Comme pour beaucoup d’agences, les Voyages d’Angèle subissent la crise de plein fouet face à l’absence de touristes. Néanmoins, le modèle de la Phuket Sandbox apporte une touche d’espoir et des opportunités.
Spécialisée dans le voyage sur mesure depuis 2017, l’agence Les Voyages d’Angèle a été créée par Angélique Labrune et Olivier Rymer, un couple de Français installé à Chiang Mai depuis 2012. Tout comme l’ensemble du secteur touristique, ils ont été fortement touchés par les annulations de voyages et l’absence de nouvelles réservations. Néanmoins, la réouverture de Phuket aux touristes sans période de quarantaine annonce un début de reprise et une lueur au bout du tunnel.
En effet, si la Phuket Sandbox n’en est qu’à ses balbutiements et que les démarches pour venir en Thaïlande restent encore compliquées, cela envoie surtout un signal fort pour les touristes étrangers sur le fait que la Thaïlande ouvrira prochainement ses portes à tous.
Pour être prêt, le couple continue de travailler à maintenir de bonnes relations avec ses clients, en les informant sur la situation en Thaïlande grâce à ses connaissances du terrain et à sa présence dans le pays. Ils créent également tous les deux de nouveaux circuits avec pour certaines destinations, l’opportunité de faire découvrir des lieux absents des circuits traditionnels ou méconnus des touristes.
Lepetitjournal.com a rencontré Angélique Labrune et Olivier Rymer pour revenir sur la gestion d’une agence de voyages en l’absence de touristes, les perspectives de la Phuket Sandbox et les opportunités pour Chiang Mai ainsi que sur le futur du tourisme.
Loin d’être novices dans le tourisme, le duo travaille depuis de nombreuses années en Asie. Olivier a commencé à explorer la région en 1995 avant de créer en 2002 Asie du Sud Est Voyage (ASEV), une société réceptive installée en Thaïlande, à Chiang Maï. Il s’est ensuite installé au Laos en 2006. Angélique, elle, avait décidé de faire de Luang Prabang sa maison en 2008 avant de commencer à travailler pour ASEV et de créer en 2012, le département des Voyages Individuels sur mesure pour ASEV.
Face à l’absence de touristes depuis plusieurs mois, quelle est la situation de votre agence de voyages ?
Olivier Rymer: Notre situation est similaire à celle des autres agences de voyages. Au tout début de l’épidémie en janvier 2020, nous avons vu venir la crise sans trop nous méfier, nous avons mis du temps avant d’en réaliser la sévérité.
Nous avons ouvert l’agence Les Voyages d’Angèle en 2017 et elle a démarré plus vite que l’on pensait, nous étions en pleine croissance avec des projets de développement sur les marchés espagnols et allemands. Au moment où la crise nous a saisis, nous avions une équipe de 25-30 personnes réparties dans entre les bureaux en Thaïlande, au Laos, en Birmanie et au Cambodge. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que trois en Thaïlande et nous avons encore une personne au Laos et une au Cambodge, le bureau en Birmanie, lui, est fermé en ce moment suite au coup d'État qui a eu lieu le 1er février. Depuis le mois de mars 2020, nous avons effacé trois années de bénéfices!
Nous avions déjà eu des expériences similaires lors de la crise du SARS en 2003 ou de la grippe aviaire en 2004. A l’époque, nous avions aussi connu de fortes annulations dans les réservations de voyages. Par contre, ces épidémies se sont arrêtées au bout de six mois. Suite à ces expériences, nous pensions être préparés à une nouvelle crise sanitaire, mais pas une crise de l’ampleur de celle-ci. Et elle n’est pas encore terminée !
Qu’avez-vous mis en place pour passer ou survivre à cette crise ?
Olivier : Au niveau juridique et administratif, c’est très difficile de mettre une société en sommeil donc nous avons maintenu les structures tout en diminuant au maximum les coûts et le personnel parce qu’il y avait encore des dossiers à traiter.
Une directive européenne qui régit notre activité stipule que les voyageurs doivent être remboursés de tous les montants qu’ils ont versés à l’agence en cas d’annulation. Le problème est que nous ne pouvons pas faire appliquer cette directive à nos fournisseurs (hôtels, compagnies aériennes, etc.). Ils ont éventuellement l’obligation de reporter les réservations. Cela fait qu’au tout début de la crise, nous nous sommes un peu retrouvés pris dans un étau entre l’obligation de rembourser intégralement les voyageurs et l’impossibilité de récupérer certains acomptes.
Heureusement, il existe une ordonnance française qui permet aux agences de voyages de proposer des reports jusqu’à 18 mois après la date initiale du voyage. Il y a donc eu tout un travail de négociations avec les fournisseurs et avec les voyageurs. Du côté des voyageurs, beaucoup ont accepté de reporter leur voyage à 2022. Finalement, 60% de nos voyages auront lieu plus tard, mais nous ne récupérerons pas 40% des montants que nous avions encaissés. En revanche, nous remboursons les voyageurs à 100%.
Nous savons que nous allons pouvoir passer la crise, les coûts les plus importants sont maintenant derrière nous et nous avons encore des réserves.
Angèle : Là, nous avançons sur des projets pour lesquels nous ne prenions pas assez de temps avant la crise, nous avons développé nos outils de communication, notre présence sur les réseaux sociaux et notre site internet.
Pensez-vous que le tourisme de demain sera différent de celui avant l’épidémie du coronavirus ?
Olivier : Je ne suis pas persuadé que les tendances vont changer. Les crises accélèrent juste les mouvements existants. La demande pour le tourisme équitable ou écologique existe depuis longtemps, mais elle est plus forte aujourd’hui. Nous, nous sommes prêts, ces tendances font partie de nos gènes et sont au cœur de nos offres de voyages.
Par contre, il va y avoir des effets retardateurs pour que cela démarre vraiment, à savoir le coût, puisque ces voyages sont plus chers, et le temps disponible pour voyager plus lentement.
Que pensez-vous de la Phuket Sandbox ?
Olivier : Nous avons reçu quelques demandes, mais nous leur avons conseillé d’attendre un peu parce que nous ne pouvions leur garantir les conditions sur place surtout qu’il y a eu beaucoup de changements de dernière minute, dont le plus important, l’obligation de rester 14 jours à Phuket au lieu de 7 jours. Des compagnies aériennes m’ont dit avoir enregistré entre 50 et 60% d’annulation de voyage suite à ce changement.
Angèle : Passer une semaine à Phuket, je trouvais cela très bien, cela permet aux touristes de décompresser, de commencer par du balnéaire et de faire un tour sympa de l’île, surtout qu’il y a assez de choses à faire en 7 jours. Pour ceux qui prévoient de venir 15 jours en Thaïlande, cela leur laissait assez de temps pour continuer un circuit dans le reste du pays. Mais 14 jours à Phuket, cela ne correspond plus aux souhaits des voyageurs.
Olivier : Après, le gros avantage de cette opération est d’avoir suscité l’intérêt des médias internationaux et français, cela a eu un écho positif auprès de nos voyageurs. D’une certaine façon, cela rassure, les voyageurs se disent que si la Thaïlande rouvre au 1er juillet, ils peuvent tranquillement envisager leurs vacances en Thaïlande à partir du 1er janvier 2022 et nous commençons à avoir des réservations pour 2022.
Chiang Mai devrait suivre en octobre avec un projet similaire à Phuket, comment vous préparez-vous ?
Angèle : Il y a des voyageurs que cela embête de rester une semaine dans une seule province donc c’est à nous de les convaincre, de leur proposer un programme riche et varié. Surtout qu’il y a beaucoup de choses à faire à Chiang Mai, la ville ne se limite pas qu’à la vieille ville et aux éléphants, il y a aussi moyen d’aller visiter des villages karens, de faire de la randonnée, de découvrir l’artisanat, etc.
Les touristes passent rarement plus de trois jours à Chiang Mai, donc là, nous avons l’opportunité de leur montrer qu’il y a bien plus à faire. Une partie de mon boulot est de faire du repérage pour proposer des sorties et activités. Vu les difficultés pour voyager à l’étranger, j’ai pris le temps de redécouvrir la ville, d’explorer de nouveaux coins ou de retourner dans certains lieux que je n’avais plus visités depuis plusieurs années.
Olivier : En fait, pendant encore un an, cela va être génial de voyager, il va de nouveau être possible de visiter certaines attractions touristiques en étant presque seul au monde.
Pensez-vous que nous reviendrons un jour à 40 millions de touristes par an en Thaïlande ?
Olivier : Avant l’épidémie, près de 800.000 Français visitaient chaque année la Thaïlande, et les tendances sur le marché français n’auront pas d’impact sur le volume de voyageurs dans le royaume. Par contre, ce qui reste à déterminer c’est de savoir si les touristes chinois et russes, quand ils pourront de nouveau voyager, seront plus nombreux ? Pour moi, la réponse est oui !
Après, il ne faut pas regarder que le nombre de voyageurs, mais plutôt les montants dépensés et le nombre de nuitées. La façon de voyager va changer, les gens vont vouloir des hébergements qui respectent les normes sanitaires et cela a un coût.