Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--

Kentin Mahé : “L'expatriation a toujours été une évidence”

Alors que les Jeux olympiques approchent à grands pas, le handball français est l’un des sports les plus attendus. Kentin Mahé en est l’une des figures emblématiques. Fraîchement sacré champion d'Europe, il joue depuis plusieurs années à Veszprem, en Hongrie. Il nous raconte son expatriation et ses ambitions à quelques mois des Jeux de Paris : "Est-ce que les Jeux Olympiques sont dans un coin de ma tête ? Oui forcément, ce serait mentir que de dire l’inverse”

Kentin Mahé en équipe de FranceKentin Mahé en équipe de France
Écrit par Paul Le Quément
Publié le 16 février 2024, mis à jour le 7 juillet 2024

Qu’est ce que représente votre titre de champion d’Europe remporté en janvier dernier ? 

Le titre de champion d’Europe compte beaucoup à mes yeux. La plus grande de mes fiertés est de l’avoir gagné juste devant les yeux de mes enfants qui étaient présents pendant la compétition. Après la finale, j’ai aussi pu partager un moment inoubliable. J’étais sur le terrain après la remise des récompenses avec mon père, ma mère, ma sœur et ma femme. Je suis très fier de ce moment. Au-delà de ça, le fait d’avoir des joueurs qui n'avaient pas encore gagné de titre avec l'équipe de France était d'autant plus spécial. Les voir célébrés m’a rendu très heureux. Je pense notamment à Elohim Prandi, Dylan Nahi et Yanis Lenne. J’en oublie peut-être un ou deux. Cette victoire m’a rendu très fier sur bien des aspects. 

Pourquoi avoir choisi de vous expatrier dans des clubs étrangers plutôt que de rester en France ? 

Mon expatriation en Allemagne n’était pas forcément un choix personnel mais plutôt une décision de ma famille. À l'époque, j'étais encore un enfant. J’arrive en Allemagne à l'âge de neuf ans. Mon père avait signé un contrat dans la petite ville industrielle de Dormagen, entre Düsseldorf et Cologne. Nous avons simplement suivi en tant que famille. Il s'est avéré que nous sommes restés plusieurs années en Allemagne, ce qui n'était pas forcément prévu. J’ai fait tout le cursus scolaire outre-Rhin et j’ai passé mon bac en allemand. Après cette étape, je signe dans un club près de ma ville, le VFL Gummersbach. Ensuite, je signe plus tard à Hambourg puis à Flensburg. 

Donc, pour la première partie de ma carrière, j’ai automatiquement été expatrié en Allemagne avec le choix de mon père. Bien plus tard, je décide de quitter l’Allemagne pour partir jouer en Hongrie, au Veszprem. Je ne suis pas retourné en France, car je n’avais pas eu de propositions contractuelles équivalentes à celles que j'avais en Hongrie. Les conditions du Veszprem étaient meilleures et j’ai renouvelé mon contrat à deux reprises avec eux. 

Kentin Mahé, handballeur français, en plein entrainement

 

Vous êtes actuellement au Veszprem avec d’autres Français comme Nedim Remili. Est-ce que cette “petite bulle” française facilite votre vie en expatriation ? 

Bien sûr, le fait d'être dans un effectif dans lequel je peux parler français dans les vestiaires est un vrai plus. Dans ma profession, je suis beaucoup en voyage avec l’équipe et pouvoir échanger en français est très sympa, et pas qu’avec les quatre Français présents au club. Il y a deux autres joueurs de l’équipe qui parlent couramment la langue. Cela facilite le quotidien. Typiquement, l’humour français est quand même spécial et propre à notre culture. Le fait de pouvoir échanger dans ma langue natale au club est un plaisir que j’ai pour la première fois dans ma carrière. Honnêtement, les Français étaient très rares dans tous les effectifs où j’ai joué auparavant. Alors que, cette année, je me retrouve avec plusieurs d’entre eux à l’étranger. Cela permet aussi de suivre un peu l'actualité française, que ce soit musicale ou autre. Nous échangeons sur plusieurs sujets. Au delà de ça, je peux continuer à peaufiner mon français car ma femme est Allemande. Je parle français à mes enfants, mais ce n'est pas la langue qui domine à la maison. Alors, l'occasion de pouvoir le pratiquer avec les copains à l'entraînement me fait du bien. 

De quelle manière vous êtes-vous habitué à votre vie d’expatrié ?

En tant que sportif, l'expatriation a toujours été une évidence. En plus de cela, une telle aventure me permet de sortir de ma zone de confort. Mais j'avais eu l'occasion de signer en France et j'en aurais été ravi. Tout comme si l'occasion s'était proposée à moi après les JO de Paris. Mais les propositions n'étaient pas au rendez-vous, en tout cas pas comme je le souhaitais. Je ne serais malheureusement pas dans le championnat français à partir de cet été, mais j'aurais voulu que ce soit le cas. 

Kentin Mahé sortant du bus de l'équipe de France

 

Après 6 années, vous partez du Veszprem à la fin de la saison. Que retenez-vous de votre passage dans ce club, que ce soit sur le plan professionnel ou personnel avec votre expatriation en Hongrie ? 

J'en garde de très beaux souvenirs sportifs car c'était l'une des premières raisons pour lesquelles j'étais venu ici. Je voulais jouer la Ligue des Champions et surtout les premiers rôles. Pour être honnête, j'ai découvert un pays que je n'avais pas forcément prévu de découvrir. Si quelqu'un m'avait dit que j'allais passer six années en Hongrie, je ne l’aurais pas forcément cru. Mais cela m’a permis d’élargir un peu ma palette de langue. Je suis assez doué dans ce domaine. Ma grand-mère est suédoise donc je comprends le suédois, mais aussi l'allemand. Je parle couramment l’anglais et le français et j’ai quelques notions d'espagnol. 

En revanche, le hongrois est une langue très compliquée. Nous ne le pratiquons jamais au sein de l'effectif. Pendant un moment nous avons pris quelques cours, mais l’initiative n’a pas duré. Je sais tenir de petites discussions en hongrois, mais rien de plus. Lors de cette expatriation, j’ai aussi eu plusieurs échanges avec l'ambassade de France à Budapest et le lycée français qui m'a demandé de parrainer la semaine olympique et paralympique du 2 au 5 avril. J’avais déjà parrainé cette semaine l’année dernière et j’aime bien être au contact des Français de l’étranger.

Comment envisagez-vous votre avenir, est-ce qu’un retour en Allemagne est envisageable ? 

Oui, je vais retourner en Allemagne. J'ai signé un contrat en Bundesliga. Je ne peux pas encore dire dans quel club, mais ce sera officialisé d'ici quelques jours. J'ai pris cette décision avec ma famille et je suis excité à l'idée de revenir en Bundesliga, que j'ai pu côtoyer pendant plusieurs années auparavant.

Kentin Mahé avec sa médaille d'or au championnat d'Europe de handball

Vous faites partie de la génération dorée du handball avec de multiples titres et médailles remportés. Depuis toutes ces années, avez-vous ressenti une évolution de votre sport en France ?

Je rentre en France seulement pour des stages de préparation. Nous sommes dans une bulle en quelque sorte. Une bulle sanitaire de 2020 jusqu'en 2022. Mais il est clair que l’image du handball s’est réellement améliorée. Je pense que beaucoup de sponsors, régions et politiques se sont intéressés à ce sport depuis tous les titres remportés. En plus, nous continuons de gagner. L’équipe de France féminine a gagné en décembre et nous avons gagné en janvier. Pour l'instant, nous sommes sur le toit du monde et de l’Europe. J'espère que nous allons pouvoir récidiver cet été lors des Jeux olympiques à Paris. 

De manière générale, le handball a beaucoup évolué. Mais, même si la France est un pays passionné de sport, il y a d’autres nations qui rendent hommage à leurs handballeurs d’une manière plus intense. Je pense à l'Allemagne, où le championnat d'Europe était organisé, ce qui a joué aussi en leur faveur. L'exposition est plus importante dans d'autres pays comme le Danemark ou l'Islande qui ont des équipes de très haut niveau. Dans ces pays, le handball prend une grande place médiatique pendant les compétitions.

À quelques mois des Jeux olympiques de Paris, comment vous sentez-vous et quelles sont vos ambitions ? 

Cette question revenait souvent avant et pendant l’Euro. Est-ce que les Jeux olympiques sont dans un coin de ma tête ? Oui, forcément, ce serait mentir que de dire l’inverse pour une aussi grande compétition organisée à la maison. Maintenant, nous avons abordé le championnat d’Europe dans l'optique de le gagner et la mission est réussie. Désormais, il faut se concentrer sur le club et l’aventure en ligue des champions. Mais je me projette au quotidien. Je mets tout en œuvre pour arriver à la préparation des Jeux olympiques en étant frais et dans les meilleures conditions possibles.

Flash infos

    Pensez aussi à découvrir nos autres éditions