Le gouvernement a annoncé au début du mois de mars la réduction de 900 millions d’euros de budget au sein du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Une privation qui a créé de vives réactions chez les élus des Français de l’étranger. De quelle manière ce serrage de ceinture surprise impacte-t-il les programmes destinés aux communautés françaises à l’international ?
10 milliards d’euros d'annulation de crédits en 2024, puis de nouvelles évaluées à 20 milliards d’euros en 2025, voilà ce que le ministre des Finances Bruno Le Maire a récemment annoncé pour réduire la dette française. Ces économies budgétaires ne sont pas passées inaperçues au sein de certaines oppositions politiques et associations, notamment parmi les élus des Français de l’étranger. Ces derniers s’inquiètent d’une privation de 174 millions d’euros d’annulation de crédits dans les programmes destinés aux communautés françaises, aux affaires consulaires, à la diplomatie culturelle - et plus globalement aux actions de la France en Europe et dans le monde.
Suite à ces annonces, l’association des Français du monde ADFE est aussi montée au créneau pour pointer des annulations de crédits qui “touchent la plupart des ministères et des opérateurs de l’État dans leurs missions d’enseignement, de recherche, de développement durable, de santé, d’actions sociales.” Préoccupée, l’association Les Français du monde ADFE a demandé dans une lettre adressée au ministre délégué aux Français de l’étranger Franck Riester “un éclaircissement sur l’impact sur les postes consulaires et sur les budgets destinés aux bourses scolaires et universitaires.”
J'ouvre aujourd'hui la 40ème session plénière de l'Assemblée des Français de l’Étranger.
— Franck Riester (@franckriester) March 18, 2024
Élus, conseillers, parlementaires : travaillons ensemble pour sécuriser, simplifier, moderniser la vie de nos concitoyens dans le monde entier, et faire nation 🇫🇷.#AFE pic.twitter.com/T9k9MoJqbr
Le gouvernement évoque des coupes budgétaires sur les réserves
Naturellement interrogé sur les coupes budgétaires par différents groupes politiques en ouverture de 40ème session de de l’AFE à Paris, Franck Riester insiste sur la politique conduite par le gouvernement “qui vise à améliorer la compétitivité du pays, baisser ou maintenir la fiscalité, miser sur l’innovation, simplifier la vie des compatriotes”. Le ministre ajoute que tout cela doit s’inscrire “dans un cadre budgétaire de réductions des déficits et de la dettes auxquelles nous sommes très attachés. Cela nécessite parfois des efforts budgétaires. Chacun doit faire des efforts”, déclare-t-il le 18 mars 2024 devant les conseillers des Français de l’étranger.
Franck Riester revient alors sur différents points. En ce qui concerne le budget 151, - Français de l’Étranger et Affaires Consulaires qui couvre les dépenses de personnel et de fonctionnement du réseau consulaire ainsi que l’enveloppe de bourses scolaires -, le ministre évoque que 8 millions ont été retenus sur le titre 2 (dépenses du personnel) et 3,5 millions hors titre 2 (enveloppe des bourses scolaires), rappelant que ce budget avait reçu une augmentation sans précédent dans la loi de finances initiale 2024. Un effort qui permet, selon le gouvernement, “de ne pas supprimer d’ETP (Equivalent Temps Plein) dans les services consulaires”. Le ministre annonce vouloir maintenir la création de 20 ETP et le redéploiement de 10 ETP en 2024. “les économies, si je puis dire, seront réalisées sur les budgets de réserve, qui sont toujours prévus dans un budget.”
Autre point abordé, le programme 105, Action de la France en Europe et dans le monde, qui regroupe les moyens de l’action diplomatique de la France et ses crédits de fonctionnement. Il supporte également une part des contributions versées par la France aux organisations internationales. Franck Riester annonce que le budget de réserve sera mobilisé pour réaliser des économies. “Nous aurons aussi un impact sur la gestion d'un certain nombre de frais de fonctionnement et aussi au niveau de la direction des immeubles et la logistique” ajoute-t-il. Concernant le programme 185, “les coûts sont très limités et représentent 3 millions d’euros pour l’AEFE, soit 0,7% du budget.” Il y a aussi un effort demandé à l’Institut Français à hauteur de 850.000 euros et à Campus France à hauteur de 1,38 million d’euros. “Une trésorerie permettra d’en faire face à n’en pas douter” conclut le ministre sur les coupes budgétaires, promettant de revenir sur le sujet pendant la semaine de l’AFE et selon les interrogations des Conseillers.
Les inquiétudes sont principalement apparues dans le camp écologiste. Renaud Le Berre, Président de la Commission des Finances de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) a été un des premiers à partager son mécontentement lit-on sur Lesfrançais.press : "Cette baisse est inquiétante et contredit les annonces et les promesses faites".
Interrogée sur ces annulations de crédits, la sénatrice représentant les Français établis hors de France, Mathilde Ollivier nous a aussi fait part de sa préoccupation : “La communication du gouvernement affirme que cette annulation n'aurait aucun impact, c'est faux et c'est trompeur ! Contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, qui minimise l’impact de ces annulations parce qu'elles seraient prises essentiellement sur ce qu'on appelle "la réserve de précaution" et sur les crédits de titre 2 qui portent sur les ressources humaines.”
Tenant à éclaircir ce sujet, la sénatrice EELV développe : “La réserve de crédits, ce n'est pas un "extra" que l'on peut supprimer sans conséquences. Budgétairement, c'est un filet de sécurité important pour faire face aux aléas et aux dépenses imprévues. C'était le cas l'an dernier ! En supprimant ce filet de sécurité, le gouvernement met en péril la capacité de nos services à répondre à des situations exceptionnelles. Il est crucial que le gouvernement fasse preuve de transparence et de sincérité dans sa communication sur ces questions.
Un autre point regrettable, c'est celui du débat, de l'échange. Ces coupes sont décidées sans contrôle parlementaire. On parle de 10 milliards d’euros ! Sans compter les 20 milliards annoncés pour l'été. Mais nos demandes précises sur les impacts sur les programmes budgétaires en détail - quelles lignes, quelles activités, pour quels montants - restent sans réponse depuis un mois. Cette pratique entrave la capacité des élus à orienter les politiques publiques. Je suivrai cela de près.”
💸Commission des finances 💸
— Karim Ben Cheikh (@K_BenCheikh) March 7, 2024
Ma question à @BrunoLeMaire (et sa réponse hors sol) sur la baisse inédites des crédits du MEAE⤵️ pic.twitter.com/N2AQo1A3Xc
Frédéric Petit, député de la 7e circonscription des Français établis hors de France, s’est, quant à lui, insurgé face aux réponses des oppositions : “Parler de coupes budgétaires est absurde.”. Représentant de la majorité présidentielle, il a tenu à vérifier que les “compatriotes établis à l’étranger ne seraient pas pénalisés par ces annulations de crédits”. Et son résultat est sans appel : “tous les budgets de la mission extérieure de l’État augmentent pour la quatrième année consécutive.” Frédéric Petit ajoute qu’“aucun poste consulaire existant ne sera touché, les 130 nouveaux postes déployés dans le réseau seront effectivement déployés.”
Le seul domaine qui semble être impacté, au-delà de la réserve légale, vient alors “de la réduction d’environ 700.000 € dans le domaine de l’aide publique au développement (APD).” Cela ne concerne pas directement les crédits évoqués plus haut, et “n’impacte absolument pas nos concitoyens établis à l’étranger”, précise le député dans un communiqué.
Vrai ou faux problème, les élus de la majorité ont souhaité rapidement éteindre la brèche tout en évitant de prononcer - à tout prix - l’expression “coupe budgétaire”. Cette “annulation de crédits” - qui est, quant à elle, bien factuelle - pourrait cependant présager de nouvelles restrictions à l’avenir.