A moins de quatre mois de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques à Paris, les polémiques s’enchaînent. Toute nouvelle mesure ou toute nouvelle révélation sont matière à discussion depuis deux ans.
Depuis 2022, tout semble discuté et discuté : le futur prix des tickets de métro pendant l’été, les athlètes qui porteront le drapeau tricolore, l’artiste qui chantera à la cérémonie d’ouverture, l’affiche officielle ou encore les billets offerts pour la cérémonie d’ouverture. Il y a aussi le salaire annuel de Tony Estanguet, les déplacements de personnes sans domicile fixe hors de Paris, l’éthique des Jeux ou encore l’empreinte écologique de certaines épreuves olympiques…Retour sur les polémiques qui se succèdent depuis deux ans.
Emplois illégaux pour les préparations des JO à Paris
La première polémique date d’octobre 2022 quand des travailleurs sans papiers ont débarqué sur le chantier de l’Adidas Arena (Porte de la Chapelle). Ils dénoncent alors les salaires, les conditions de travail et la non régulation de leur statut. L’emploi illégal de ces travailleurs sans-papiers rappelle les polémiques sur les conditions de travail dénoncées pendant la préparation des infrastructures pour le Mondial de football 2022 au Qatar. Une enquête a depuis été ouverte par le parquet de Bobigny, après une plainte de la Solideo, notamment pour "emploi d'étrangers sans titre de travail" et "exécution en bande organisée d'un travail dissimulé". Les organisateurs des Jeux, qui les espéraient exemplaires, se retrouvent dans l’embarras.
Polémiques d’argent, du ticket de métro au salaire de Tony Estanguet
Un an plus tard, en novembre 2023, c’est la hausse du prix du ticket de métro qui secoue les parisiens et les touristes. Le ticket initialement à 2,15 euros coûtera désormais 4 euros. Le but est de trouver une solution pour ne pas asphyxier les transports pendant les 16 jours de festivités sportives - entre les travailleurs parisiens, les touristes étrangers et les visiteurs des Jeux. Il y a quelques jours, Valérie Pécresse est revenue sur cette mesure pour justifier ce nouveau tarif. « Il a un but dissuasif » visant à désengorger les guichets et les métros. « Il est fixé à quatre euros pour que personne n’en achète » a assuré la présidente du Conseil régional d’Ile de France.
L’année 2024 n’est pas non plus en reste de controverses. Début février, par exemple, le Parquet national financier a ouvert une enquête sur Tony Estanguet, le directeur des Jeux 2024. On questionne sa rémunération annuelle jusqu’en 2020 - il aurait perçu chaque année 270.000 euros bruts, une somme supérieure à ce qu’autorise la loi. Tony Estanguet s’est défendu : “Je ne décide pas de ma rémunération ni de son cadre.” lors de l’inauguration de la piscine Annette Kellerman à La Courneuve le 6 février 2024.
Les polémiques des JO propagées par la droite
Deux polémiques font particulièrement couler de l’encre : les rumeurs sur l’artiste qui chantera lors de la cérémonie d’ouverture et l’affiche officielle des Jeux. Leurs points communs ? Elles dérangent principalement à droite de l’échiquier politique car ni Aya Nakamura ni l’affiche dessinée par Ugo Gattoni ne représenteraient pour eux la France.
Pourtant, son rayonnement à l’étranger fait d’elle la chanteuse francophone la plus écoutée à l’international. Rien n’a été confirmé ou démenti jusqu’à présent, ni par le Président ni par la chanteuse elle-même. Mais sur les réseaux sociaux, l’artiste reçoit de nombreux commentaires racistes. Un groupuscule d'extrême droite, “Les Natifs”, défile dans Paris pour partager son mécontentement.
Vous pouvez être raciste mais pas sourd 🧏.. C’est sa qui vous fait mal ! Je deviens un sujet d’état numéro 1 en débats ect mais je vous dois quoi en vrai ? Kedal https://t.co/rgnGeAAOfD
— Aya Nakamura (@AyaNakamuraa) March 10, 2024
Ses fans ainsi que certaines personnalités politiques se sont offusqués sur les réseaux sociaux, comme Rachida Dati qui lui a apporté son soutien.
Le dessin, quant à lui, réunit les Jeux Olympiques et Paralympiques sur un même plan. Une première ! Il y a tellement de détails quand on regarde vraiment les 2000 heures de travail : 40.000 personnages - de toutes les couleurs, de tous les genres, en fauteuil roulant et de nombreux sports représentés. Cependant, des personnalités de droite et d'extrême droite comme Eric Ciotti ou Marion Maréchal, pointent l’absence du drapeau français et de la croix au-dessus du dôme des Invalides. Ils reprochent à l’artiste d’avoir voulu « effacer » la croix et « invisibiliser » le drapeau tricolore. Selon le comité, « les seuls impératifs du cahier des charges du Comité international olympique sont la présence du logo de l’édition, le numéro de l’olympiade ainsi que les dates des Jeux. » Pour le reste, le dessinateur est libre et rien ne lui est imposé. « C’est une représentation qui n’est ni exhaustive, ni fidèle à la réalité : la vague de Tahiti est au large de la marina de Marseille et la tour Eiffel est rose – sans que cela ne doive faire l’objet d’interprétations à visée politique » précise le Comité d’organisation des Jeux de Paris.
Les sportifs et les Parisiens ont aussi leur lot de controverses
Plus récemment, deux annonces ont énervé les sportifs et le public provincial. Les critères pour porter le drapeau tricolore ont été dévoilés et de grands noms du sport français - Teddy Riner, Clarisse Agbegnenou ou Kylian Mbappé pour ne citer qu’eux- , se retrouvent exclus de la liste des candidats. Il y a également la distribution des 220.000 billets gratuits réservée uniquement aux parisiens et parisiennes. L’argument « C’est plus facile de faire venir les gens (qui habitent) à côté » apporté par Pierre Rabadan, adjoint parisien chargé des Sports, déplait hors d’Ile de France, alors que plusieurs épreuves ont lieu ailleurs - à Marseille, à Châteauroux ou encore à Lyon. La ville de Châteauroux y voit un « mépris parisien ».
Des transferts de personnes sans-abris en province
La polémique qui revient le plus régulièrement sur le devant de la scène depuis plus d’un an, est l’arrivée régulière de cars remplis de personnes sans domicile fixe en province, depuis Paris. Ces « sas d’accueil » prennent place dans toutes les régions de France. Le 25 mars 2024, c’est le maire d’Orléans qui dénonçait leur arrivée, en masse et « en catimini » toutes les trois semaines depuis 2023 au micro de RTL. Paul Alauzy, porte-parole de « Revers de la médaille », un collectif de 60 associations d’aide aux personnes précaires y voit une tentative de « nettoyage social » des rues de la capitale à l’approche des Jeux.
Une épreuve des Jeux 2024 à 16.000 kilomètres de Paris
Enfin, le débat s’ouvre de plus en plus sur l’empreinte écologique de certaines épreuves qui se déroulent à l’autre bout du monde alors que Paris met en avant ses références en matière de développement durable… comme les épreuves de surf par exemple à 16.000 kilomètres de la ville olympique… Même si ces sites ne proposent pas aux surfeurs olympiques d’affronter les plus grosses vagues du monde, ils avaient le mérite d’être situés le long de la côte atlantique française et donc facilement accessibles.
En plus, le comité organisateur souhaite réaliser de nombreux aménagements aux abords de Teahupoo : une nouvelle tour d’arbitrage, des canalisations sous-marines et le forage du platier. Une erreur pour les habitants et visiteurs du village qui ont lancé une pétition via le compte Instagram @saveteahupoo :
“Nous, soussignés, résidents et visiteurs de Teahupoo et de Māòhi nui, demandons au gouvernement du Pays de renoncer à la nouvelle Tour d’arbitrage des JO 2024 , aux forages du platier , aux canalisations sous- marine, et proposons d’utiliser la tour en bois habituelle pour la compétition de surf des JO 2024.”
Du côté des surfeurs, de grands noms de la profession réagissent comme la championne du monde américaine, Carissa Moore. Elle a commenté « This doesn’t worth it » sur une publication du compte instagram dédié.
Les controverses ne se comptent plus sur les doigts d’une main depuis longtemps. Cependant, il reste encore quatre mois avant la traditionnelle cérémonie d’ouverture et il semble compromis qu’aucune autre polémique ne vienne alimenter les Jeux Olympiques français.