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Eléonore Caroit : « la France a beaucoup à apprendre de l’Amérique latine »

Eleonore Caroit, la députée de la 2ème circonscription des Français établis hors de France à l'Assemblée nationaleEleonore Caroit, la députée de la 2ème circonscription des Français établis hors de France à l'Assemblée nationale
Eléonore Caroit, députée de la 2ème circonscription des Français établis hors de France ©Damien Bouhours
Écrit par Maël Narpon
Publié le 7 septembre 2022

Accompagnement des Français d’Amérique latine, binationalité, protection de la biodiversité et de l’Amazonie, tels ont été les thèmes abordés par Eléonore Caroit, députée de la 2ème circonscription des Français établis hors de France, au cours d’une interview exclusive.

 

Eléonore Caroit est la députée de la 2ème circonscription des Français établis hors de France qui englobe toute l’Amérique latine et les Caraïbes. Ayant elle-même expérimenté la vie d’expatriée et de binationale de bien des manières, en République dominicaine, aux Etats-Unis et également en Suisse, cette avocate de formation affiche une forte volonté de soutenir et d’accompagner les Français de sa circonscription. L’urgence écologique, plus primordiale encore qu’ailleurs avec la présence de l’Amazonie, ainsi que les relations entre l’Amérique latine et la France, font également partie des priorités qu’elle portera tout au long de son mandat.

 

Représenter la France en tant que députée est un honneur, mais représenter les Français d’Amérique latine, où j’ai moi-même grandi, constitue une immense fierté

Que représente pour vous cette fonction de députée des Français établis hors de France ?

Ce mandat de députée des Français de l’étranger est pour moi l’un des plus beaux car nous représentons des Français qui sont très loin de la vie politique française. Cet éloignement n’est pas seulement géographique, il tient aussi de la binationalité d’un grand nombre d’entre eux ou de longues périodes de temps passées à l’étranger. Ces expatriés ont néanmoins un vrai besoin de France et d’être aiguillés dans leurs démarches quotidiennes, car ils ont souvent l’envie de rester français. Représenter la France en tant que députée est un honneur, mais représenter les Français d’Amérique latine, où j’ai moi-même grandi, constitue une immense fierté.

 

Eleonore Caroit, députée de la deuxième circonscription des Français de l'étranger en pleine réunion

 

Quel est votre lien avec cette 2ème circonscription et quelle est son importance selon vous ?

Je suis allée vivre à Saint-Domingue à l’âge de 3 ans, car ma mère est dominicaine. J’y ai passé toute mon enfance, jusqu’au baccalauréat. J’ai donc grandi, comme beaucoup des Français de la 2ème circonscription, en tant que vraie binationale. J’étais à la fois française de l’étranger et aussi dominicaine. J’ai ainsi cette approche que beaucoup de nos compatriotes partagent dans cette circonscription, étant eux-mêmes en grande partie binationaux.

 

D’un autre côté, j’ai également été une vraie expatriée en allant étudier à New York, ce qui me procure une sorte de vision à 360° de ce que signifie être une Française de l’étranger dans différentes circonstances. J’ai aussi vécu à Genève, où j’ai même été naturalisée suisse.

 

Ma circonscription est extrêmement francophile et très en demande de France

Qu’est-ce que votre expérience passée va apporter à votre mandat ?

Les Français expatriés, surtout lorsqu’ils vivent hors de l’Hexagone depuis longtemps et en raison de la distance, perdent un peu ce fil avec la vie politique française et ne se sentent parfois pas légitimes d’y prendre part. Beaucoup de sujets débattus ne les concernent pas. Sachant cela, un des défis que je me fixe est d’aider les Français à se sentir complètement légitimes lorsqu’ils vivent à l’étranger et de les réintéresser à la politique française.

 

Selon vous, qu’est-ce qui fait la particularité de votre circonscription ?

Ma circonscription est extrêmement francophile et très en demande de France. Il s’agit peut-être de celle comportant le plus d’Alliances françaises, comparativement à la zone géographique qu’elle couvre. Il y a ce sentiment très fort plaçant la France comme le pays des droits de l’Homme. Ce pays fait rêver.

 

En tant qu’avocate spécialiste du contentieux international en Amérique latine, j’ai côtoyé un grand nombre d’avocats latino-américains et j’ai pu constater que nombreux étaient ceux qui parlaient français ou l’avaient étudié. De nombreux secteurs de la vie économique en Amérique latine sont très admiratifs de la France. La beauté de cette zone est qu’il s’agit d’une circonscription très éloignée où la France a pourtant un rôle à jouer.

 

Nous nous en rendons compte au moment d’évoquer le développement durable, le changement climatique ou encore la protection de la biodiversité. A travers ces sujets majeurs que je souhaite porter, l’Amérique latine est fondamentale, notamment car elle abrite le poumon de notre planète : l’Amazonie. Plusieurs pays dont nous pourrions nous inspirer y sont d’ailleurs très en avance dans certains domaines. Nos compatriotes de cette circonscription sont également très portés sur le développement durable. Un vrai savoir-faire français s’exporte à l’international dans ce cadre, ce qui est très visible en Amérique latine.

 

Eleonore Caroit, députée de la deuxième circonscription des Français de l'étranger en déplacement en Amérique latine

 

On a pu reprocher à votre prédécesseure d’être déconnectée de la circonscription. Est-ce que cette connexion directe avec les Français d’Amérique latine vous tient à coeur ?

Il est pour moi primordial de bien marquer mon ancrage. Ma boussole pendant mon mandat est de rester proche des Français d’Amérique latine et des Caraïbes car ces Français ont besoin d’être accompagnés et suivis. Je n’opère cependant pas toute seule. Je me repose fortement sur le réseau des conseillers des Français de l’étranger que j’ai impliqués et avec qui j’ai des appels et des rendez-vous réguliers car ils sont en contact direct avec la vie sur place et que les sujets ne sont pas les mêmes partout. L’idée est qu’ils sachent qu’ils ont un relais à l’Assemblée nationale. Je fais par ailleurs beaucoup de terrain. J’étais récemment en Colombie et je repars bientôt pour un circuit entre le Pérou, l’Equateur, le Venezuela, Cuba ou encore le Panama.

 

A la lumière de l’influence grandissante de la Russie et de la Chine en Amérique latine, quels sont les enjeux des relations de cette dernière avec la France et l’Europe ?

L'Amérique latine est une région qui a été très fortement influencée par les Etats-Unis et qui l’est toujours. A côté de ça, il est vrai qu’il y a longtemps eu une influence européenne, et française en particulier, mais qui s’est atténuée car la France s’est tournée vers d’autres continents. L’absence de la France et de l’Europe est comblée par une surreprésentation de la Chine et de la Russie, en raison de leurs investissements.

 

La France a beaucoup à apprendre de l’Amérique latine et l’Amérique latine a beaucoup à apprendre de la France et de l’Europe de manière générale. Je pense qu’il y a une vraie volonté de la part de nos dirigeants de faire plus et de faire mieux avec l’Amérique latine.

 

La transition écologique et énergétique doit être au coeur de mon rapport et des relations entre ma circonscription et mon action à l’Assemblée

L’Amazonie recouvre une grande partie de votre circonscription, est-ce que les enjeux environnementaux et de biodiversité vous touchent particulièrement ?

Je me suis engagée en politique parce que j’ai deux enfants. Comme beaucoup de personnes dans le monde aujourd’hui, je me dis qu’il est de mon devoir d’agir à ma façon pour leur laisser une planète viable. Dans ce but, je m’entoure de personnes qui m’apportent leur expertise technique sur les différents liés aux enjeux environnementaux. J’ai la volonté de faire en sorte que l’on se rende compte qu’il s’agit d’un problème global et à long terme.

 

Enormément de sujets ont également une importance locale à l’échelle de l’Amérique latine. Il y a aussi beaucoup de projets en cours, notamment avec l’hydrogène vert dans plusieurs pays de la circonscription, qui doivent être développés, dans lesquels la France doit s’investir. Je pense qu’il y a beaucoup à faire dans ce domaine-là. La transition écologique et énergétique doit être au coeur de mon rapport et des relations entre ma circonscription et mon action à l’Assemblée.

 

Eleonore Caroit, députée de la deuxième circonscription des Français de l'étranger à l'ambassade de France de Colombie

 

Quelles sont les urgences concernant les expatriés sur place sur lesquelles vous souhaitez agir prochainement ?

Les expatriés sont souvent peints de manière caricaturale, comme je l’ai constaté durant la campagne. Je remarque qu’il y a une diversité de situations et beaucoup de précarité chez les Français de l’étranger. Beaucoup se lancent dans l’aventure seulement avec un sac à dos et ce sans filet de sécurité, ce qui n’aurait pas été le cas en France. J’ai une vraie volonté d’aider les Français qui se trouvent dans des situations de difficulté à l’étranger. L’aide Covid va s’arrêter, ce qui est compréhensible, mais nous nous sommes aperçus que beaucoup de personnes en dépendaient grandement et se retrouvent dans des situations difficiles.

 

Il y a aussi la question de l’accessibilité aux services consulaires. L’Amérique latine est très grande, beaucoup de Français vivent près des zones touristiques ou loin des capitales. Certains doivent parfois se rendre trois fois au consulat ou à l’ambassade pour pouvoir renouveler leur passeport, faute de démarche dématérialisée. Une telle contrainte multiplie considérablement le coût d’un passeport.

 

Une situation assez spécifique s’applique aussi aux personnes nées à l’étranger lors de leur première demande de passeport français. Contrairement aux expatriés nés en France, on leur demande de fournir un certain nombre de preuves de leur nationalité française, ce qui n’est pas évident en fonction du pays dans lequel on se trouve. D’autant que la procédure d’obtention d’ un certificat de nationalité peut prendre plusieurs années.

 

Eleonore Caroit, députée de la deuxième circonscription des Français de l'étranger en déplacement devant l'Assemblée nationale

 

Quel rôle avez-vous à jouer dans le développement des relations entre la France et l’Amérique latine ?

Je conçois mon mandat de façon tridimensionnelle. Je suis députée en France. Je dois donc voter les lois et faire avancer un certain nombre de choses. Je parle beaucoup de l’Amérique latine mais il est vrai que mon mandat reste national. Ensuite, il y a l’aspect consulaire, qui s’intéresse au quotidien des Français résidant en Amérique latine. Enfin, ce mandat me donne l’opportunité d’aider la diplomatie parlementaire à mon niveau pour permettre un rapprochement entre l’Europe et les différents pays de l’Amérique latine. Cela reste délicat car nous ne sommes pas là pour empiéter sur les attributions du Quai d’Orsay, nous ne sommes pas diplomates. Je veux néanmoins servir de pont, permettre à des initiatives de voir le jour et rendre plus visible l’action des Françaises et des Français en Amérique latine.

 

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