Florence Poznanski ancienne conseillère des Français de l’étranger au Brésil (2e circonscription) et co-animatrice du groupe fonctionnel de la France Insoumise pour l'organisation des élections consulaires des Français·es de l'étranger. Elle revient avec nous sur les enjeux de ces prochaines élections consulaires pour la France Insoumise.
Il faut créer les conditions pour que les Français·es de l’étranger s’expriment voire s’engagent dans la vie démocratique locale
Pourquoi est-il important pour les Français de l’étranger de prendre part à ces élections consulaires ?
A la différence de nos compatriotes qui vivent en France, notre vie démocratique est appauvrie par le fait que notre principal lien avec la France se fait via une représentation administrative de l’État (les consulats et ambassades) et non des maires démocratiquement élu·es.
Le rôle des conseillères et conseillers des Français·es de l’étranger est de faire vivre cette vie démocratique à l’étranger en créant des espaces de participation des Français·es sur place, en faisant remonter leurs demandes auprès des postes consulaires, en œuvrant pour la transparence de l’action publique et en incitant la multiplication d’initiatives citoyennes. Bien sûr les élu·es ont aussi des responsabilités régaliennes de siéger dans les différents conseils consulaires (bourses scolaires, aides sociales, sécurité, etc), mais ces responsabilités peuvent devenir purement administratives si elles ne sont pas reliées à la réalité du terrain. On ne peut pas juste dire « les élu·es consulaires sont à votre écoute », il faut créer les conditions pour que les Français·es de l’étranger s’expriment voire s’engagent dans la vie démocratique locale et il y a beaucoup de portes d’entrées possibles.
Ces élections sont donc le moment de prendre part à la construction d’un projet collectif pour leurs compatriotes à l’étranger et de découvrir une diversité de réalités. Le mandat démocratique des conseiller·ères des Français·es de l’étranger en est le trait d’union. Il faut d’ailleurs se réjouir que les nouveaux·lles élu·es auront des responsabilités renforcées puisque les président·es du conseil consulaire ne seront plus les consul·es mais les élu·es eux·elles-mêmes.
Pensez-vous que le vote en ligne permettra une mobilisation plus importante des électeurs ?
Je ne peux que le souhaiter. Avec la pandémie, il est en encore plus vital cette année qu’en 2014 où il était expérimenté pour la première fois. Mais nous sommes de nombreux·ses élu·es à critiquer sa mise en œuvre. Un contrat passé avec une société privée étrangère qui a failli mettre la clef sous la porte l’année dernière, la décision de ne pas organiser les tests grandeur nature cette année, la faible communication qui en est faite pour préparer les électeurs et électrices.
S’il permettra certainement de réduire les agglomérations dans les bureaux de vote (et par la même occasion de donner des prétextes à l’administration faire des économies sur le nombre de bureaux de votes dans le monde), il faut redouter un double effet d’exclusion car les personnes qui auront le plus de mal à se connecter en ligne, que ce soit par la distance des centres-villes ou par leur manque d’habilité aux usages numériques, seront aussi celles qui auront le plus de mal à se déplacer le jour du vote à l’urne. Les procurations seront pour cela essentielles et avec elles les tournées consulaires de l’administration qui ne sont pas toujours bien planifiées.
Je pense que nous arriverons à minima à doubler le nombre de nos élu·es
Comment s’organise cette campagne au sein de votre parti ?
La France insoumise a adopté un texte de principe qui dresse les grandes lignes de notre stratégie comme pour les élections municipales : nous soutiendrons des listes citoyennes ouvertes et engagées sur un programme écologique et solidaire.
Voilà ce que dit notre texte : « Nous soutenons des dynamiques participatives et collectives, nous exigeons des pratiques administratives transparentes, nous dénonçons les inégalités, les discriminations et le brutal désengagement de l'État dans les services publics à l'étranger. Nous défendons, dans toutes les sphères de la société l’égalité femmes –hommes et nous luttons contre les violences faites aux femmes. Nous défendons les droits fondamentaux à l’éducation, à la santé, à l’emploi, à la création et à la dignité. Nous exigeons l'exemplarité écologique des postes diplomatiques et lycées français mais aussi des entreprises françaises implantées à l'étranger. Nous ne souhaitons pas élire des notables, mais des personnes engagées sur le terrain et proches de leur communauté. Personne n'est "fait pour être élu·e" et tout le monde a vocation à le devenir. Un·e élu·e ne sert à rien s'il ou elle est coupée de la collectivité et ne lui rend aucun compte. Les listes consulaires soutenues par la France insoumise devront donc être des listes constituées par et pour les citoyen·nes français·es dans leur plus grande diversité”.
Courant février se tiendront les assemblées consulaires des groupes d’actions du mouvement à l’étranger qui définiront leur binôme chef de file dans les circonscriptions consulaires en lien avec le comité électoral de la France Insoumise. Aujourd’hui nous avons une vingtaine d’élu·es consulaires dans le monde qui s’identifient à la France Insoumise. Je pense que nous arriverons à minima à doubler le nombre de nos élu·es. Dans de nombreux cas, nous avons de très belles dynamiques de listes citoyennes d’union de la gauche dont le travail de terrain s’est renforcé avec le report des élections. Souvent les candidats et candidates ne sont pas des personnes encartées mais des citoyennes et citoyens engagé·es qui apportent à la campagne un vécu sur les besoins réels et non la déclinaison locale d’un programme politique générique. C’est ça qui est très puissant.
Les Français·es de l’étranger sont toujours plus impactés par les crises qu’en France
Quel est selon vous le plus grand défi auquel font face les Français de l’étranger aujourd’hui ?
Cela fait un an que les services consulaires travaillent dans des circonstances inhabituelles : beaucoup de postes ne reçoivent plus de public, les procédures sont inadaptées au télétravail, des agents sont tombés malades, les permanences téléphoniques n’ont plus lieu, etc. Or le service public n’a jamais été aussi important pour répondre aux questions des Français·es, instruire les demandes d’aides sociales, organiser la politique vaccinale, mobiliser la communauté locale pour mettre en œuvre des projets de solidarité tout en continuant à faire le travail quotidien d’état civil, de coopération, etc. Les mois se succèdent…. et la situation de crise finit par se banaliser. Les syndicats des agents du ministère des Affaires étrangères ont dénoncé le nombre de burn-out des agents sur la période. Le manque de moyens était déjà visible avant, il est aujourd’hui criant et cela va laisser des traces.
De façon plus générale, les Français·es de l’étranger sont toujours plus impactés par les crises qu’en France. Nous subissons l’impact du réchauffement climatique aux quatre coins de la planète, la déstabilisation des économies, la montée des inégalités dans de nombreux pays, l’impact des conflits géopolitiques sur les peuples. Nous ne sommes pas que sujets administratifs. Il y a de nouvelles politiques publiques à inventer pour mettre davantage en valeur la diversité des cultures dont nous sommes issu·es et le regard sur le monde que nous portons.
Pouvez-vous nous détailler les grands axes de votre programme pour ces élections ?
Les compétences des conseiller·ères des Français·es de l’étranger sont très locales ce qui limite la mise en place de propositions plus globale sur la politique publique destinée aux Français·es de l’étranger.
Nos listes construisent des programmes de terrain pour renforcer la transparence du service public, mettre en place des dispositifs de veille pour défendre les droits de nos compatriotes, exiger l’exemplarité énergétique des bâtiments de la France, consolider la place des élus dans les instances consulaires, mettre en place des projets d’action citoyenne qui répondent aux besoins exprimés localement : initiatives écologiques, réseau d’acteurs associatifs, réseau d’entrepreneurs, annuaires des Français·es, collectifs contre les violences faites aux femmes, etc.
Ces propositions s’intègrent dans un programme plus général pour les Français·es de l’étranger qui met l’accent sur le renforcement du service public à l’étranger avec l’extension de la protection sociale et la suppression du délai de carence de retour en France, rendue possible par une meilleure répartition des contributions fiscales. La 6e République que nous appelons de nos vœux devra également rapprocher les citoyens de l’assemblée des Français de l’étranger (AFE) et lui donner plus de poids dans les décisions du gouvernement. Nous défendons également une autre façon de coopérer entre les pays en priorisant la diplomatie de la paix et de l’entraide.