Si vous êtes étudiant, il est possible de mettre vos études en pause pendant un an pour vous consacrer à un projet personnel ou professionnel. Voici quelques détails à connaître avant de se lancer dans une année de césure, enrichi de plusieurs témoignages pour mieux comprendre cette expérience.


“Cela a été ma plus belle année en termes de réalisations personnelles et professionnelles”, nous confie Thycia, étudiante à HEIP qui a choisi de faire une pause après sa licence. Ce qu’a vécu Thycia s’appelle communément l’année de césure. Elle permet d’interrompre temporairement son cursus, pour une durée allant d’un semestre à deux semestres consécutifs. L’établissement d’origine garantit la place de l’étudiant au moment de son retour.

Ce laps de temps est pensé pour permettre des expériences difficiles à concilier avec les cours : partir en voyage, effectuer un ou plusieurs stages, apprendre une langue, développer des compétences pratiques, ou encore se lancer dans un projet associatif.
En France, l’année de césure est encadrée depuis la loi du 8 mars 2018 dite “relative à l’orientation et à la réussite des étudiants”, introduit dans le Code de l’éducation le dispositif de la césure, et le décret du 18 mai 2018 qui vient préciser les modalités avec des articles qui organisent juridiquement la césure.
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Pourquoi de plus en plus d’étudiants choisissent l’année de césure
La décision de Thycia a été motivé par plusieurs facteurs, notamment son échange universitaire aux États-Unis. “Ce semestre m’a montré qu’il existait autre chose que le système scolaire français, dans lequel on est beaucoup moins libres de manœuvre”, explique-t-elle. Mais une autre raison, plus pragmatique, a pesé dans son choix : la recherche d’une alternance en France. Une situation que partage Justine, étudiante en journalisme à l’ISCPA Paris. “Mon école m’a annoncé que je pouvais rester, mais seulement à condition de payer, même sans alternance. J’ai alors pensé qu’il serait bien plus productif de partir, de mener des projets plus proches du journalisme. Je me suis dit que je devais partir, rencontrer du monde, peut-être lancer mon propre média, et revenir l’an prochain avec plus d’expériences”.
L’année de césure à l’étranger : partir pour mieux envisager l’avenir
Dans certains pays, comme au Danemark ou en Norvège, cette pratique est profondément ancrée et considérée comme une étape presque naturelle du parcours étudiant. Certaines formations l’encouragent même. L’année de césure est une particularité des écoles de commerce. Et quand les moyens financiers le permettent, cette année se déroule souvent à l’étranger. Elle offre l’occasion d’accumuler une expérience internationale et d’enrichir son ouverture culturelle. Mais la césure peut aussi être l’occasion de mener un projet personnel, comme s’engager dans une mission solidaire.

Paris-Maroc en stop, deux étudiants racontent leur aventure solidaire et humaine
Manon et Selim, deux étudiants en école de commerce, ont profité de leur année césure pour réaliser un voyage sportif, solidaire et écologique. Partis de Paris en stop, ils ont mis plus d’un mois à rejoindre le Maroc en traversant quatre pays. Après avoir consacré trois semaines de volontariat dans une association locale, ils se sont donné le défi de réaliser le mythique GR20 en Corse. “J'avais envie depuis longtemps de prendre une année de césure et j'ai poussé Selim à faire de même pour que nous puissions monter ce projet”, nous explique Manon.
Pour Thycia, l’année de césure a été l’occasion de se recentrer sur ce qu’elle aime : voyager et apprendre. “J’ai beaucoup travaillé comme hôtesse d’accueil, une expérience très enrichissante, et j’ai aussi beaucoup voyagé. J’ai découvert sept pays et trois nouveaux continents, parfois seule. Enfin, j’ai repris l’apprentissage de l’arabe littéraire, ce qui me tenait particulièrement à cœur”, raconte-t-elle.

Année de césure, un pari risqué pour certains un atout décisif pour d’autres
En 2023, Ipsos réalise pour le Service Civique une étude auprès des jeunes Français de 16 à 25 ans sur l'année de césure qui se révèle être un dispositif apprécié. Quelle que soit la forme qu’elle prend, 87 % des jeunes ayant fait une césure en tirent une expérience positive, souvent parce qu’elle leur a permis d’y voir plus clair sur leur avenir. Pour les 16-25 ans qui en ont profité, cette parenthèse est d’abord tournée vers le monde professionnel : 37 % ont travaillé ou effectué un stage, tandis que 15 % ont choisi de suivre une formation.

Dans d’autres pays, la pratique reste plus marginale. En Belgique, Suisse, Italie et Espagne, la continuité des études ne laisse que peu de place à ce type d’interruption. Les universités imposent parfois des démarches administratives lourdes qui compliquent la reprise. Et surtout, un frein majeur demeure : le coût.
Le budget moyen annuel à prévoir varie en fonction de la destination, de la nature du séjour et du style de vie sur place mais se situe souvent entre 10.000 et 15.000 €, selon les statistiques de MACSF.
“Au début, j’avais peur que cette pause soit un frein pour mon avenir professionnel, mais j’ai vite compris que ça pouvait au contraire être un vrai atout et permettre de se démarquer”, explique Selim.
D’après l’enquête Ipsos, près d’un jeune de 16 à 25 ans sur deux, bien qu’il n’ait pas encore fait de césure, se dit tenté par l’expérience. Mais les freins restent nombreux. 46 % préfèrent finir leurs études sans tarder, par peur de perdre du temps, et 39 % redoutent que cette pause ne nuise à la suite de leur parcours. Des inquiétudes que partagent aussi beaucoup de parents. Pourtant, pour certains étudiants, franchir le pas est une expérience décisive. Selim conseille “Pour ceux qui se sentent un peu perdus dans leurs études, c’est important de prendre du temps pour soi. Quand on est jeune, c’est le moment idéal. Au début, j’avais peur que cette pause soit un frein pour mon avenir professionnel, mais j’ai vite compris que ça pouvait au contraire être un vrai atout et permettre de se démarquer”.
Make My Year : permettre aux jeunes de découvrir le monde pour forger leur identité
“Le risque quand tu t’assieds, c'est de jamais te relever. C’est pourquoi il est essentiel de rester actif, surtout au début”, raconte Justine.
Pendant son année de césure, Justine s’est pleinement investie dans ses projets personnels et dans les manifestations, des expériences qu’elle n’aurait pas pu vivre si elle était restée en cours. “Cette période dépend entièrement de l’engagement de chacun. Il faut se l’approprier”, explique-t-elle. La jeune fille a enchaîné les piges et les stages, ce qui lui a permis de relativiser les moments de doute ou d’échec, qu’elle considère plutôt comme des signes d’expérience à acquérir. “Le risque quand tu t’assieds, c'est de jamais te relever. C’est pourquoi il est essentiel de rester actif, surtout au début”, ajoute-t-elle.
“Cette année de césure a structuré ma pensée. Elle m’a appris qu’il y a un temps pour chaque étape de la vie”, se confie Thycia.
Malgré ces obstacles, de nombreux étudiants franchissent le pas. Pour certains, la césure devient un véritable tremplin pour confirmer une orientation, préciser un projet professionnel ou simplement prendre du recul. C’est le cas de Thycia, qui n’a pas repris ses études à la fin de son année de pause. “Étant réserviste dans l’armée de l’air depuis plus de deux ans, j’ai aussi profité de cette période pour m’investir davantage et me rendre plus disponible. J’ai pris le temps de réfléchir à mon avenir et de présenter un concours pour devenir officier à l’École de l’air. Je l’ai raté de très peu, mais cette expérience m’a donné envie de développer un autre projet : m’engager directement et reporter mon master de quelques années”, explique-t-elle.

Pour elle, cette parenthèse a été formatrice. “Cette année de césure a structuré ma pensée. Elle m’a appris qu’il y a un temps pour chaque étape de la vie. Si je ne reprends pas mon cursus universitaire cette année, ce n’est pas pour l’abandonner, mais simplement pour le repousser”. Dans un monde où les parcours d’excellence se veulent rapides et sans failles, ralentir pour mieux repartir peut finalement être un atout.
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