Les Français votaient dimanche pour le second tour des législatives, un scrutin historique dont le Rassemblement national pourrait sortir vainqueur, avec une grande incertitude toutefois sur sa capacité à obtenir la majorité absolue à l'Assemblée et à pouvoir former un gouvernement.
Le taux de participation au second tour des législatives atteignait 59,71% dimanche à 17H00, du jamais vu depuis 1981, preuve de la mobilisation des Français pour ce scrutin historique dont le Rassemblement national pourrait sortir vainqueur, avec une grande incertitude sur sa capacité à obtenir la majorité absolue à l'Assemblée.
Les Français ne s'étaient plus autant déplacés pour voter depuis les législatives qui avaient suivi l'élection de François Mitterrand à l'Elysée, il y a 43 ans.
La participation finale pourrait atteindre voire dépasser 67%, selon les estimations des instituts de sondage Ifop, Ipsos, OpinionWay et Elabe, ce qui serait le taux le plus élevé depuis les dernières législatives anticipées en 1997.
Un seuil déjà franchi dans les départements du Tarn, de Dordogne, du Finistère et de Seine-Maritime, tandis qu'à l'opposé à peine quatre électeurs sur dix s'étaient déplacés en Seine-Saint-Denis.
Cette forte mobilisation s'accompagne d'une fébrilité certaine chez des Français anxieux depuis la dissolution de l'Assemblée nationale qui a bouleversé le paysage politique.
A Lille, Cécile Artis, cadre supérieure de 59 ans, s'inquiète de "la polarisation des opinions publiques", tandis que dans la petite commune de Rosheim près de Strasbourg, Antoine Schrameck, retraité de 72 ans, se dit "angoissé" car "on est à un tournant de l'histoire de la République".
"Il y a beaucoup de tension, les gens deviennent fous", a commenté à Tourcoing Laurence Abbad, retraitée de 66 ans, qui craint des violences dans la soirée après l'annonce des résultats.
Chez les responsables politiques aussi, la cheffe des Ecologistes Marine Tondelier s'est dite "extrêmement inquiète" sur les réseau social X des "menaces d'une violence extrême" contre des manifestations hostiles à l'extrême droite dans la soirée dans plusieurs villes.
Message de "prudence" relayé par le numéro un du parti socialiste Olivier Faure, pour qui "l'extrême droite (...) anticipe sa défaite et appelle à la violence".
-30.000 policiers-
Face à d'éventuels débordements, 30.000 policiers ont été mobilisés, dont 5.000 à Paris.
Du côté de l'Elysée, après avoir voté au Touquet en début d'après-midi, Emmanuel Macron recevra à 18H30 le Premier ministre Gabriel Attal et les chefs des partis de la majorité sortante
Soit une heure et demie avant l'annonce des résultats, sans indication sur une éventuelle réaction du chef de l'Etat après 20H00. Il n'y a "pas de prise de parole envisagée à ce stade", a fait savoir l'entourage du président de la République.
Les électeurs peuvent se rendre aux urnes jusqu'à 18H00 ou 20H00 dans les grandes villes. Soixante-seize députés ont été élus dès le premier tour et il en reste 501 à désigner.
Dimanche dernier, les Français ont placé le Rassemblement national - et ses alliés issus de LR - largement en tête (33%), devant l'alliance de gauche Nouveau Front populaire (NFP, 28%), et le camp présidentiel Ensemble (20%).
Les premiers résultats sont tombés dans certains territoires d'outre-mer, qui ne présument en rien d'une tendance nationale.
La gauche a fait le grand chelem en Guadeloupe, Martinique et Guyane, tandis qu'en Nouvelle-Calédonie, où le scrutin s'est déroulé sans incident notable après les émeutes de mai-juin, un indépendantiste a été élu pour la première fois depuis 1986.
- Nombreux désistements -
Un gouvernement issu de l'extrême droite en France serait une première depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Mais la campagne de l'entre-deux-tours a été marquée par 210 désistements de candidats du camp macroniste et du NFP, au nom d'un "front républicain" revigoré par la perspective d'une nomination du président du RN Jordan Bardella, 28 ans, à Matignon.
Conséquence de ces retraits, la perspective d'une majorité absolue pour le RN semble s'éloigner.
Quelques heures avant la fin de la campagne électorale vendredi à minuit et le début d'une période de réserve, plusieurs sondages donnaient entre 170 et 230 sièges pour le parti lepéniste. Une progression spectaculaire par rapport à leurs 88 députés sortants, mais insuffisante pour atteindre seul la majorité absolue (289 députés).
Encore faut-il noter la fragilité de ces prévisions avec une "cinquantaine de circonscriptions qui se jouent dans un mouchoir de poche", selon le président délégué d'Ipsos Brice Teinturier.
Et, dans quelle proportion les Français suivront-ils les consignes des responsables politiques dans les urnes ?
Marine Le Pen juge "sérieuses" les chances du RN d'avoir une majorité absolue.
- "Au pied du mur" -
Si tel n'était pas le cas, s'ouvrirait après une séquence électorale très éprouvante pour les partis et le pays une période d'incertitudes et d'intenses tractations.
"Chacun sera quelque part au pied du mur pour avancer au service de nos concitoyens" au-delà des "clivages", a relevé le Premier ministre Gabriel Attal, écartant la possibilité de gouverner avec le RN ou LFI, qui ne le souhaitent de toute façon pas.
La droite ne semble pour l'instant guère encline à entrer dans une coalition. A gauche, l'hypothèse fait débat et risque de fracturer la fragile alliance du Nouveau Front populaire.
Retrouvant par la grâce du front républicain son statut de meilleur opposant au "système", le RN a dénoncé par avance des "magouilles" destinées à le priver du pouvoir.
Reste encore l'hypothèse d'un gouvernement technique, comme celui qui avait sauvé l'Italie de la crise de la dette en 2011.
Gabriel Attal s'est en tout cas déclaré disponible pour assurer la continuité de l'Etat "aussi longtemps que nécessaire", une question qui se pose d'autant plus que Paris accueillera les Jeux Olympiques du 26 juillet au 11 août.
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