Pizza, smoothie, burger, pâtes au pesto ou curry vert agrémentés de feuilles de cannabis arrivent tout doucement dans les restaurants de Chiang Mai.
Avec sa légalisation progressive, le cannabis fait son retour dans les assiettes en Thaïlande. En décembre 2020, les feuilles, les tiges et les racines de la plante, qui ont une faible teneur en THC, ont été retirées de la liste des stupéfiants. Dès lors, de plus en plus de restaurants et cafés se pressent aux portes de ce marché qui s’annonce prometteur.
Pour démontrer les vertus et les propriétés bénéfiques du cannabis dans la gastronomie, l’université de Maejo à Chiang Mai a invité le 20 février dernier une quarantaine de restaurateurs de toute la Thaïlande à présenter leurs recettes à base de feuilles de cannabis. Plusieurs restaurants de Chiang Mai ont participé au festival ‘Mae Jo Chuan Yim Chim Kan’, une première étape avant d’ajouter des plats à base de feuille de cannabis sur leur menu régulier.
Avec deux enseignes à Chiang Mai et une à Bangkok, le restaurant GoodSouls Kitchen était bien entendu présent et n’a pas hésité à partager sur sa page Facebook des photos des plats qui devraient faire partie de la carte : smoothie, thé, pizza, burger et steak végétariens et salade de thé de Birmanie.
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“Nous sommes un restaurant tourné vers une alimentation à base de plantes, alors que le cannabis est de plus en plus tendance auprès du public, nous nous devions de faire partie des premiers restaurants à en proposer. Nos plats seront très prochainement disponibles", assure Varee Kanokkhun, propriétaire de Goodsouls.
Certification parfois fastidieuse
À l’heure actuelle, Varee Kanokkhun ne peut annoncer avec certitude une date de lancement pour ses plats au cannabis, car derrière les effets d’annonces des autorités thaïlandaises, le processus pour obtenir toutes les autorisations est parfois fastidieux. En effet, Varee Kanokkhun attend encore la certification officielle de l’agence thaïlandaise de contrôle des médicaments et des produits alimentaires du ministère de la Santé (FDA).
De plus, selon la loi, seuls les fournisseurs certifiés par le gouvernement peuvent cultiver des plants de marijuana et vendre les produits dérivés contenant de l’extrait de cannabinoïde, alias CBD - mais pas de THC. En fait, la teneur en THC, la molécule responsable des principaux effets psychoactifs du cannabis, ne peut dépasser 0,3%.
C’est ainsi que Goodsouls Kitchen, ne peut pour le moment se fournir qu’auprès de l’université de Maejo, et cette dernière doit également approuver la quantité de feuilles de cannabis dans les recettes que Varee leur a soumises.
“Je suis en attente, j’en ai commandé 10 kilos! Il faut savoir qu’un kilo de feuilles coûte 10.000 bahts, mais cela représente déjà une très belle quantité. Après le festival du 20 février, ils nous ont dit que nous devrions les recevoir dans les prochaines semaines, mais la demande est importante”, précise la quadragénaire.
Dès qu’elle recevra sa livraison, elle fera partie des 40 restaurants travaillant avec l'Université Maejo à servir des aliments infusés au cannabis aux clients. Si plusieurs établissements préfèrent rester discrets, The Riverside et Happy Beef devraient être deux autres adresses travaillant avec l’université de Maejo à servir de la ganja à Chiang Mai. Fin février, Kiew Kai Ka sur One Nimman fût le premier restaurant à Chiang Mai à servir du curry vert, de la soupe ou des ‘happy’ omelettes. Il n'aura fallu que quelques semaines pour que Kiew Kai Ka soit à court de stock pour continuer à servir son menu spécial.
Pour pouvoir faire partie de cette liste de restaurants, Varee a participé à une formation organisée par l’université afin de connaître et comprendre les propriétés du cannabis.
On ne sait pas quand exactement le cannabis est arrivé en Thaïlande, mais il a été utilisé durant plusieurs siècles dans le royaume de Siam avant son interdiction en 1934 par Phot Phahonyothin, 2e Premier ministre de la toute jeune monarchie constitutionnelle née de la révolution de 1932 qui avait mis fin à la monarchie absolue. Le cannabis était utilisé de différentes manières dans la cuisine ou comme médicament, et était aussi prisé pour son effet euphorisant.
“Quand j’étais jeune, j’ai plus d’une fois mangé de la soupe avec du cannabis, cela apporte un peu de goût et surtout un sentiment de détente. La marijuana a des propriétés intéressantes contre l’anxiété, les problèmes de sommeil, etc., mais aussi en termes de vitamines. En tant que chef, c’est intéressant de travailler cet ingrédient parce qu’en soit la feuille de cannabis seule à un goût léger, après il faut trouver des équilibres avec d’autres aliments”, raconte celle qui a découvert la cuisine à base de légumes en épousant un végétarien il y a 20 ans.
Sur le long terme, Goodsouls Kitchen ne peut garantir d’avoir des plats au cannabis en permanence sur sa carte. Le restaurant va faire un premier essai dès qu’il aura reçu sa livraison. Le risque est qu’il faille attendre plusieurs semaines entre deux arrivées de cannabis. Dès lors, l’entrepreneur pense déjà à cultiver quelques plants de cannabis, mais là aussi la législation doit encore évoluer avant de pouvoir utiliser ses propres récoltes dans la cuisine du restaurant.
La Thaïlande est devenue en 2018 le premier pays d'Asie du Sud-Est à légaliser le cannabis à des fins médicales. Le royaume s’est depuis lancé dans la production et la commercialisation de l'huile et a ouvert de nombreuses cliniques spécialisées dans le cannabis médical, afin de tirer parti d’un marché mondial pesant plusieurs milliards de dollars.