Eniarof, la fête foraine à la française qui fait le tour du monde

Lassés des fêtes foraines contemporaines ? Vous aimeriez vous plonger dans l’ambiance de celles du début du XXème siècle ? Eniarof revisite non seulement ce modèle du siècle dernier mais y ajoute sa patte empreinte de modernité et d’authenticité à travers le monde.
Anagramme du mot « foraine », Eniarof est une fête foraine itinérante revisitée se déplaçant à travers l’Hexagone et le monde entier. De Pékin à Moscou, en passant par Dusseldorf, Mexico, ou tout simplement Douai, cet événement a connu 30 éditions depuis sa création en 2005 par Antonin Fourneau et Douglas Stanley. S’imposant eux mêmes certaines règles, les organisateurs d’Eniarof proposent des activités et des représentations différentes croisant leurs références culturelles avec celles des populations locales.

Eniarof met un point d’honneur à n’utiliser que des matériaux destinés à être recyclés, afin de réduire les coûts et l’impact des événements. D’où la règle spécifiant qu’un Eniarof « doit forcément se réaliser dans un lieu où l’on peut trouver à moins d’une heure un Emmaüs ou équivalent (pour l’apport en matériaux). » Antonin Fourneau a répondu à nos questions afin de nous parler d’Eniarof plus en détails.
Comment est venue l'idée d'une fête foraine itinérante?
Eniarof date de 2005 environ, voire de quelques années en amont. En 2004, il y a eu le soulèvement des intermittents du spectacle dont j’ai parcouru le mouvement. Je me suis particulièrement intéressé aux critiques visant les parcs d'attractions et au fait qu’ils auraient vampirisé le modèle de la fête foraine. Je me suis alors demandé s’il ne serait pas intéressant de faire revivre ce qu’était le modèle de la fête foraine avant l’avènement du parc d’attractions ou des parcs à thème tels que Disneyland. Je me suis donc penché sur l’historique de la fête foraine, c'était un lieu pour montrer au public des choses relativement innovantes, sans frontières, et assez mixte en termes de population.
Mon but a été de créer un nouveau modèle de fête foraine en revisitant les pratiques de création contemporaine et en proposant une nouvelle plateforme pour que les artistes puissent s’exprimer. A partir de 2005, le projet a pris vie à travers le collectif d’artistes et moi-même. Nous avons imaginé un concept de fête foraine prenant place à différents endroits et s’inspirant de ce que nous trouvons sur place pour la produire. Cela nous évite ainsi de monter une fête foraine qui soit lourde financièrement. Ce qui est plutôt d’actualité en termes de lutte contre la pollution.
Comment se met en place un Eniarof concrètement ?
Eniarof est plutôt un modèle d’atelier s’étalant sur une semaine, voire dix jours, avec des artistes locaux et certains du noyau dur d’Eniarof. Nous invitons du public pendant une ou deux journées à venir expérimenter les attractions que nous avons créées. Le côté itinérant est en fait né d'une contrainte budgétaire au départ et celle-ci est plutôt intéressante maintenant, même en termes de design.
Tous les pays n'ont pas les mêmes moyens, les mêmes matériaux, les mêmes matières premières. Nous avons fait un Eniarof à Moscou où il y a énormément de bois, ce qui nous a permis de fabriquer beaucoup de structures à partir de ce matériau. En Tunisie, nous pensions arriver dans un endroit où il était facile de trouver des éléments destinés à être recyclés. Or, il se trouve qu’il y a là-bas une pratique du recyclage courante, limitant l’accès aux matériaux nécessaires pour Eniarof. Au final, il a été presque moins facile de trouver ce type d’éléments qu'en France.
Comment vous adaptez-vous à des publics différents en fonction des pays ?
Nous avons adopté différentes manières de s’adapter. La première repose simplement sur les différences dans la manière de travailler avec le collectif local que nous rencontrons. Dans des Eniarof précédents, comme à Pékin pour les 50 ans des relations franco-chinoises en 2013, nous avons créé une sorte de jeu de cartes que nous appelons le "poker design".
Les projets eux-mêmes prennent source dans un mélange de références
Au début de l’atelier collaboratif, nous tirons des cartes. Sur ces cartes figurent soit des références techniques, soit des références esthétiques, soit des références culturelles. Nous l'avons également fait pour l'Eniarof de Moscou où nous avions mélangé des références culturelles des deux pays. Ainsi, les projets eux-mêmes prenaient source dans un mélange de références.
Avez-vous des anecdotes particulières sur vos expériences à l'étranger ?
En bon Marseillais, j'ai intégré un concept consistant à faire des écharpes selon les éditions. C'est quelque chose qui marche assez bien, notamment dans des villes peu reconnues sur le plan footballistique. Les passants se demandent pourquoi il y a tout d'un coup 30 ou 40 personnes qui se déplacent avec des écharpes de foot. Ce concept avait plutôt bien marché à Moscou car nous avions choisi des couleurs complètement différentes des équipes moscovites. Il crée une certaine communication et attise la curiosité.
Eniarof Pékin a aussi été très drôle car beaucoup d'étudiants chinois sont venus participer. Leur manière d'interpréter à la fois leurs propres références et les nôtres, et de les mélanger, a créé une perte de références culturelles qui a donné lieu à des pièces très étranges et drôles. Au départ, nous avions choisi l'escargot comme référence française, ce qui a mené à la création d'un jeu improbable dans lequel les étudiants chinois ont imaginé un monde où la souris d'ordinateur n'avait jamais existé et avait au contraire été remplacée par un escargot.
Quel était le but d’Eniarof à sa création ?
Un de mes désirs premiers quand j'ai créé Eniarof était d'arriver à faire sortir le public de ses habitudes. Le but était de créer une plateforme où il se surprend lui-même à faire partie d'un concours de mangeurs de hot dog et la seconde d'après à enfiler une perruque pour jouer du hard rock ou une combinaison de catcheur pour faire un match.
Nous arrivons à capter l'attention d'un public que l'on n'aurait pas imaginé se laisser aller sur ce type d’activités
Nous retirons beaucoup de fierté quand nous arrivons à entraîner des politiques locaux à participer à Eniarof. L'image de l'ambassadeur de France se mettant à jouer du funk en pédalant sur un vélo nous a vraiment rendu heureux. C'est là que réside le plaisir de cette fête foraine. Nous arrivons à capter l'attention d'un public que l'on n'aurait pas imaginé se laisser aller sur ce type d’activités.
Comment avez-vous composer avec le covid?
Il y a eu quelques annulations au cours de cette période. Au Mexique, les règles étaient appliquées encore plus strictement qu'en France alors nous avons dû nous plier à un protocole simple (distanciation, gel hydroalcoolique etc...). Ce n'était bien sûr pas la même ambiance que sur certains Eniarof où nous organisions des soirées avec 200-300 personnes. Le réel impact du Covid s'est surtout ressenti quand il a fallu décaler d'un an les Eniarofs du Costa Rica et de San José.
Quels sont vos plans futurs pour Eniarof ?
Certaines années, il n'y a eu aucun événement, même sans Covid. Paradoxalement nous avons organisé quatre Eniarof d'un coup d'août 2021 à novembre 2021. Dans un futur proche, un Eniarof se tiendra à Marseille, dans une friche. Il y aura aussi probablement une deuxième édition à Rosny-sous-Bois. Concernant l'étranger, nous sommes bien partis pour mettre en place une tournée d'Eniarof au Maroc, plusieurs instituts français ont manifesté leur intérêt. Il y a également des discussions avec le Brésil en ce moment, et nous envisageons d'organiser des Eniarofs en Asie en 2024.