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Olivier Cadic : « L'ANEFE, valeur ajoutée pour l'enseignement français à l'étranger »

Olivier Cadic, sénateur des Français établis hors de France et président de l'ANEFEOlivier Cadic, sénateur des Français établis hors de France et président de l'ANEFE
Écrit par Maël Narpon
Publié le 2 novembre 2022, mis à jour le 4 novembre 2022

Ukraine, Taïwan, Royaume-Uni, écoles françaises à l’étranger… le sénateur des Français établis hors de France Olivier Cadic, également président de l’ANEFE, a abordé tous ces sujets dans une interview pour lepetitjournal.com.

 

Olivier Cadic est sénateur représentant les Français établis hors de France. Réélu à cette fonction en 2021, il dispose de nombreuses casquettes telles que celles de président de l’Association Nationale des Ecoles Françaises de l’Etranger (ANEFE) et de vice-président de la commission des Affaires étrangères. Au cours d’un entretien pour lepetitjournal.com, il s’est penché sur divers sujets internationaux allant de la situation en Ukraine à la « fraîcheur démocratique » qu’il a observée à Taïwan, en passant par les missions de l’ANEFE.

 

 

Sénateur depuis 6 ans mais également président de l’ANEFE depuis 9 mois. Que retirez-vous de ces 9 mois qui ont suivi votre prise de fonction en tant que président de l’ANEFE ?

 

Créée en 1975, l’Association nationale des Écoles Françaises de l’étranger (ANEFE) réunit des écoles françaises à qui elle permettait d’obtenir la garantie de l’État pour leurs financements immobiliers. Je succède à André Ferrand qui a conduit l’ANEFE avec beaucoup d’engagement. Je veux d’abord lui rendre hommage. Le vote du PLF2021 a modifié les attributions de ladite garantie dont l’instruction est désormais confiée à l’AEFE.

 

L’ANEFE assure la continuité de la gestion des dossiers en cours bénéficiant de la garantie de l’État. Notre défi est de réinventer une raison d’être pour l’association, fondée sur sa capacité à mettre en œuvre des initiatives concrètes et innovantes pour soutenir le développement de nos écoles.

 

Pour concrétiser cette transformation de l’ANEFE, nous avons d’abord fait évoluer la gouvernance pour lui donner un sens plus collectif. Il y a beaucoup d’expertise et de passionnés de l’enseignement français à l’étranger au sein du bureau et du conseil d’administration qui doivent être en capacité de s’exprimer. L’intervention d’un cabinet juridique a rassuré le conseil d’administration sur la conformité des activités financières passées de l’ANEFE et a ouvert de nouvelles perspectives pour permettre à l’association de rebondir et poursuivre sa mission d’accompagner le financement des écoles françaises à l’étranger.

 

Quelle ligne directrice avez-vous suivi et continuerez à suivre avec l’ANEFE ?

Le conseil d’administration de l’ANEFE souhaite que l’association apporte une valeur ajoutée pour contribuer au développement de l’enseignement français à l’étranger. En matière de financement, nous avons identifié des besoins pour les écoles en création, qui de fait ne sont pas homologuées. En conséquence, elles ne peuvent être couvertes par la garantie de l’État. En aidant les jeunes pousses à constituer leur fonds de roulement ou à obtenir un premier prêt pour se lancer, l’ANEFE complèterait utilement l’action de l’AEFE qui pourrait prendre ensuite le relais vers un prêt garanti par l’État, une fois l’école homologuée.

Un impératif de sécurité juridique impose désormais de prévoir une disposition spéciale dans le code monétaire et financier, afin que l’ANEFE puisse continuer de déroger à l’interdiction relative aux opérations de crédit prévues par le code monétaire et financier. Un amendement a été déposé en ce sens dans le PLF 2023 par la députée Éléonore Caroit (2e circonscription des Français de l’étranger), cosigné par son collègue Christopher Weissberg (1ère circonscription).

 

Comme l’article 49-3 sera probablement déclenché in fine sur l’ensemble du projet de budget de l'État pour 2023, il faudra le déposer à nouveau au Sénat. Assise sur un fondement juridique plus solide, l’ANEFE pourra mieux accompagner le développement du réseau des établissements d’enseignement français à l’étranger, ce qui est impératif au regard de l’objectif fort fixé par le Président de la République du doublement du nombre d’élèves du réseau à l’horizon de 2030.

 

Cela fait un an jour pour jour que vous avez été réélu au poste de sénateur des Français établis hors de France. L’enseignement français à l’étranger est-il lui aussi au centre de votre mandat de sénateur ?

La diplomatie d’influence (enseignement et francophonie) est un des quatre champs de mon intervention aux côtés de la diplomatie parlementaire, diplomatie économique, et dimension consulaire et sécurité des Français de l’étranger. L’enseignement est évidemment un des points clés de mon mandat qui s’appuie sur mon expérience d’élu à l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE). Proposé en 2006 lors de mon élection à l’AFE, nous avons œuvré en mode management participatif sur le projet « Plan école » de 2008 à 2014. Il a permis de créer 2500 places en 7 ans au Royaume-Uni. Une réussite collective dont je souhaite partager l’inspiration.

 

En 1990, lors de la création de l’AEFE, le réseau comptait 499 écoles. Vingt ans plus tard on n’en comptait plus que 470. Lorsqu’Emmanuel Macron a partagé sa volonté de développer le réseau en 2018, l’AEFE n’avait toujours pas réussi à retrouver son nombre d’origine. Le nouvel élan voulu par le Président de la République a permis de passer de 495 à 560 écoles françaises à l’étranger en 4 ans. Mais nous restons sur une croissance annuelle de 3% du nombre d’élèves, ce qui est insuffisant pour atteindre l’objectif présidentiel. Voilà pourquoi, j’attends avec impatience les États généraux de l’enseignement français à l’étranger.

 

J’espère également que le chèque éducation que j’appelle de mes vœux depuis de nombreuses années pour appuyer l’apprentissage du français au travers des écoles FLAM ou des alliances françaises verra le jour à la faveur du nouveau quinquennat. Je suis également investi dans l’organisation des Olympiades des métiers à Lyon en 2024. Ces « Worldskills » transformeront l’image de l’apprentissage en France et offriront de nouvelles perspectives pour notre jeunesse.

 

Vous êtes vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des armées. Quel est votre regard sur ce qui se passe actuellement entre la Russie et l’Ukraine ?

Je suis allé à Kyiv au mois d’avril, invité par le maire de la ville, pour lancer l’espace Europe au sein la mairie avec 5 sénateurs et 4 parlementaires européens. Après avoir défait les Russes à Kyiv et les avoir repoussés hors de leurs frontières au nord, ils les ont contenus à l’est et au sud, et les font désormais reculer. Ils défendent leur liberté et nos valeurs… la démocratie, la liberté d’expression et les droits humains.

 

À Butcha, Irpin et Borodianka, dans un cadre indescriptible de ruines, j’ai vu le résultat d’une folie humaine qui dépasse l’entendement. Cela m’a changé. À Butcha, ville martyre, avec des enfants, nous avons planté des arbres.
Comme les enfants du Londres des années 40, les enfants ukrainiens connaissent désormais les abris, la terreur des bombardements.


 

 

Je suis solidaire de la décision de notre gouvernement et des pays occidentaux de fournir des armes aux ukrainiens pour leur permettre de se défendre. Tout comme je suis fier de l’attitude de nos compatriotes à l’image des présidents de la French Tech de Cracovie et Varsovie qui se sont révélés être d’inlassables créateurs de solutions logistiques pour permettre l’envoi d’aides diverses. Les sanctions et le travail de la diplomatie pour isoler la Russie à l’ONU portent leurs fruits. Tout doit être entrepris pour arrêter cette guerre. L’espérance, le bien, nos valeurs l’emporteront.


 

Vous évoquiez pour Radio Taïwan International la « fraicheur démocratique » de Taiwan. La sentez-vous menacée en raison des tensions avec la Chine ?

Je suis retourné à Taïwan début septembre après le déplacement du mois d’octobre 2021 avec le sénateur Alain Richard, qui avait fait l’objet de menaces de la part de l’ambassadeur de Chine en France. C’est rafraichissant d’aller dans un pays dynamique qui revendique la liberté d’expression, la liberté de la presse, la démocratie, et le choix de ses représentants avec un discours cohérent.

 

Taiwan essuie plusieurs milliers de cyber attaques quotidiennement. Les Taiwanais sont extrêmement bien organisés pour répondre à ces attaques et à la guerre informationnelle destinée à déstabiliser leur démocratie. Ils répondent en deux heures, en 200 mots, et avec humour. Ce pays m’a surpris positivement par sa résilience. Cette démocratie est face à un régime totalitaire qui proclame qu’elle fait partie intégrante de la Chine, au même titre que d’autres territoires environnants qui sont sous souveraineté du Japon, du Vietnam ou des Philippines.

 

Au cours de notre première visite, j’avais déclaré que Taïwan n’était pas seule. La visite de Nancy Pelosi, présidente de la chambre des représentants des États-Unis l’a démontré. Si Pékin tentait un coup de force contre Taiwan, je suis convaincu que cela aurait le même effet que l’attaque contre Pearl Harbor, et entrainerait un conflit international à grande échelle.

 

 

 

Vous avez récemment évoqué la Coupe du Monde de football, pouvez-vous nous résumer votre point de vue vis à vis de la polémique entourant cette compétition ?

La coopération bilatérale entre la France et le Qatar en matière de gestion des grands événements sportifs existe depuis les Jeux asiatiques de 2006. Président du groupe d’amitié France – Pays du golfe, j’ai été rapporteur au Sénat de l’accord de partenariat entre la France et le Qatar relatif à la sécurité de la coupe du monde de football, qui constitue une offre de services de la France, de nature à couvrir l’ensemble du spectre des besoins de sécurité d’un grand événement sportif. Il représente aussi l’opportunité de nous préparer à l’accueil et à la sécurisation de la Coupe du Monde de rugby en 2023 et des Jeux Olympiques de 2024.

 

Une polémique regrettable a suivi une enquête publiée l’an dernier par un quotidien britannique qui dénombrait 6500 morts dans la construction des stades qataris en dix ans. C’est totalement faux. Ce chiffre correspond à un agrégat de tous les décès constatés par les consulats sans distinction de cause, d’âge et de secteur d’activité. Le Qatar coopère depuis 3 ans avec l’Organisation international du travail pour réformer sa législation. Il est le premier État de la région à avoir instauré un salaire minimum pour les travailleurs expatriés non-qualifiés et à avoir abrogé en 2016 le système de la « Kafala », qui oblige l’expatrié à dépendre d’un « parrain », souvent qualifié de « sponsor » et qui peut être une personne physique ou morale. Il y a bien sûr encore des progrès à faire mais l’on voit des avancées grâce à la coupe du monde qui n’étaient pas imaginables par le passé. Je pense qu’il faut encourager et accompagner les démarches de progrès.

 

 

D’autres arguments polémiques environnementaux ont surgi sur la climatisation des stades qui correspondait à un cahier des charges, puisque le mondial devait initialement se tenir en été quand le mercure frise les 50°. Il nous a été fait observer que de notre côté, nous chauffons nos piscines. Ce sera la première fois qu’une Coupe du Monde se tient dans un pays arabe. Tous les matchs se tiendront dans un espace géographique restreint. Nous ferons le bilan à la sortie. Pour ma part, je me rendrai au Qatar au début et à la fin de la compétition, notamment pour évaluer la mise en œuvre de notre accord de coopération et valoriser les remarquables succès commerciaux de la France au Qatar, dans le cadre de la diplomatie parlementaire, auprès des visiteurs venus des quatre coins du monde. Je suis convaincu que nous serons nombreux pour encourager l’équipe de France à défendre son titre et ajouter une troisième étoile à son maillot.