Les Français sont râleurs, c’est connu. Mais se plaindre n’est-il pas finalement une attitude d’expatrié, quelle que soit sa nationalité ? Nous vous donnons quelques conseils pour limiter votre empreinte négative et enfin profiter de cette chance !
Les Français sont certainement les champions du monde des râleurs. Pourtant, ils sont loin d’être les seuls. Une catégorie d’êtres humains semble remporter la palme et ce, peu importe sa nationalité : les expatriés. Dans un article publié sur Nikkei Asia et traduit par Courrier International, la journaliste indienne Pallavi Aiyar, correspondante de presse et donc serial expatriée, s’indigne de l’attitude ingrate de nombreux ressortissants étrangers. « J’ai passé une bonne partie de ma vie en expatriation et j’ai vécu dans des pays très différents, notamment en Chine, en Indonésie et au Japon. Et le plus grand enseignement que j’ai tiré de toutes ces années, c’est que les expatriés ne se distinguent pas par la couleur de leur peau, leur accent ou leur maîtrise d’une langue étrangère, mais par leur tendance à râler en dépit de leur situation généralement confortable », explique-t-elle.
Embouteillages, administration, papier toilette… les expatriés râlent !
Alors qu’elle a réellement apprécié ses différentes expatriations, la journaliste liste les plaintes réelles ou ridicules qu’elle a pu entendre : les embouteillages monstres à Pékin et à Jakarta, la saleté des rues (un peu partout), le fait de ne pas pouvoir jeter son papier toilette dans la cuvette en Chine, les vols à Bruxelles, la xénophobie des Japonais, les difficultés des services en Asie…
En tant qu’expatrié pendant 13 ans, en Norvège, au Laos et en Thaïlande, j’ai également connu mon lot de râleries de la part d’autres ressortissants étrangers. Le froid en Norvège n’avait d’égal que la difficulté de s’y faire des amis. Le Laos est un pays qu’il faut préserver du tourisme de masse mais qui ne propose pas assez de confort moderne. Quant à la Thaïlande, les expatriés détestent les embouteillages de Bangkok et la pollution mais prennent un taxi dès qu’il faut faire 10 minutes de marche sous la chaleur moite… J’ai bien entendu partagé certaines de ces remarques contradictoires et j’ai également émis des jugements sur des pays qui m’avaient pourtant ouvert leurs bras. Mais est-ce que morfondre est pour autant inéluctable ?
Comment arrêter de se plaindre ?
L’histoire française est marquée par les luttes, les grèves et donc les râleries. Alors faut-il complètement arrêter de se plaindre pour profiter de la vie ? Si certains combats sont nécessaires, faut-il pour autant s’en prendre à un pays dont on ne connaît pas bien l’histoire, les codes ou encore la manière de vivre ? Le problème n’est pas tant de se plaindre d’une situation en particulier, qui nous mine le moral sur le coup, ou de râler sur le moment d’un imprévu, mais bien d’émettre un jugement très généraliste, et souvent condescendant sur son pays d’accueil et ses habitants.
Pour Cécile Lazartigues-Chartier, fondatrice de L'art et la manière - Conseil en Interculturel, il faut « développer notre muscle interculturel en mettant en place une stratégie en tant qu'expat pour mieux profiter de son expatriation ». La spécialiste évoque cinq étapes :
1- Prendre un temps d'arrêt au lieu de foncer, de râler et de juger dans la foulée
2 - Regarder le factuel, prendre de la distance avec l'émotion avant de poser un jugement
3 - Se décentrer
4 - Accepter que nous ayons des préférences (souvent culturelles) et de voir l'écart entre nos préférences et la réalité sur ce nouveau territoire
5 - Chercher comment réduire cet écart pour que je me sente bien ET que ce soit en connexion avec cette nouvelle réalité !
Reconnaître ses privilèges
Saviez-vous que si vous touchez 2000 euros par mois, vous faites partie des 48% des Français les plus riches, et même des 15% des personnes les plus aisées au monde et que seulement 11% de la population mondiale a déjà pris l’avion ? Comme dans beaucoup d’autres situations, il est plus facile de relativiser lorsque l’on se rend compte de la chance que l’on a. Comme le précise Pallavi Aiyar : « les expats comptent parmi les personnes les plus chanceuses sur Terre et on leur donne la possibilité d’observer le monde dans des conditions matérielles privilégiées. Tout gâcher en listant ce qui manque quelque part, au lieu d’admirer tout ce qu’on y trouve, est une ingratitude criminelle. »
Arrêter l’entre-soi
Et si vous profitiez de votre séjour à l’étranger pour vous faire des amis locaux, pour apprendre la langue du pays et pour vous plonger réellement dans la culture locale ? Beaucoup d’expatriés, souvent par peur mais aussi parfois par dédain, ne font pas l’effort de mieux comprendre le pays qui les accueille. Évitez de passer toutes vos journées uniquement avec des Français, en ne parlant que français et en ne regardant que les séries que vous pourriez voir à la maison. Même si certaines destinations sont plus hostiles ou compliquées que d’autres, faites un pas vers ce pays que vous apprendrez à aimer.
Prendre de la distance et voir le positif
Si c’est parfois un « changement de paradigmes pour les Français » comme le souligne non sans humour la spécialiste de l’interculturel, il faut que les expatriés choisissent « consciemment de voir le positif, d'accepter d'être déstabilisé, de ne pas se prendre au sérieux et d'oser l'aventure avec ferveur et bienveillance pour les autres, le nouveau pays, mais aussi pour soi. » Un avis partagé par la correspondante indienne : « Quand on voyage, il faut quitter son chez-soi physiquement, mais aussi mentalement. On peut s’extasier n’importe où. On trouve des trésors partout. Et il y a partout de précieux enseignements. Il suffit de chausser les bonnes lunettes pour regarder autour de soi. »
Cette positivité pourrait d’ailleurs vous sauver la vie ! D’après les travaux du psychiatre américain Steven Parton, arrêter de se plaindre éviterait bon nombre de pathologies (diabète, problèmes cardiaques, déficience du système immunitaire…). Ses études démontrent que le cerveau s’habitue à un cheminement de pensée répétée. Plus on pense de manière négative, plus cela deviendra comme une seconde nature pour notre cerveau qui générera donc davantage de pensées négatives. Or, ces idées noires sont génératrices de stress, qui libère de la cortisol, une hormone qui nuit gravement à la santé. Alors maintenant que vous y pensez, ces embouteillages ne sont peut-être pas si graves ?