Philippe Gauthier est conseiller du commerce extérieur (CCE) basé aux Philippines. À quelques jours du Forum de l’APAC, du 27 au 29 novembre 2024 en Inde, l’entrepreneur français est revenu, au cours d’un entretien pour lepetitjournal.com, sur l’importance des CCE pour le rayonnement de la France. Il a aussi évoqué les relations commerciales entre la France et les Philippines et a prodigué des conseils pour les entreprises françaises souhaitant s’implanter sur place.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel et de ce qui vous a conduit à devenir conseiller du commerce extérieur aux Philippines ?
Depuis près de quarante ans, je suis actif dans le domaine des ressources humaines et du recrutement international, en particulier avec EuroAsia Philippines que j’ai fondé en 1986. Le projet est né après plusieurs années d’expérience comme chasseur de têtes et expert en gestion des ressources humaines pour des entreprises majeures telles que Bouygues et Saudi Oger. Le but était de créer un centre de formation pour les philippins et leur chantier de l’étranger. Ces entreprises m’avaient chargé de trouver de la main-d'œuvre qualifiée pour leurs projets au Moyen-Orient, me conduisant à voyager au Pakistan, en Inde, en Thaïlande et, enfin, aux Philippines, où j’ai décidé de m’installer pour lancer mon propre projet.
Après EuroAsia, j'ai saisi l'opportunité de l’essor des ordinateurs personnels et de l’externalisation de la saisie de données, un domaine en pleine expansion. J'ai lancé Asiatype/Datagrafix, une entreprise spécialisée dans la mise en page de contenus variés, avec un accent particulier sur les manuels scolaires, mais aussi d’autres types de publications comme les mangas. Grâce à Asiatype/Datagrafix, nous avons pu travailler pour des éditeurs de divers pays, leur fournissant des services de mise en page de haute qualité et adaptés aux standards mondiaux.
Quelles sont les missions d'un conseiller du commerce extérieur aux Philippines et comment celles-ci se manifestent au quotidien ?
Le conseiller du commerce extérieur (CCE) a pour mission d’informer et de conseiller les pouvoirs publics en exprimant son avis sur les négociations internationales. Il doit identifier les décideurs politiques et économiques du marché, et contribuer aux stratégies françaises à l’international. Ensuite, le CCE est chargé de sensibiliser les jeunes à l’international, notamment en promouvant le Volontariat international en entreprise (VIE), en rassemblant et animant des associations d'anciens élèves, et en intervenant dans des écoles, lycées, BTS et universités.
Un autre volet de ses missions consiste à accompagner l’internationalisation des PME. Cela implique d’accueillir et d’orienter ces entreprises en partenariat avec la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI), de contribuer à des enquêtes sectorielles, de participer à l’organisation de délégations d’entreprises, et de signaler les mauvaises pratiques locales auxquelles elles pourraient être confrontées.
Le CCE joue également un rôle dans le rayonnement de la France et dans l’animation du réseau, en stimulant les candidatures, en participant aux forums et en organisant des rencontres avec des personnalités locales. Au quotidien, ces actions se manifestent par une veille permanente des choix du gouvernement, une compréhension approfondie des intérêts des acteurs publics et privés du pays, et par un soutien constant au réseau officiel français à l’étranger.
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Quels défis spécifiques rencontrez-vous aux Philippines ?
Aux Philippines, le défi est d’appréhender l’économie locale pour répondre aux besoins du marché, tout en tenant compte des influences américaines et chinoises. Il est essentiel de comprendre la culture des grandes familles philippines, qui jouent un rôle important dans l’économie. Le système administratif, souvent long et complexe, constitue également un obstacle. Il faut également noter que le plan de développement du projet peut être difficile à expliquer au siège de l’entreprise, car les analyses basées sur des indicateurs économiques ne reflètent pas toujours la réalité du terrain.
Comment décririez-vous l'état actuel des relations commerciales entre la France et les Philippines ?
Les relations sont bonnes entre les deux pays. Le 75ème anniversaire des relations entre les Philippines et la France vient de s'achever avec succès, notamment grâce aux efforts du Service Culturel de l'Ambassade qui a développé de nombreux évènements avec la participation des CCE, de la CCI et des grandes familles philippines. Les entreprises françaises gagnent de gros marchés dans le transport, le bâtiment, l’énergie, la défense. De nombreuses PME et starts-up se créent avec succès mais il reste beaucoup à faire pour améliorer l'image des Philippines, en croissance de 6% par an, et d’y attirer les entreprises françaises.
Quelles sont vos attentes spécifiques pour le forum de l'APAC ? Y a-t-il des thématiques ou des opportunités que vous souhaitez particulièrement mettre en avant ?
Lors du forum de l’APAC, un des sujets d’intérêt est le projet IMEC (India Middle-East Economic Corridor), qui vise à relier l’Asie à l’Europe via le Moyen-Orient. Un tel projet, qui pourrait compléter ou concurrencer l’initiative chinoise de la "Belt and Road", suscite beaucoup de curiosité. La France souhaite jouer un rôle clé dans cette dynamique.
Les thématiques attendues durant le forum abordent des enjeux de géopolitique et les problématiques de l’Indo-Pacifique, qui prennent de plus en plus d’importance dans l’économie mondiale. Il s’agit aussi d’une occasion d’approfondir la géoéconomie en Asie, de rencontrer de nombreux CCE, et de promouvoir les Philippines comme destination économique.
Le forum de l'APAC peut aussi renforcer les relations économiques entre la France et la région Asie-Pacifique, en particulier avec les Philippines, car les thématiques et sujets abordés concernent tous les pays de l’ASEAN. Les forums sont un excellent moyen de se faire connaître et de promouvoir les opportunités économiques des pays participants.
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Quelles sont les opportunités majeures pour les entreprises françaises aux Philippines ?
Les Philippines encouragent activement les investissements étrangers grâce à la loi permettant une participation accrue des sociétés étrangères dans des secteurs stratégiques tels que l'énergie, les aéroports, le transport maritime et la grande distribution, ainsi qu'au développement de la zone franche PEZA (l'Autorité philippine des zones franches). Les financements multilatéraux en provenance du Japon, de la Corée, de la Banque asiatique de développement (ADB) et de la Banque mondiale, combinés à un secteur bancaire solide, facilitent le financement des grands projets. Les PME et ETI françaises peuvent également y trouver leur place, notamment dans les domaines de l'informatique, du BPO (externalisation des processus métiers), de l'ingénierie et des services.
Alain Fontanel , Chef du Service Économique de Manille, donne également son avis :
Le marché philippin est le deuxième plus important marché en Asie du Sud-Est par sa taille (120 millions d'habitants) mais le plus dynamique de tous avec un taux de croissance particulièrement rapide (plus de 6% par an de 2022 à 2025). Le pays cherche à rattraper à grande vitesse le retard accumulé en matière d'infrastructures avec le projet : Build Better More qui prévoit des investissements massifs (5,5%) de PIB par an pendant cinq ans en particulier dans les domaines ferroviaires, routiers et aériens avec de nombreuses débouchées possibles pour les entreprises françaises. L’énergie est un autre domaine prioritaire avec la nécessité pour les Philippines de répondre à la croissance qui devrait être multipliée par quatre entre 2020 et 2030. La croissance du pays étant largement tirée par la demande, toutes les marques françaises de consommation peuvent y trouver d'importantes débouchées sur un marché aussi vaste.
Quels conseils donneriez-vous à une entreprise française qui souhaite s'implanter ou développer ses activités aux Philippines ?
Les entreprises françaises doivent faire preuve de patience, de passion et de persévérance pour s’implanter aux Philippines. Il est aussi crucial de ne pas chercher à s’imposer et de bien se renseigner auprès des résidents de longue date, des CCE, de la CCI et de la Mission économique française pour réussir à se développer.