Au moins 834 personnes ont été exécutées en Iran en 2023 “pour répandre la peur et réprimer toute contestation” selon les Organisations ECPM et Iran Human Rights. La République Islamique est considérée comme l’un des premiers pays au monde à pratiquer la peine de mort face à une réaction internationale trop timide. Il fait partie d’une liste encore trop longue d'États rétentionnistes.
Le chiffre a presque doublé en une année. 834 personnes ont été exécutées en Iran pendant l’année 2023, contre 582 en 2022, 333 en 2021 et 267 en 2020. Il s’agit du plus grand nombre d’exécutions dans le pays depuis 2015 (972 décès par peine de mort). Ces chiffres glaçants ont été rendus publics par les organisations Ensemble contre la peine de mort (ECPM) et Iran Human Rights début mars 2024 lors de la présentation du rapport annuel de la situation du pays. “Le régime iranien n’a officiellement annoncé que 125 exécutions. Nous avons vérifié chaque exécution, des personnes ont risqué leur vie pour que nous rendions public ce rapport” rappelle Mahmood Amry-Moghaddam - directeur Iran Human Rights.
L'Iran a exécuté au moins 834 personnes en 2023, nombre sans précédent depuis 2015
La République Islamique d’Iran exécute pour propager la peur
Faute de chiffres vérifiés en Chine, l’Iran est aujourd’hui considéré comme l’Etat exécutant le plus au monde par rapport à sa population, mentionne le 16ème rapport annuel sur la peine de mort en 2023, édité par ECPM et Iran Human Rights. Parmi les 834 personnes exécutées pendant l’année 2023, il y a 22 femmes - dont Zarkhatoun Mazarzehi et Samira Sabzian fin décembre 2023 - et 2 mineurs. Selon le rapport, 3 autres cas d’exécutions de mineurs sont en cours de vérification. Les chefs d’inculpation sont principalement pour des faits de drogue (56%), de meurtre (34%), d’inimitié à l’égard de Dieu, de corruption ou de rébellion (5%), d’adultère ou de blasphème (3%), de viol ou d’agression sexuelle (2%).
“Le choix du pardon est courant, ce qui montre que la population n’est pas en faveur de la peine de mort.”
Autre information mise en avant dans le rapport, 20% des exécutions étaient des personnes issues de la minorité baloutche, comme Edris Bilrani, Mohammad Barahouyi Anjomani et Mohammad Karim Barkazayi pour ne citer qu’eux. “Il y a clairement une instrumentalisation politique de la peine de mort” insiste Raphaël Chenuil-Hazan, directeur général d'ECPM en France. “La peine de mort va permettre au régime iranien de lutter contre toute forme de contestation et répandre la peur dans le pays”.
La population adhère-t-elle à ces actes ? “Dans au moins 857 cas de condamnés à mort pour meurtre, les familles des victimes ont pardonné, en vertu des lois du qisas” mentionne Mahmood Amry- Moghaddam. Ces lois islamiques permettent de punir l’individu à peine égale pour le crime commis. Or, si les familles ont pardonné l’acte de meurtre, le condamné devrait - en théorie - ne pas être exécuté. “Le choix du pardon est courant, ce qui montre que la population n’est pas en faveur de la peine de mort.” En 2020, l’ONG Iran Human Rights avait d’ailleurs mené une enquête d’opinion : seuls 14% des Iraniens avaient déclaré être favorables à la peine de mort telle qu’elle est prévue dans l’actuel Code pénal iranien.
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Sont attendues des réactions fortes des pays, notamment de la Suède, dont un ressortissant irano-suédois, Habib Asyoud, a été exécuté en mai 2023 et un autre “prochainement”"
Le régime iranien profite du silence de la scène internationale
Tous les indicateurs sont au rouge : l’augmentation des exécutions - également publiques - , le non-respect des engagements internationaux, la peine de mort de mineurs ou basée sur le genre… et pourtant la scène internationale ne réagit pas assez, dénoncent les ONG. “S’il y a eu des réactions timides en début d’année 2023, tout est retombé au second semestre. Le silence international a un impact direct sur l’augmentation des exécutions. Si on ne le regarde pas, le régime iranien reprend de plus belle la répression par la peur” insiste Mahmood Amry-Moghaddam, directeur Iran Human Rights. Il attend des réactions fortes des pays, notamment de la Suède, dont un ressortissant irano-suédois, Habib Asyoud, a été exécuté en mai 2023 et un autre, Ahmadreza Djalali, pourrait être “prochainement” mis à mort pour fait de corruption (Efsad-fil-arz). “Si un pays réagit, il envoie un signal fort et d’autres suivront.” martèle le directeur de l’ONG.
Plus de 80 exécutions ont déjà eu lieu sur les deux premiers mois de 2024 en Iran
Dernières réactions en date des Nations Unies, en novembre 2023 : l’organisation “exhorte l’Iran à cesser immédiatement d’appliquer la peine de mort et à instaurer un moratoire sur son application” suite aux exécutions de jeunes hommes de 17 et 22 ans, et notamment “en vertu des conventions internationales, d’interdire les condamnations à mort et leur application pour des crimes commis par des personnes âgées de moins de 18 ans” . En janvier 2024, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme, Volker Türk, exhorte à nouveau le gouvernement iranien à décréter un moratoire immédiat : “Près des trois quarts des pays du monde ont déjà aboli ou instauré un moratoire de droit ou de fait sur son application. J’implore les autorités iraniennes de faire de même.”
Depuis, selon Raphael Chenuil-Hazan à notre micro, plus de 80 exécutions ont déjà eu lieu sur les deux premiers mois de 2024 en Iran : “Nous avons observé une accalmie ces trois dernières semaines, juste avant les élections dans le pays. Cela prouve en plus qu’il y a un timing de la peine de mort, comme un instrument de terreur.”
80% des pays du monde n’exécutent plus. Le combat n’est donc pas terminé.
53 pays rétentionnistes dans le monde en 2023
Glaçante réalité en 2023, l’Iran fait partie d’une longue liste d’Etats qui appliquent la peine de mort. Parmi eux, la Chine, l’Inde, la Lybie, l’Egypte, la Malaisie, l’Indonésie, le Nigéria, l’Arabie Saoudite, la Thaïlande, la Biélorussie et certains États américains etc…. S’ajoutent à ces 53 Etats, 26 autres en moratoire sur les exécutions, c’est-à-dire où la peine de mort est encore en vigueur sans l’avoir pratiquée depuis plusieurs années. C’est le cas par exemple de la Russie, l’Algérie, le Niger, le Maroc, le Laos, le Kenya et certains Etats des Etats-Unis. 10 pays dans le monde ont aboli la peine de mort “sauf circonstances exceptionnelles” comme le Brésil, le Pérou ou le Chili. En 2023, 111 Etats ont totalement aboli la peine de mort, selon la carte établie par l’ECPM :
“The more of us they lock up, the stronger we become”. Narges Mohammadi
Pour le dire autrement, 80% des pays du monde n’exécutent plus. Le combat n’est donc pas terminé, porté par de grandes figures internationales à l’image de Narges Mohammadi, journaliste et militante iranienne des droits humains, actuellement détenue en Iran, qui déclarait haut et fort en octobre 2023 : “The more of us they lock up, the stronger we become (plus ils nous enferme, plus nous devenons forts)”. Mentionnons aussi bien sur Robert Badinter, le président d’honneur de ECPM, décédé le 9 février 2024 qui avait pour moteur les mots de Victor Hugo, « On ne doit pas retirer à un être humain la vie ni la possibilité de devenir meilleur », encore inaudibles pour 20% des Etats du monde.