Édition internationale

CHANSON - Arnaud Fleurent-Didier, au nom du fils

Entre chanson française intimiste et électro-pop élégante,  La reproduction d'Arnaud Fleurent-Didier apparait dores et déjà comme un incontournable de ce début de décennie. L'album est à la fois sûr de lui et en quête de repère, souvent acide et profondément séduisant

Il se passe quelque chose dès la première écoute du premier extrait du dernier album d'Arnaud Fleurent-Didier. La chanson s'appelle France Culture. Une voix désenchantée y égraine une liste implacable de manques à l'adresse de la génération précédente : il ne m'a pas appris l'anglais ... ni même le français correctement ... on ne m'a pas parlé de Marx... pas d'histoires de Résistance .. on ne m'a rien dit sur Freud ... on ne m'a pas dit comment faire avec les filles, l'argent, les morts ... je ne sais rien des pauvres, on ne me parlait pas des cathos, ni de juifs, ni d'arabes...

Après Portrait du jeune homme en artiste, un album passé inaperçu en 2004, et quelques collaborations avec le label French Touche, Arnaud Fleurent-Didier frappe fort et juste. Pour un peu, il délivrerait la chanson française de l'anodin sans l'éloigner de ses sources quotidiennes. Avec des airs de ne pas y toucher, il brasse en tout cas d'un même élan les aspirations charnelles et les désorientations d'une génération née sous Giscard.

Les rapports filiaux habitent l'album de bout en bout, de l'acerbe France Culture à la magnifique chanson de clôture Si on se dit pas tout, en passant par les caustiques Pépé et Mémé 68. Même émaillés de détails privés, d'allusion à la profession d'un parent ou du prénom d'une s?ur, les textes ont une forte portée commune dans l'expression d'un besoin de repère.

Le feu sous la glace
Les tracas du désirs, leurs désillusions (Ne soit pas trop exigeant, Je vais au cinéma) sont évidemment de la partie. A ce titre, L'origine du monde est d'une rare audace et d'une sensualité à la fois animale et délicate.

Globalement, La reproduction déroule une série de climats musicaux variés, toujours habilement installés, cinglants parfois comme un coup de fouet, souvent panoramiques, se déployant du minimalisme électro ou de la  proximité d'un piano-voix à de grands mouvements orchestraux proche d'une bande originale de film.

Bien sûr, La reproduction n'est pas une réussite lisse et Arnaud Fleurent-Didier tape parfois sur les nerfs avec ses airs de Versaillais vaguement dégoutté mais tellement second degré. Ces irritations sont un sel comme un autre et sous l'ironie dandy pointent des fulgurances presque sociologiques, si ce n'est entomologiques, comme le laisse penser le titre un peu animalier et clinique du disque. Trivial et sophistiqué, glaçant et émouvant, La reproduction est un grand album et une radiographie de l'époque qui laisse espérer de beaux développements.
Jean Marc Jacob (lepetitjournal.com) vendredi 26 février 2010

France Culture sur YouTube:
http://www.youtube.com/watch?v=Vv6m_1fr4W0

http://www.arnaudfleurentdidier.com/lareproduction/

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