (notamment pendant la Semaine des Lycées Français du Monde), un accompagnement des expérimentations en classe, des retours d’expérience et temps forts (Journée de l’innovation, colloque IA), mais également une offre de formation dédiée pour toutes les catégories de personnels. Une cinquantaine d’actions sont d’ores et déjà inscrites dans nos plans régionaux de formation. La feuille de route associe ainsi gouvernance, formation, ressources et retours terrain, afin de sécuriser les usages et d’en faciliter l’appropriation à grande échelle.
l’IA peut favoriser l’engagement et la créativité, soutenir la différenciation et l’accessibilité et permettre de développer des compétences clés
L’environnement multiculturel et multilingue du réseau influence‑t‑il la manière dont l’IA est utilisée/enseignée ?
Indéniablement, et c’est même un atout stratégique. Le réseau évolue dans 138 pays : cela exige des ressources adaptables, respectueuses des contextes locaux et s’appuyant sur le plurilinguisme. Nos IRF par les formations et les « alvéoles », par la mise à disposition de ressources et d’accompagnement permettent d’ancrer les usages du terrain et de produire des communs partageables (scénarios pédagogiques, guides d’usage, retours d’expérience). On parle de communs numériques dont l’IA fait partie. Cette diversité nous oblige et nous permet aussi de travailler l’inclusion (accessibilité, besoins éducatifs particuliers) et d’y associer les communautés éducatives — équipes, élèves, familles — pour démystifier l’IA et clarifier les attendus, les bénéfices et les limites.
Pour donner quelques exemples concrets, l’usage de l’IA pour l’enseignement des langues permet de créer des parcours d’apprentissage différenciés, notamment pour le français langue étrangère (FLE) ou les langues locales. Le réseau, de par sa nature peut s’appuyer sur une collaboration internationale. Les outils d’IA facilitent les échanges entre établissements de zones différentes et brisent les barrières linguistiques permettant la mutualisant des ressources notamment sur des projets collaboratifs via notre Ressourcerie numérique en ligne.
Comment l’AEFE envisage‑t‑elle le rôle de l’IA dans les apprentissages à moyen et long terme ?
Cette question sera en constante évolution et adaptation. Nous voyons trois apports principaux. D’abord, une personnalisation raisonnée des parcours, des élèves et des personnels : différenciation, remédiation ciblée, aides à l’expression et au raisonnement… Ensuite, l’optimisation de la gestion administrative et financière dans les établissements. A ce titre, est prévu un groupe de travail autour des enjeux de l’IA au sein des services centraux de l’Agence.
Enfin un accompagnement de l’ensemble des personnels par la formation en mettant à disposition des parcours en ligne, des communautés de pratique, une mutualisation de ressources. Ce dernier apport permet d’installer l’IA de manière raisonnée, dans les pratiques étant entendu que cet accompagnement s’installera au long cours.
Claudia Scherer, AEFE : « Plus de 400.000 élèves font leur rentrée à l’étranger »

Quelles sont, selon vous, les principales opportunités et les principaux risques pour l’école face à l’IA ?
Si l’attention est portée sur les opportunités dans l’enseignement, l’IA peut favoriser l’engagement et la créativité, soutenir la différenciation et l’accessibilité et permettre de développer des compétences clés (esprit critique, analyse, collaboration). Comme nous l’avons dit précédemment, l’IA peut être un outil mis au service de l’inclusion scolaire en particulier dans une déclinaison adaptée à des élèves à besoins éducatifs particuliers. Par ailleurs, le bénéfice pour les acteurs éducatifs apparaît aussi au travers d’un gain de temps par l’automatisation de tâches répétitives.
Nos garde-fous sont clairs : la vérification et le traitement des données et l’encadrement des outils, la transparence des usages, la formation des équipes, et la sobriété numérique
L’AEFE ne minimise pas les risques. Elle a le souci de veiller à la protection des données, à la propriété intellectuelle, mais aussi aux biais et erreurs que l’IA peut générer. L’AEFE aura à cœur de mobiliser l’EMI afin de sensibiliser à la montée de la désinformation et l’enseignement au développement durable sur l’impact environnemental.
Nos garde-fous sont clairs et je les énonce ici : la vérification et le traitement des données et l’encadrement des outils, la transparence des usages, la formation des équipes, et la sobriété numérique pour que l’IA soit une réelle plus‑value. L’AEFE invite tous les acteurs éducatifs, parents, enseignants et partenaires, à s’emparer de cette aventure collective. L’intelligence artificielle est une chance pour repenser l’école de demain, à condition d’en faire un projet partagé, éthique et ambitieux.
Sur le même sujet









































