« Le Covid, le confinement, les gens masqués tout autour de moi, ça m’a filé un coup de blues ! Ma vie doit changer ! » Élodie aux États Unis, c’est l’aventure avec un A majuscule. Du suspense, des drames, de l’espoir, des désillusions, des rebondissements de toutes sortes et une fin qui se finit bien. Enfin jusqu’à aujourd’hui. Si je n’ai presque pas dit un mot lors de notre pré-séance, un entretien informel où l'on établit les bases d'une future collaboration, j'ai failli la recadrer plus d’une fois tant elle part dans tous les sens. Alors que mon job est de l’aider à aller vers l’essentiel, son envie de tout déballer est trop importante pour être ignorée.
Elle a débarqué à San Francisco il y a vingt-cinq ans, « sans papiers, mais avec la foi ». De petits boulots en petits boulots, celle qui se considère « une immigrée française de première génération » a gravi tous les échelons pour se retrouver à un niveau social qu’elle n’aurait pas imaginé avant son départ pour l’Amérique du Nord. Directrice générale d’un hôtel prestigieux, la quarantaine en fleurs, mariée à un Américain qu’elle adore et maman de trois enfants adultes qui se sont tous déjà envolés du cocon familial, elle vient chercher mon aide éreintée par les effets psychologiques que la pandémie a eu sur elle. Elle ne veut pas se plaindre, « ma vie est top », pourtant je la sens anxieuse. « Á 48 ans, je suis encore jeune et en m’isolant et en ralentissant le temps, la Covid m’a montré que je tournais en rond. La vie est trop courte, et s’il est vrai que les États Unis m’ont tout donné, j’ai envie d’autre chose. Hélas, je ne sais pas à quoi ressemble ma prochaine étape, ma prochaine escale. Je compte sur vous pour me secouer et me dire où aller ».
Avant de clôturer notre video-call sur Facetime (je vis à New York), je lui précise qu’un coach est tout sauf un conseiller. J’écoute ce que l’on me dit, et surtout ce que l’on ne me dit pas, je questionne, je fouille, avec un but unique dans l’esprit, aider mon client à trouver la solution qui est en lui. Je ne dis surtout pas ce que je pense (même si cela parfois me démange !) « Oui, je savais tout ça, Nicolas, mais ça m’a fait du bien d’avoir été écouté et entendu. Je me sens si seule dans mon dilemme ».
La semaine suivante, Élodie fixe l’écran de son ordinateur et attend que je lui pose ma première question. Je ne me fais pas prier et lui demande quelles sont ses priorités dans la vie. Sa réponse ne me surprend guère, « mes enfants et mon mari ». Et vous là-dedans ? Elle me fixe d’un air étonné. Pour espérer trouver une solution à son dilemme, Élodie va devoir apprendre à se mettre sur le devant de la scène et répondre à mes prochaines questions en ne pensant qu’à elle. Elle promet de s’y tenir. « Si je m’autorise à visualiser la prochaine étape de ma vie, c’est dans une maison en pierres, au calme, près de la mer, avec un job à mi-temps, des barbecues le soir, des bons vins, des parties de cartes et des discussions à refaire le monde avec mes vieux amis ». Malgré un rire franc, sa confession lui fait un peu honte, « une vraie vie de beauf retraitée ! » Je la pousse à vider son sac, elle doit apprendre à s’accepter. Quoi d’autre ? « Mon histoire avec l’immigration est finie. Vivre à cent à l’heure, tout risquer et se battre pour gagner de l’argent, c’était génial, j’ai adoré mais j’ai changé. Je veux vivre libre et être maitre de mon temps ». Elle sourit, ça lui fait un bien fou de dire tout haut ce dont elle rêve tout bas depuis si longtemps. Dans une relation de coaching, ne penser rien qu’à soi est primordial. Élodie a compris cela, je suis ravi, nous pouvons passer à la prochaine étape.
Changer de vie, est-ce un souhait réaliste ? « Oui, mais cela me fait peur ». Déjà un mois que l’on travaille ensemble et je retrouve l’Élodie du début où chaque question reste non seulement sans réponse, mais en provoque une nouvelle encore plus évasive que la précédente. « Dois-je tout quitter avec mon mari, loin de mes enfants chéris qui sont devenus des Américains à part entière ? Dois-je me re-inventer professionnellement au risque de perdre tout ce que j’ai acquis à la sueur de mon front ? Dois-je aller vivre en Asie ? Ou en Amérique du Sud ? Et si il y avait une nouvelle pandémie ? » Stop ! Élodie me fatigue et je ne rentrerai pas dans son jeu. Y a-t-il un vrai frein qui vous empêche de changer votre vie ? « Non », alors arrêter de vous inventer de fausses excuses pour ne pas avancer. La peur dont vous parlez n’est pas celle qui vous bloque. “Ah bon, c’est laquelle alors ? ». Lorsque je lui suggère que c'est la peur de faire face à la vérité, elle reconnait que « revenir en France est non seulement le choix de la raison, mais aussi du coeur ».
Sa meilleure amie vit à Biarritz, son mari adore le pays basque et trouver un travail à mi-temps dans cette ville touristique ne sera pas un souci, son expérience dans l’hôtellerie de luxe lui ouvrira les portes qu’il faut. Elodie a osé se dévoiler. Alors je la remercie et l’encourage. Mon intuition me dit que c’est cette direction qu’il faut suivre. Comme elle ne se ment plus, je lui renvoie son image à l’état brut, « je suis devenu une adulte à San Francisco. Suis-je trop Américaine pour vivre dans mon pays natal que j’ai oublié malgré moi ? » Encore des questions qui ne servent à rien puisque personne n'en connaît les réponses. Afin qu'elle fasse le pas en avant qu'elle désire tant, je dois la mettre nez à nez avec sa vérité, les bras croisés sans lui dire un mot. Le silence fait souvent des miracles. « À bien y réfléchir, ma peur est de me retrouver Française en France. Mon statut de Française aux États Unis est agréable à vivre. Je me sens unique et différente. La France c'est un peu la peur de rentrer dans le rang, beaucoup la peur de l'inconnu, mais surtout, aie aie c’est horrible de se l’avouer, la peur de découvrir qui je suis vraiment ».
Sans être honnête avec soi-même, difficile de résoudre son dilemme. Maintenant qu’Élodie s’est mise à nue, le reste de mon travail est de la recentrer sur son but initial, quelle est la prochaine étape de ma vie ?, en mettant de côté le pourquoi de ce changement pour sauter à pieds joints dans la réalité de ce changement. Où voulez-vous allez ? « À Biarritz, mon mari et moi, heureux ». À quand le départ ? Elle hésite. « C’est amusant car à force d’en parler avec vous, je suis plus relax à ce sujet, donc moins pressée de partir qu’auparavant ». Elle souhaite une séparation à l’amiable avec San Francisco « que j’aimerais jusqu’à mon dernier jour ». Son horizon si brumeux il y a quelques mois s’est éclairci. Elle prend de nouveau des décisions qui lui ressemblent et sans trembler. « Pourquoi me mettre la pression de choisir un endroit coûte que coûte et foncer ? Quand la majorité des gens seront vaccinés, nous passeront trois mois en France et voir comment ça se passe. Si l’expérience est positive je dirais alors au revoir aux États Unis sans honte ou regrets. Avant de commencer un nouveau roman d’aventures, il faut avoir fini le premier ! » Sa peur envolée, recentrée sur ses désirs et ses rêves, je n’ai plus de doute, Élodie volera bientot de ses propres ailes. La Côte des Basques l’attend de pied ferme.
Nicolas Serres Cousiné, le life coach des expats français à travers le monde
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Le site de Nicolas Serres Cousiné http://www.nicolasserres-cousine.com