La France est un pays de sport, n’en déplaise à ces critiques. Samuel Ducroquet, Ambassadeur pour le sport, le constate au quotidien : « Le sport est certes, un outil de soft power et de rayonnement à l’international mais permet avant tout d’encourager la coopération et le développement des relations avec nos partenaires à l’étranger. » Le diplomate, autrefois en poste au Qatar et au Japon, nous évoque toute la diversité de ses missions mais aussi ses espoirs pour le rayonnement du savoir-faire tricolore à l’international : « je ressens un vrai enthousiasme dans la perspective des Jeux de Paris 2024. »
Qu’est-ce que vos précédentes expatriations vous ont apporté dans vos missions actuelles ?
J’ai d’abord travaillé dans les affaires européennes à Bruxelles et à Paris, avant de partir au Qatar entre 2015 et 2018, en tant que conseiller politique. J’ai eu la casquette de référent sport et cela m’a poussé à creuser cette question du sport et des relations internationales, mais aussi voir l’appui que pouvait apporter nos ambassades à l'étranger pour nos sportifs, pour notre écosystème du sport à l’international. A l'issue de cette mission et dans la perspective de la Coupe du monde de rugby 2023 et des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, qui avaient été attribués à la France pendant ma présence au Qatar, j’ai voulu poursuivre dans cette voie.
Je suis alors parti au Japon comme attaché olympique et conseiller sport. J'ai totalement pris ce dossier à bras le corps. Mon rôle était de faire l'interface entre les équipes de France et le pays hôte des Jeux olympiques et paralympiques et peu ou prou la même chose pour la Coupe du monde de rugby. Surtout, l’expérience japonaise était attentivement suivie par les comités d’organisation de France 2023 et des Jeux de Paris 2024.
Utiliser le sport pour saisir des opportunités en termes d’exposition et de valorisation de nos savoir-faire
Pourriez-vous nous présenter vos missions actuelles ?
Mes missions sont de trois ordres : veiller à la pleine mobilisation du MEAE dans le cadre des grands événements internationaux organisés en France, valoriser ces événements et utiliser le sport comme un outil de coopération et de rapprochement, et enfin, s'appuyer sur le sport pour accroitre notre influence et notre attractivité.
Le premier axe a trait à la pleine mobilisation du MEAE pour accueillir le monde dans les meilleures conditions lors des grands événements sportifs, à commencer par les JOP. C’est ce que font nos services consulaires dans le monde et à Nantes (au sein du consulat olympique) s’agissant des visas. Sur le volet protocolaire également, notre service du cérémonial travaille d’arrache-pied à la préparation de la venue en France de centaines de chefs d’Etat, chefs de gouvernements et autres ministres dans le cadre des Jeux.
Le deuxième axe essentiel d'un ambassadeur pour le sport et de son équipe est d'utiliser le sport pour saisir des opportunités en termes d’exposition et de valorisation de nos savoir-faire sur l'organisation d’un évènement sportif en tant que tel, mais aussi toutes les facettes de cette industrie.
Les grands évènements sportifs internationaux nous permettent de mettre en avant notre audace et notre volonté d'organiser des compétitions spectaculaires tout en affichant les valeurs qui nous sont propres et que nous défendons à dans les enceintes internationales, qu'il s'agisse de responsabilité environnementale, mais aussi de solidarité et d’inclusion.
Nous souhaitons aussi utiliser le sport au-delà de ces grands événements comme un outil de coopération internationale et de rapprochement avec nos partenaires à l’étranger.e. L’Agence française de développement, en sa qualité d’opérateur du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, travaille ainsi sur cette politique de développement par le sport et d’accompagnement à la réalisation des objectifs du développement durable.
Depuis 2018, près de 200 millions d’euros ont été mobilisés par l’AFD dans plus de 45 pays pour accompagner des projets liés au développement d’infrastructures, aux enjeux de gouvernance du sport, sans oublier les questions d’inclusion ou de cohésion.
Le troisième axe concerne le renforcement de l'influence et de l'attractivité de la France à l'international grâce au sport. Cela passe par l’accompagnement de notre filière sport, c’est-à-dire les entreprises françaises qui souhaitent s'implanter davantage à l’étranger. Des Clubs sport ont vu le jour au sein de certaines de nos ambassades comme au Japon, en Chine, au Qatar ou récemment au Sénégal. Les entreprises peuvent se rassembler, partager des informations, et présenter le savoir-faire français.
Vous travaillez main dans la main avec les référents sport au sein des ambassades ?
Les 170 référents sport, répartis dans l’ensemble de notre réseau diplomatique ont un rôle essentiel et sont des collaborateurs extrêmement précieux. Nous les réunissons de manière régulière pour leur présenter l’état de nos travaux, les informer mais aussi entendre leurs besoins. Ils permettent d’alimenter, de conseiller et d’accompagner nos initiatives à l’étranger pour mettre davantage de sport au cœur de notre coopération bilatérale.
Nous avons beaucoup à apprendre des grands évènements sportifs organisés hors d’Europe à l’image de la coupe d’Afrique des Nations (à laquelle j’ai pu assister en Côte d’Ivoire) ou des prochains Jeux olympiques de la jeunesse de Dakar 2026. Ces référents sport au sein des ambassades sont nos yeux et nos oreilles, mais également une partie de notre « bras armé » à l'international pour pouvoir déployer cette diplomatie sportive, en étroite coopération avec nos partenaires dans une logique de réciprocité.
Confier cette mission de diplomatie sportive à un ambassadeur thématique permet également d'incarner cette politique, en France comme à l’étranger.
Dans ce contexte, quelle est la valeur ajoutée d’un ambassadeur thématique ?
Les ambassadeurs thématiques ont cette chance de pouvoir s’appuyer sur l’ensemble des directions et services du MEAE pour mener à bien leurs missions par essence transversale. Confier cette mission de diplomatie sportive à un ambassadeur thématique permet également d'incarner cette politique, en France comme à l’étranger.
Il y a donc un rôle à la fois de représentation et de point de contact qui est essentiel pour la conduite de cette politique. Un des objectifs de Laurent Fabius et de Valérie Fourneyron, quand ce poste a été créé il y a dix ans maintenant, était de faire en sorte que le le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères joue un rôle central s’agissant de l’'influence de la France grâce au sport.
Je pense que l’on peut dire que que le MEAE dispose désormais d’une interface clairement identifiée pour le mouvement sportif français sur tout ce qui a trait au développement du sport à l’international.
Quelle est l’importance du sport dans le soft power français ?
Le sport est un outil protéiforme et très transversal, qui nous permet d'agir dans un grand nombre de domaines. Les grands événements sportifs internationaux sont des projecteurs braqués sur la France : 26.000 journalistes devraient être accrédités, dont 6.000 journalistes internationaux et 1,6 million spectateurs étrangers sont attendus pendant les Jeux olympiques et paralympiques. L'occasion de présenter un visage renouvelé et modernisé, tout en véhiculant des valeurs fortes.
Il faut se réjouir d'avoir ces sportifs et sportives mais aussi des entraîneurs français présents à l'international
Pensez-vous que l’expatriation des athlètes français est un phénomène positif ou plutôt un signe de la fuite des muscles ?
Ces Français et Françaises contribuent à faire briller la France à l’étranger. Ils sont des athlètes émérites qui bénéficient d'une grande visibilité. Il faut donc se réjouir d'avoir ces sportifs et sportives mais aussi des entraîneurs français présents à l'international. Ils illustrent le savoir-faire français à l’étranger et reviennent de leur expatriation, forts d’une expérience nouvelle, dont nous pouvons aussi nous inspirer. otre réseau diplomatique les accompagne , qu’ils soient expatriés de long terme ou de passage et soutient aussi les athlètes de leur pays hôte dans leurs démarches pour venir s’entrainer en France.
Le réseau de la jeunesse est extrêmement précieux pour le déploiement de notre politique du sport à l’international
Le développement par le sport passe-t-il également par la jeunesse expatriée ?
Le réseau de la jeunesse est extrêmement précieux pour le déploiement de notre politique du sport à l’international. Le sport est d’ailleurs la grande thématique choisie par l’Agence pour l’Enseignement français à l’étranger (AEFE) pour l’année 2024. J’ai d’ailleurs pu le constater lors de mon récent déplacement au lycée français Jean Monnet, à Bruxelles, dans le cadre de la huitième édition de la Semaine olympique et paralympique. Comme dans beaucoup d’établissements à travers le monde, les élèves et le corps enseignant ont fait preuve d’une mobilisation extraordinaire. D’autant plus que ces lycéens ne sont pas tous français et que cet accompagnement profite aussi bien aux Français de l’étranger qu’aux communautés étrangères avec lesquelles nous travaillons au quotidien.
Est-ce que vous ressentez déjà un engouement pour Paris 2024 à l’international ?
Absolument. Je le constate systématiquement lorsque je me déplace à l’étranger. C’était le cas récemment au Kenya où j’ai senti un vrai enthousiasme dans la perspective des Jeux de Paris 2024. La cérémonie d'ouverture sur la Seine, les sites de compétitions majestueux comme au Grand Palais, au pied de la Tour Eiffel ou au Château de Versailles, résonnent particulièrement à l’étranger. L’opinion à l’international est rafraîchissante car nous sommes éloignés des tracas du quotidien dont on entend beaucoup parler dans les médias français. Nous espérons que nos ambassades et nos communautés à l’étranger seront mobilisées pour faire vivre ces Jeux, à travers les retransmissions mais aussi des évènements autour des athlètes français et de ceux des pays concernés. Nous nous attendons à une belle fête, un véritable moment de rassemblement.