Au moins onze Français tombent actuellement sous le coup de la peine capitale dans le monde. Que peuvent faire les autorités françaises face à ces condamnations ? Tour d'horizon.
Soupçonné de trafic de drogue, Félix Dorfin a été condamné, lundi 20 mai, à la peine capitale par le tribunal de Lombok, en Indonésie. Cet homme de 35 ans originaire du Pas-de-Calais rejoint ainsi la liste des ressortissants français condamnés à des exécutions capitales à l’étranger. Si tous les pays n’indiquent pas la nationalité des étrangers condamnés, voici onze de nos concitoyens dont on connaît l’identité.
En Indonésie, Félix Dorfin et Serge Atlaoui pour trafic
Fin septembre 2018, Félix Dorfin avait été interpellé à l’aéroport de Lombok (une île touristique proche de Bali), avec près de quatre kilogrammes de cocaïne, d’amphétamines et d’ecstasy planqués dans le double-fond d’une valise. Lundi 20 mai, après huit mois de détention –entrecoupés d’une cavale de onze jours – il a été condamné à mort alors que le parquet avait requis vingt ans de détention assortis d’une amende de 10 milliards de roupies indonésiennes (626 000 €). L’avocat du Français a indiqué faire appel. Le Quai d’Orsay s’est dit « préoccupé » par la situation du condamné.
Ultra-médiatisé, Serge Atlaoui, artisan soudeur originaire de Metz, a été arrêté dans un laboratoire clandestin de production d’ecstasy, en 2005 près de Djakarta, avant d’être condamné deux ans plus tard à la peine capitale. Ayant toujours clamé son innocence –il aurait selon lui monté des machines dans une usine qu’il croyait spécialisée dans la production d’acrylique – et en dépit des tentatives de négociations de la France, le quinquagénaire reste incarcéré depuis plus d’une décennie.
En Chine, Chan Thao Phoumy pour trafic
Condamné en 2010 pour fabrication, transport, contrebande et trafic de méthamphétamine par un tribunal de Canton, le Français né au Laos faisait partie d’un réseau qui aurait produit, entre 1999 et 2003, des tonnes de cette drogue synthétique. La Chine, qui a déjà exécuté des dizaines de ressortissants étrangers pour des motifs similaires, est connue pour sa sévérité envers les trafiquants de drogue. Réputée aussi pour le secret qui entoure les exécutions : à l’heure actuelle, on ne sait pas si Chan Thao Phoumy est toujours en vie.
Au Maroc, Stéphane Aït Idir et Rédouane Hamadi pour l’attaque d’un hôtel
Franco-algérien et franco-marocain originaires de La Courneuve en Seine-Saint-Denis, les deux hommes étaient membres d’un commando terroriste ayant organisé l’attaque d’un hôtel à Marrakech en 1994. L’attentat avait coûté la vie à deux touristes espagnols. Condamnés à mort par le royaume marocain –et incarcérés depuis- ils ont multiplié les grèves de la faim pour dénoncer leurs conditions de détention et bénéficier d’un transfert vers la France. La dernière exécution au Maroc a eu lieu en 1993.
Aux États-Unis, Michael Legrand pour meurtre
Il n’était pas français au moment du meurtre pour lequel il a été condamné à mort. Né en Louisiane de parents américains, Michael Legrand est accusé d’avoir, en 1999 et alors qu’il était toxicomane, poignardé quarante fois un ami près de la Nouvelle Orléans pour le vol de sa collection de CD. Ce n’est que qu’en 2013 que le condamné change de nationalité et devient français grâce à un oncle par alliance qui l’avait adopté pendant son adolescence. L’homme de 46 ans bénéficie aujourd’hui de l’aide consulaire française, dans un système qui permet jusqu’à neuf recours en appel et dans un Etat qui exécute peu, comparé à son voisin texan. Son sort reste donc également incertain.
En Irak, Mustapha Merzoughi, Kévin Gonot, Léonard Lopez et Salim Machou pour appartenance à l'Etat Islamique
Lundi 27 mai 2019, Mustapha Merzoughi, 37 ans, a été condamné à la pendaison au terme de sa comparution à Bagdad. La veille, trois ressortissants français, Kévin Gonot, Léonard Lopez et Salim Machou, avaient aussi été condamnés à la peine capitale après avoir été arrêtés en Syrie par une alliance arabo-kurde antijihadiste. Selon la loi irakienne, qui prévoit la peine de mort pour quiconque a rejoint une organisation "terroriste", qu'il ait combattu ou non, les hommes ont trente jours pour faire appel.
Que fait la France ?
Procès jugés inéquitables, aveux obtenus sous contrainte, absence d’interprètes, accès à une défense plus difficile sans avocat commis d’office…Les condamnations de nos concitoyens, ainsi que leurs conditions de détention sont fréquemment pointées du doigt. Dans un communiqué, le Quai d’Orsay rappelle « son opposition constante à la peine de mort en tous lieux et en toutes circonstances ». Les autorités françaises s’engagent à agir « pour favoriser la commutation de ces peines ».
La France a, en effet, signé près de 80 conventions bilatérales ou multilatérales relatives au transfert des personnes condamnées. Ainsi par exemple, un détenu en Thaïlande pourra demander son transfèrement vers la France au bout de 4 ans pour y finir sa peine (8 ans pour les condamnés à mort ou à perpétuité).
Au 31 mai 2018, un total de 1.270 ressortissants français étaient recensés comme étant détenus à l'étranger, dont la majorité pour des affaires de drogues, indique le Quai d'Orsay. Ce décompte est basé sur les cas signalés aux consulats français par les intéressés eux-mêmes, leurs proches ou les autorités locales. Parce que de nombreux Français détenus dans des pays européens choisissent de ne pas se faire connaître auprès des consulats, ce chiffre pourrait bien être sous-estimé.
Les personnes incarcérées dans des pays avec lesquels La France n’a pas signé de convention plongent dans un vide judiciaire d'où il est difficile de sortir.