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Caroline Yadan : « Agir pour la France, défendre la justice et le progrès »

Députée de la 8e circonscription des Français établis hors de France, Caroline Yadan revient sur son engagement contre l’antisémitisme, ses déplacements internationaux et ses priorités parlementaires. « Je souhaite m'engager pleinement sur les enjeux familiaux », confie-t-elle à la rédaction lepetitjournal.com.

Caroline Yadan, Députée de la 8e circonscription des Français établis hors de FranceCaroline Yadan, Députée de la 8e circonscription des Français établis hors de France
Écrit par La Rédaction
Publié le 22 septembre 2025, mis à jour le 26 septembre 2025

 

Lepetitjournal.com : En novembre 2024, vous avez porté une proposition de loi visant à lutter contre les formes renouvelées de l'antisémitisme. Pourquoi cette proposition de loi vous semble-t-elle particulièrement urgente aujourd’hui ?

Madame la Députée Caroline Yadan : Depuis plus de vingt ans, l’antisémitisme connaît une progression alarmante en France. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les actes antisémites recensés par le Service de protection de la communauté juive (SPCJ) ont été multipliés par dix entre 1998 et 2014 – passant de 81 à 851. Le Service central du renseignement territorial relève une tendance similaire sur la même période. 

Au fil des années, toutes les formes de haine se sont manifestées : insultes, tags, profanations de tombes, incendies de synagogues, agressions physiques, et – fait tragique – assassinats. Depuis 2006, onze personnes, dont trois enfants, ont été tuées en France parce qu’elles étaient juives.

 

« Les actes antisémites représentent aujourd’hui 62 % de l’ensemble des faits religieux pour moins de 1 % de la population. »

 

Un basculement d’une ampleur sans précédent est intervenu avec l’attaque terroriste du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023. Depuis cette date, nous ne faisons plus face à une simple recrudescence, mais à une véritable explosion de la haine antijuive. Selon les données du ministère de l’Intérieur, en seulement trois mois après l’attentat, le nombre d’actes antisémites en France a égalé celui des trois années précédentes réunies. Et pour le seul premier semestre 2024, les actes antisémites recensés ont représenté un quasi-triplement en un an. Les actes antisémites représentent aujourd’hui 62 % de l’ensemble des faits religieux pour moins de 1 % de la population.

Dans ce contexte, une partie croissante de nos concitoyens juifs vit dans l’angoisse, choisit de cacher sa judéité, de ne plus scolariser ses enfants dans les établissements publics ou de quitter certains quartiers. Cette peur n’est pas marginale. Elle est le symptôme d’un antisémitisme profondément ancré, qui touche au cœur notre pacte républicain.

Nous avons, ces dernières années, vu l’antisémitisme revêtir de nouveaux visages, en lien étroit avec les tensions géopolitiques actuelles. L’antisionisme est ainsi devenu l’un des principaux vecteurs de cette haine, à travers des amalgames systématiques et une lecture du monde empreinte d’essentialisme et de théories complotistes, le tout alimenté par l’idéologie islamiste.

Aujourd’hui, les Français juifs sont régulièrement assimilés à l’État d’Israël. Ce glissement dangereux justifie, dans l’esprit de certains, des agressions contre des personnes et des biens, des propos violents, voire des appels à la haine. 

 

« C’est contre cet antisémitisme du quotidien, aux formes nouvelles, multiples et insidieuses, que je propose d’agir. »

 

Soyons clairs : il ne s’agit pas de remettre en cause le droit légitime à la critique – qu’elle vise le sionisme, la politique d’un État ou ses dirigeants. Ces débats doivent exister, dans un cadre rigoureux et respectueux de la vérité, du droit et des faits. Mais jusqu’où la liberté d’expression peut-elle aller lorsqu’elle accepte, de manière répétée, des appels à la disparition d’un seul État au monde : l’État d’Israël ?

C’est donc contre cet antisémitisme du quotidien, aux formes nouvelles, multiples et insidieuses, qui est même en train de devenir un phénomène de mode, au nom du progressisme, que je propose d’agir – à la fois fermement, mais aussi très concrètement.

 

Concrètement, quels sont les trois grands axes de cette proposition de loi ?

Face à ces comportements intolérables, qui heurtent les fondements mêmes de notre République, cette proposition de loi s’articule autour de trois grands axes :

  • Renforcer et étendre le champ du délit de provocation à des actes de terrorisme ou d’apologie publique de tels actes.
    L’objectif est de mieux sanctionner non seulement les discours, mais aussi leurs auteurs qui, sous couvert d’idéologie politique ou religieuse, légitiment ou glorifient la violence.
     
  • Créer un nouveau délit spécifique réprimant les propos publics appelant à la destruction ou à la négation d’un État.
    Cette mesure vise à répondre aux appels récurrents à la suppression d’Israël, mais elle a vocation à s’appliquer à tout État reconnu, sans distinction.
     
  • Préciser et élargir le champ du délit de contestation de la Shoah, en y intégrant les apports essentiels de la jurisprudence.
    Il s’agit de renforcer notre droit face aux discours négationnistes - qu’ils prennent la forme d’une négation, d’une minoration, d’une relativisation ou d’une banalisation outrancière - et qui ne cessent d’évoluer pour contourner les sanctions prévues par la loi.

 

Caroline Yadan : une députée engagée auprès des Français en Turquie

 

En quoi consiste votre rôle auprès des ressortissants français ?

En tant que députée de la 8e circonscription des Français établis hors de France, je tiens à exercer un mandat de proximité, fondé sur l’écoute et le dialogue permanent avec nos compatriotes.

Pour cela, j’ai mis en place plusieurs dispositifs concrets. Je tiens régulièrement des permanences en visioconférence, ouvertes à tous les Français établis dans ma circonscription qui souhaitent m’exposer une difficulté ou partager une préoccupation. J’ai également créé une boucle WhatsApp, ouverte à l’ensemble de nos compatriotes résidant dans le pays, afin de faciliter les échanges directs, faire remonter les problématiques locales et relayer les informations utiles liées à mon mandat.

Je me rends régulièrement sur le terrain, afin de rencontrer nos concitoyens, et d’échanger avec les acteurs-clés de la communauté française — qu’ils soient issus du tissu associatif, économique, éducatif, culturel ou institutionnel.

Par ailleurs, j’entretiens un dialogue étroit avec les services de l’État, en particulier les équipes diplomatiques et consulaires, pour identifier les leviers d’action disponibles lorsque la représentation nationale est sollicitée. Chaque fois qu’une problématique concrète est identifiée — comme cela a récemment été le cas s’agissant de la situation de nos retraités français en Italie, confrontés à la problématique de la double imposition —, plusieurs moyens sont à ma disposition pour relayer ces préoccupations et porter la voix de nos compatriotes.

 

Quelles garanties de sécurité la France peut-elle offrir à ses ressortissants expatriés ?

La sécurité de nos compatriotes établis à l’étranger est une priorité absolue de l’action de la France. Elle repose d’abord sur un réseau diplomatique et consulaire de proximité : nos ambassades et consulats sont les premiers relais en cas de difficulté. Ils disposent de cellules de crise et travaillent en lien direct avec le Centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Je tiens à saluer le travail remarquable des agents consulaires, entièrement dévoués à accompagner nos compatriotes, notamment lors de la récente guerre entre l’Iran et Israël.

En tant que députée, je veille à relayer les préoccupations de sécurité exprimées par nos concitoyens afin que le Gouvernement adapte ses dispositifs de protection aux réalités du terrain. Lors de la récente guerre avec l’Iran, au mois de juin dernier, mon équipe et moi-même nous sommes mobilisés sept jours sur sept et plus de quatorze heures par jour, en lien avec le consulat et le ministère des Français de l’étranger, pour permettre aux personnes qui n’avaient plus de vols retour de pouvoir être rapatriées dès que le dispositif a été mis en place.

Enfin, au-delà des situations d’urgence, garantir la sécurité de nos compatriotes, c’est aussi assurer une protection juridique et administrative : faciliter les démarches d’état civil, protéger les droits sociaux, scolaires et professionnels, et lutter contre toute forme de discrimination ou d’atteinte aux droits fondamentaux.

 

« La solution à deux États reste, à mes yeux, la seule issue durable. »

 

Selon vous, quelle devrait être la priorité de la diplomatie française au Proche-Orient ?

Bien sûr, la paix demeure l’horizon durable de la diplomatie française au Proche-Orient. Mais cette paix exige lucidité et responsabilité : elle ne peut reposer sur l’émotion seule, ni sur des compromis fragiles.

Le pogrom du 7 octobre, par sa barbarie, nous rappelle une vérité brutale : il n’y a pas de paix sans sécurité. La libération immédiate et inconditionnelle des otages, la démilitarisation du Hamas, son exclusion de toute gouvernance future d’un État palestinien, une réforme profonde de l’Autorité palestinienne, la reconnaissance mutuelle des deux États et le respect du droit d’Israël à vivre en sécurité sont des conditions indispensables. 

Un cessez-le-feu sans ces garanties ne serait pas une paix, mais un simple sursis. Exiger d’Israël qu’il cesse unilatéralement les combats, sans alternative crédible pour empêcher un nouveau 7 octobre, reviendrait à condamner ses citoyens à vivre sous une menace existentielle permanente - ce qu’aucune démocratie au monde n’accepterait. C’est pourquoi nous devons être intransigeants face aux groupes terroristes tels que le Hamas, le Hezbollah ou les Houthis, qui ne menacent pas seulement la sécurité d’Israël mais aussi la stabilité du monde entier, comme l’a démontré la récente guerre entre Israël et l’Iran.

La solution à deux États reste, à mes yeux, la seule issue durable. Mais la reconnaissance d’un État palestinien ne peut intervenir qu’à la condition que ces exigences soient respectées. C’est la raison pour laquelle je me suis clairement distanciée des récentes annonces du Président de la République en ce domaine.

La paix ne peut être construite ni sur le silence, ni sur une indignation à géométrie variable. Elle exige clarté, courage et engagement. Je continuerai, dans mon rôle de députée de la 8ᵉ circonscription des Français établis hors de France, à porter cette voix-là.

 

Vous vous êtes rendue à Rome et au Vatican le 9 septembre dernier. Que retenez-vous de ce déplacement ?

Du 9 au 12 septembre 2025, j’ai participé à une mission parlementaire au Vatican sur le thème : « Le Saint-Siège face aux défis technologiques contemporains : quel Rerum Novarum pour le XXIᵉ siècle ? ».

La réflexion du Saint-Siège sur les défis technologiques contemporains, menée dans une perspective à la fois éthique et universelle, a été au cœur de ce déplacement. Avec Paolo Ruffini, préfet du Dicastère pour la Communication, nous avons abordé la lutte contre la désinformation et les réseaux sociaux, tandis que Mgr Philippe Curbelié, du Dicastère pour la Doctrine de la foi, a présenté la note doctrinale Antiqua et nova, qui propose un cadre pour l’intelligence artificielle tout en réaffirmant la primauté de la dignité humaine.

L’audience générale du pape Léon XIV, sur la place Saint-Pierre, a constitué un moment fort. À l’approche de la commémoration de la déclaration Nostra Aetate, j’ai tenu à souligner auprès du Saint-Père l’importance renouvelée de l’amitié judéo-chrétienne, dans un contexte où les Juifs sont de nouveau victimes de persécutions à travers le monde. 

 

Quels seront vos prochains déplacements ?

Dans les semaines à venir, je prévois un déplacement en Italie, et plus particulièrement à Milan, où réside une importante communauté française. Je me rendrai également à Saint-Marin, pays que je n’ai pas encore eu l’occasion de visiter dans le cadre de mon mandat. Enfin, je compte retourner en Israël au cours des mois d’octobre ou de novembre, sous réserve bien sûr de la compatibilité avec l’agenda parlementaire.

 

« De nouveaux chantiers s’ouvrent : je souhaite m'engager pleinement sur les enjeux familiaux. »

 

Quelles sont vos priorités en cette rentrée parlementaire ?

Cette rentrée se déroule dans un contexte politique particulièrement troublé. La chute de François Bayrou et de son gouvernement, la nomination de Sébastien Lecornu comme Premier ministre, ainsi que la menace de dissolution qui plane toujours, créent une atmosphère tendue, pour le moins que l’on puisse dire. À cela s’ajoutent de fortes interrogations sur la capacité du Parlement à adopter un budget d’ici au 31 décembre 2025, ce qui pourrait avoir des conséquences majeures sur la vie de nos concitoyens et sur la dette de la France.

Malgré cette situation, je reste concentrée et déterminée, comme je l’ai toujours été depuis mon élection, pour porter des combats concrets et utiles. De nouveaux chantiers s’ouvrent : je souhaite m'engager pleinement sur les enjeux familiaux, en particulier le soutien aux familles monoparentales et la simplification de la sortie de l’indivision en cas de divorce. Je continuerai également à défendre les droits des Français établis à l’étranger, dans le cadre du projet de loi qui leur sera spécifiquement dédié au cours des prochains mois, notamment pour tout ce qui concerne le renforcement de la protection sociale, l’aide au retour définitif en France et la simplification administrative.

 

Vous organisez également un webinaire sur les violences intrafamiliales. Que souhaitez-vous apporter avec cette initiative ?

Ce temps d’échange s’adressera aux Français résidant à l’étranger, ainsi qu’aux conseillers des Français de l’étranger, associations et services consulaires de ma circonscription. Il vise à présenter de manière très concrète les moyens disponibles, à fournir des contacts pratiques et à permettre à nos compatriotes de mieux savoir vers qui se tourner en cas de violences intrafamiliales.

 

« Agir pour la France, défendre la justice et le progrès : c’est l’engagement de toute ma vie. »

 

Quel message souhaiteriez-vous adresser aux Français de la 8e circonscription des Français établis hors de France ?

Vous m’avez élue pour être une députée proche de vous, à votre écoute, efficace, mais aussi engagée et indépendante. Ces trois principes - proximité, engagement, indépendance - guident chacun de mes choix.

Je sais combien vous avez besoin d’un lien avec vos institutions, d’un relais attentif à vos préoccupations. C’est ce rôle que j’assume chaque jour, et je vous redis ici : n’hésitez jamais à me contacter. Je me mobilise concrètement pour faire avancer les dossiers qui vous concernent - la double imposition des retraités en Italie, l’équivalence des diplômes, l’accès à la protection sociale, les démarches d’état civil ou encore la scolarisation des enfants. Trop souvent, les dispositifs restent complexes ou inadaptés à la vie à l’étranger : c’est là que j’interviens pour porter votre voix.

Vous savez aussi que je reste libre dans mes choix et fidèle à mes convictions. Je porte plusieurs combats qui me paraissent essentiels, au nom des valeurs universelles qui nous rassemblent : la lutte contre l’antisémitisme, et la défense des droits des femmes, notamment en Iran et en Afghanistan.

Jusqu’au dernier jour de mon mandat, je resterai pleinement engagée à vos côtés et au service de notre pays. Agir pour la France, défendre la justice et le progrès : c’est l’engagement de toute ma vie.

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