La crise économique liée aux restrictions pour lutter contre le Covid-19 n’a pas épargné certains Français, mais au lieu de s’apitoyer ou d’envisager un retour, certains en ont profité pour lancer de nouvelles activités.
La crise économique liée aux restrictions pour lutter contre le Covid-19 a mis à mal de nombreux secteurs d’activité en Thaïlande, en particulier l’industrie hôtelière ou de la restauration.
La Thaïlande a commencé à ressentir les premiers effets secondaires de l’épidémie de coronavirus dès le mois de janvier 2020 avec une baisse du nombre de touristes chinois, suivis un peu plus tard par les touristes occidentaux. De nombreux patrons n’ont eu d’autre choix que de se séparer de leur personnel au fil des mois.
Nithaphon Boriboun, Française d'origine laotienne fraichement débarquée, avait été engagée en janvier 2020 comme responsable nourriture et boissons pour l’hôtel Art Mai à Nimman, moins de quatre mois plus tard l’hôtel fermait et elle était licenciée au début du mois d’avril 2020.
En juillet 2020, la chaîne de supermarchés Big C se séparait de plusieurs managers thaïlandais et étrangers à travers le pays et, après cinq ans de service au rayon boucherie de Big C à Chiang Mai, Thierry Settimo était remercié.
Benjamin Ropert avait un restaurant servant une cuisine thaïlandaise et occidentale aux touristes dans la vieille ville de Chiang Mai. Avec l’absence de voyageurs, il ne pouvait plus payer son loyer et son personnel.
L’aventure thaïlandaise de ces trois Français aurait pu s’arrêter là, certains ont pensé rentrer en France, d’autres ne pouvaient envisager cette option et, au final, ils ont tous les trois profité de l’opportunité d’être sans emploi pour se lancer dans de nouvelles activités et parfois même réaliser des rêves qu'ils avaient jusque-là sans cesse repoussés.
Le défi d’ouvrir un bar pendant le Covid-19
“Quand je suis arrivée en Thaïlande en novembre 2019, je m’imaginais ouvrir un jour une crêperie, mais je voulais me donner un peu de temps pour connaître la ville, évaluer le marché, etc.”, raconte avec enthousiasme Nithaphon Boriboun.
À la fin du confinement, la femme de 34 ans se met en recherche d’un lieu. Malheureusement, les prix à la location dans le quartier de Nimman sont encore trop élevés. Laissant la crêperie en suspens, Nith continue de suivre des cours de thaïlandais - si elle peut parler cette langue sans problème, il lui manque néanmoins la lecture et l’écriture et puis surtout elle ressent un grand besoin de s’occuper.
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En septembre 2020, la société de vente de bières Wishbeer est en train de mettre en place un système de franchise, et la condition pour rejoindre ce réseau est de disposer d’un lieu. “J’ai repris les recherches, je voulais vraiment rester sur le quartier de Nimman, je parcourais tous les sois jusqu’à ce qu’on me parle de ce problème de licence, en fait il n’y a pas moyen d’avoir de licence pour vendre l’alcool après le soi 7, ce qui limite un peu”, se souvient la Franco-Laotienne.
En ouvrant une franchise de Wishbeer à Chiang Mai, la jeune femme bénéficie de la notoriété d’une marque existante, mais aussi d’un soutient au niveau du marketing et de bénéficier de l’exclusivité pendant 9 ans sur la province de Chiang Mai.
À la question de savoir si ouvrir un bar pendant le Covid-19 était une bonne idée, Nith se dit confiante : “En fait, en ouvrant maintenant, je me prépare. Mon objectif est d’être prête quand les voyageurs vont revenir. Je ne voulais pas les attendre et être dans la course quand ça arrivera. Pour le moment, le bar tourne bien avec une population locale, je me tracasse plus de la période de la pollution à Chiang Mai”.
À la maison
Avant le Covid-19, Benjamin Ropert servait des pizzas, des burgers et quelques plats thaïlandais dans son restaurant Pickles situé juste à côté du Zoé in Yellow dans la vieille ville. “À la fin du premier confinement, j’ai essayé de faire un restaurant de soupe de nouilles à composer soi-même pour toucher une clientèle thaïlandaise. J’ai refait la décoration et changé l’enseigne, mais vendre des soupes à 50 bahts ce n’est pas suffisant pour payer un loyer de 30.000 bahts et le personnel”, raconte le chef parisien.
Après cette expérience infructueuse pendant deux mois, Benjamin décide de déménager en juillet 2020 à 15 km du centre-ville, de louer une grande maison au bord de la rivière Ping et d’accueillir les gourmets chez lui en comité restreint. Le concept de "A la maison" est né.
“Toute ma vie, j’ai été dans la gastronomie. Des restaurants de burgers ou de soupes, il y en a plein, donc je me suis dit que j’allais revenir à mes amours d’origine et j’ai décidé d’ouvrir ma maison”, ajoute le trentenaire.
Table du chef les vendredis, samedis et dimanches soirs avec un menu 6 couverts pour 1.000 bahts, le restaurant propose des plats à la carte pour le déjeuner. Une manière d’attirer deux publics puisque le midi il a environ 90% de clients étrangers tandis que le soir; ce sont des Thaïlandais à 90%. Une différence que le cuisinier ne s’explique pas non plus. Mais peu importe puisque la formule de proposer une alimentation plus gastronomique lui permet de vivre sans pour autant faire énormément de profit.
“Pour moi, le Covid-19, cela m’a fait du bien, j’étais en train de me ramollir et cela m’a secoué, j’ai perdu de l’argent, j’ai perdu un restaurant, je vais être père, j’ai arrêté de fumer et je viens de créer une gamme de plats sous vide à emporter. Ils seront en vente prochainement dans les 8 Rimping de Chiang Mai. Si ça marche, je crois que je ne ferais plus que cela”, conclut le futur papa qui a nommé sa marque Luna, le prénom de sa fille.
Une première boucherie française
“Mon licenciement, c’est un mal pour un bien”, commente d’emblée Thierry Settimo qui vient d’ouvrir la première boucherie française de Chiang Mai. Arrivé en Thaïlande il y a 5 ans, Thierry avait été contacté par Big C pour mettre en place une section boucherie internationale à Phuket et à Chiang Mai. Le Marseillais est dans la boucherie depuis 30 ans et n’avait au cours de sa carrière travaillé que pour des grandes enseignes, mais jamais à son compte.
“Je n’avais jamais imaginé ouvrir ma propre boucherie, encore moins en Thaïlande. C’est excitant! En fait, j’aurais dû faire cela plus tôt, c’est une très belle expérience”, ajoute le quinquagénaire.
Alors qu’il travaillait encore à Big C, Thierry avait régulièrement des clients qui lui demandaient s’il prévoyait un jour d’ouvrir sa propre boucherie, une boucherie à la française de préférence, un marché sur lequel la concurrence n’est pas trop forte. Sans-emploi depuis le mois de juillet, le boucher confie n’avoir jamais envisagé de rentrer en France. Il s’attelle presque aussitot à la recherche d’un lieu et d’un concept pour sa boucherie. C’est ainsi que huit mois plus tard, le 15 mars il a ouvert Artisan Butcher près de l’Airport Plaza à Chiang Mai.
S’il connaissait déjà des fournisseurs de viandes, il lui a fallu trouver des fournisseurs de vin et de fromages. “Ce qui a de bien avec la communauté française de Bangkok, c’est qu’on s’échange facilement des contacts, c’est grâce à elle que j’ai pu me créer un réseau pour le matériel, le vin et le fromage”, détaille-t-il avec un accent chantant du sud.
À la question de savoir si la période n’est pas trop risquée pour ouvrir une boucherie, Thierry répond : “Je ne sais pas si j’ai ouvert à la bonne période, de toute manière si on réfléchit de trop, on ne fait plus rien, si ce n’est pas le Covid-19, c’est la pollution ou la saison des pluies! J’ai fait en sorte de trouver un lieu pour toucher les locaux, il y a un grand parking, je joue la carte des produits français, etc. avec la perspective de me dire que quand les touristes reviendront, ce sera encore mieux en termes de chiffre d’affaires”.