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Heureux nulle part

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Écrit par Nicolas Serres-Cousiné
Publié le 23 octobre 2019, mis à jour le 23 octobre 2019

Heureux nulle part est l’histoire de Bertrand qui après une grosse carrière à New York ne sait plus où aller pour son “next challenge”. La France ? Certainement pas ! Ailleurs aux Etats-Unis ? Encore moins. Lui apprendre à se calmer et a penser différemment afin de trouver la solution à son dilemme, là est la tâche du coach.

 

            « 23 ans ! Ouah, cela va faire 23 ans que je vis à New York ! », s’exclame Bertrand, aussi fier et épaté qu’abattu par sa performance. En vidéo-conférence Whatsapp, il me raconte sa vie à cent à l’heure, se lève précipitamment, va se servir un verre de lait et se rassoit avant de s’enfouir la tête entre les mains. Pas la peine d’être devin ou le plus grand coach du monde pour saisir que cet homme à la quarantaine flamboyante est aux abois. Pourtant, tout lui a réussi depuis qu’il est arrivé à Manhattan. Le but de son exil était de découvrir sa passion et de mener une existence libre, loin des carcans de la vieille Europe. À peine débarqué, il a ouvert sa première boîte de nuit coincée entre deux boucheries du Meat Packing District puis le succès aidant, il s’est associé à des investisseurs américains et a lancé d’autres bars et night-clubs. Il est aujourd’hui le CEO d’une grosse machine employant plus d’une centaine de salariés. « Je suis allé constamment de l’avant, sans jamais me plaindre, mais ces dernières années n’ont pas la même saveur que les précédentes ». Il allume une cigarette, tire une longue taffe en fixant le plafond et perdu au milieu de la fumée qui enveloppe son visage accablé, m’avoue le dilemme qui l’empêche de dormir, « avec l’âge, mes priorités ont changé. New York ne m’amuse plus, le reste des États-Unis, Trump et toute sa clique, me dégoutent et ma famille et mes vieux potes me manquent ». Et alors ? « Tout m’indique que je devrais finir mes jours en France, mais après quelques semaines passées là-bas, je n’ai qu’un désir, m’enfuir pour ne plus jamais revenir ». Bertrand n’est heureux nulle part, sans port d’attache, « je ne sais plus où est chez moi, help ! ».

 

            Frustré, le prince des nuits New-Yorkaises a besoin de se calmer. Il est victime de ce qui lui a beaucoup servi pour réussir professionnellement: trouver une réponse rapide et logique à un problème qui se met en travers de sa route. Pour l’aider à résoudre son dilemme, je vais devoir le  convaincre de ne plus penser à la solution (malin comme il est, il l’aurait déjà trouvé sans moi), puis le sortir de sa zone de confort en lui apprenant une autre façon d’aborder ce qui le retient d’avancer. À force de tourner en rond, il a non seulement oublié qui il était, mais aussi après quoi il court. Bertrand, où auriez-vous envie de vivre ? Répondre brièvement à mes questions simples n’est pas aussi facile que cela. Bertrand en est l’exemple parfait. Comme un discours répété mille fois, il met en balance la douceur de vivre de la côte Basque dont il est originaire et la « détestable » mentalité d’assistés des Français. Il assassine ensuite les New-Yorkais mal élevés, mais porte aux nues les opportunités de réussite sociale que la ville offre aux plus méritants. Oh la la, Bertrand, arrêtez de me servir la soupe que vous servez autour de vous, vous me fatiguez ! D’abord étonné, un coach doit faire preuve de bienveillance mais pas de complaisance, il me sourit puis confesse qu’il n’a, en fin de compte, aucune idée à quoi sa prochaine vie ressemblera. Son honnêteté et sa vulnérabilité sont rafraîchissantes, nous pouvons commencer à travailler.

 

            Si un coach a pour mission d’écouter ce que son client dit, il doit surtout avoir la capacité d’écouter ce que son client ne dit pas. Je suis persuadé que c’est entre les lignes et derrière ses mots que se cachent les raisons, et donc les clés, du bloquage de Bertrand. Je le fais parler de ce qu’il aime en France. Se redressant dans son fauteuil, il me lance « la culture, la douceur de vivre, l’humour, ma famille, mes amis, la loyauté et l’entraide qui existent entre nous ». Et qu’aimez-vous à New York ? Tout aussi excité, il enchaîne sur ce qui semble avoir été son cri de ralliement ces années durant, « le loisir de faire ce que je veux, quand je veux, sans être jugé par des binoclards fonctionnaires. Ici, je suis un homme libre ». Construire sur le positif est la base du coaching. Confronté à un sévère problème, nous faisons tous la même erreur, à savoir essayer de corriger ce qui ne va pas au lieu de surfer sur ce qui va afin de s’en servir comme tremplin vers une autre vie. Bertrand s’est déjà apaisé. Il ne cherche plus à remplir nos silences de blah blah blah ennuyeux. Il réfléchit et s’offre le temps de se redécouvrir. « C’est marrant Nicolas, lorsque je pense à la personne que je suis aujourd’hui, l’image qui me vient à l’esprit est celle d’une pièce de monnaie. Le profil de Marianne est gravé sur le côté pile et celui de George Washington sur le côté face ». C’est à mon tour de lui sourire. Son horizon s’éclaircit. Je le vois à ses yeux qui brillent, enfin. J’en profite alors pour lui demander d’être plus spécifique. « Je suis né Français et je suis devenu un homme aux États-Unis. Je ne suis pas l’un ou l’autre, mais l’un et l’autre. C’est ainsi que je dois aborder la prochaine étape de ma vie ».

 

            Parvenant enfin à accepter sa double et complexe identité, il lui est subitement plus facile de répondre à ma question de tout à l’heure : où auriez-vous envie de vivre ? Il écrase sa cigarette. « Le New-Yorkais en moi en a marre de travailler non stop, mais a besoin de projets, d’énergie. À part mon boulot, je n’ai rien qui me retient ici, il faut que je m’en aille ». Et de quelle façon ? « En paix avec cette ville qui m’a tant donné. C’est la fin d’une histoire d’amour, mais quelle histoire d’amour ! Je suis prêt pour de nouvelles aventures ». Je ne prononce que quelques mots ci et là. Mon rôle est dorénavant de l’accompagner dans sa découverte et de l’assurer qu’il se dirige dans la direction qu’il a choisie. Quoi d’autre Bertrand ? « Le Français en moi s’imagine avec mes potes, à la retraite les pieds dans l’eau, la glandouille totale, ce que je n’ai jamais fait ». Il est à deux doigts de résoudre ce qui lui semblait impossible à résoudre en début de séance. Il n’a plus qu’à associer les souhaits du New-Yorkais à ceux du Français et trouver le compromis idéal.

 

            Il lui a fallu plus de temps qu’il ne le pensait pour déterminer ce qu’il le rendra heureux et épanoui. Eh oui, s’accepter est une chose mais oser faire le saut « ailleurs » en est une autre. Il faut faire face à des peurs que l’on n’avait jamais connues. Après une douzaine de séances, Bertrand s’est parfaitement débrouillé pour les vaincre. Il a décidé de s’installer à Londres, proche de la France les pieds dans l’eau, et d’investir son temps et énergie dans l’immobilier, activité qui l’a toujours intéressée, « depuis notre travail de coaching, je ne joue plus ma vie à pile ou face avec des actionnaires aux dents longues, mais à pile et face en solo. Et je suis gagnant à tous les coups ! »

 

 

 

Nicolas Serres Cousiné, le life coach des expats français à travers le monde 

 

En savoir plus:

Le site de Nicolas Serres Cousiné  www.nicolasserres-cousine.com

 

Avertissement: Les chroniques de Nicolas Serres-Cousiné sur lepetitjournal.com s’inspirent de sa pratique professionnelle. Chaque chronique est un mélange romancé de plusieurs témoignages sur le même thème. Ils ont été modifiés de manière à préserver l’anonymat de leurs auteurs