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Theam Lim, le créateur d’une galerie d’art incontournable à Siem Reap

Theam Lim est le créateur d’une galerie d’art reconnue à Siem Reap. Après une enfance compliquée sous le régime Khmers rouges, l’artiste s’est formé aux Arts à Paris avant de revenir s’installer au Cambodge il y a 27 ans. La Theam’s Gallery est un lieu artistique incontournable pour tous les curieux de la culture cambodgienne.

Theam Lim/ Elise RoyTheam Lim/ Elise Roy
Theam Lim/ Elise Roy
Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 29 septembre 2023, mis à jour le 25 février 2024

Theam Lim est à la fois un créateur d’objet, un scénographe et un plasticien. Il peint chaque année de nombreuses toiles qu’il vend et qu’il expose dans sa galerie à Siem Reap. 

 

Une enfance mouvementée sous le régime Khmers rouges

 

Theam Lim est né au Cambodge en 1969. Lorsque les Khmers rouges prennent le pouvoir en 1975 il est envoyé dans un camp de rééducation. Pendant presque trois ans, il fut séparé de sa famille et placé dans un centre pour enfants où on lui apprit à punir des prisonniers en leur jetant des pierres dessus. “ Le matin nos formatrices amenaient une dizaine de prisonniers qu’elles attachaient sur des roues de charrette et nous devions lyncher les soi-disant traîtres du parti. On nous disait que nous étions l’espoir du pays” se rappelle Theam Lim. “ A six ans je n’avais pas conscience de l’horreur de ce qu’on me demandait de faire. C’est après, quand j’ai discuté avec ma famille que j’ai compris. J’étais un enfant assez timide et introverti. La guerre et la séparation avec mes parents ne m’ont pas aidé”. 

80% de sa famille maternelle est décédée en trois ans sous le régime des Khmers Rouges. Jusqu’à aujourd’hui les familles khmères restent traumatisées par cette période. “Nous avons tous perdu quelqu’un” dit-il. 

C’est à l’âge de 9 ans en 1979 que Theam Lim quitte le Cambodge pour la France où lui et sa famille sont réfugiés politiques à Nantes. Plus tard, ils s'installent à Paris où le jeune franco-cambodgien fait des études à l’école Boulle en architecture d’intérieur, puis aux Beaux-Arts en section “peinture et sculpture”. 

 

La naissance d’une sensibilité aux Arts khmers 

 

En 1994 Theam Lim est venu visiter le Cambodge une première fois, pour revoir sa grand-mère paternelle et son oncle.

En me rendant au Cambodge pour la première fois en 15 ans, j’ai été pris d’une grande émotion. Lorsque j’ai vu des visages cambodgiens, ils m’ont tous paru très familiers. Je me suis senti à la maison et j’ai compris que c’était mon pays et que je devais y rester. C’était l’appel du pays.”  se souvient-il avec émotion. 

En 1996, il décide de s’installer six mois au Cambodge pour étudier l’art et l'esthétique d’Angkor, notamment les bas-reliefs dont il puise énormément d’inspiration. Il passe alors ses journées à étudier l'histoire des temples et à faire des croquis pour perfectionner sa technique. 

A cette époque il y avait peu de touristes qui venaient au parc archéologique, mais certains étaient intéressés par mon travail et se sont mis à acheter mes croquis. Dès cet instant j’ai compris que la vie d’artiste pouvait être envisageable au Cambodge”  se remémore le plasticien. 

 

Une sensibilité aux arts khmèrs qui se ressent lors de la visite de la Theam's Gallery/ Elise Roy
Une sensibilité aux arts khmèrs qui se ressent lors de la visite de la Theam's Gallery/ Elise Roy

 

Durant les premiers mois à Siem Reap, il expose ses toiles au Psah Chas (au vieux marché), puis intègre les Chantiers-écoles (anciennement Artisans d’Angkor), qui formaient des jeunes de milieux défavorisés aux métiers du bâtiment. Theam Lim est alors formateur en sculpture et en peinture. “Un jour Jean-Pierre Martial, l’ancien directeur des Artisans d'Angkor, m'a repéré au marché alors que je vendais mes toiles, il m’a ensuite proposé un contrat de trois ans pour être formateur aux Chantiers-école.  Ensuite en 1998 nous avons créé ensemble les Artisans d’Angkor dans cet objectif de mettre en avant l’artisanat cambodgien”. 

Ce n’est qu’en 2010 que Theam Lim quitte les Artisans d’Angkor pour lancer son nouveau projet personnel : la Theam’s Gallery

 

Parc de la Theam's Gallery dans lequel il est possible de sa balader et de contempler tous les objets imaginés par Theam Lim.
Parc de la Theam's Gallery dans lequel il est possible de se balader et de contempler tous les objets imaginés par Theam Lim. / Elise Roy. 


La Theam’s Gallery,  un lieu artistique atypique à deux pas des temples d’Angkor

 

Depuis 1998 ce lieu est l’atelier de travail et la maison de Theam Lim. En 2011 il se transforme également en un espace artistique ouvert au public. La Theam’s Gallery n’est pas une galerie d’art, ni un parc ou un musée, elle est un peu tout à la fois, ce qui en fait sa grande richesse. 

 

Theam's Gallery
Maisons traditionnelles khmères./ Elise Roy

 

L’objectif de l'artiste est d'offrir aux visiteurs une immersion totale dans le Cambodge d’avant la guerre et les Khmers rouges. Pour la décoration, l’artiste trouve son inspiration dans l’histoire du Royaume et dans le visage des personnes âgées, dont il admire l’expressivité. “Je me suis énormément documenté avec d’anciennes photographies. Et au fil du temps j’ai construit tous ces éléments architecturaux dans l’idée que les visiteurs s’y baladent, regardent, s’arrêtent. Je mets en scène les objets pour offrir un parcours de visite atypique”. 

Theam Lim cherche aussi à sensibiliser les Cambodgiens sur la richesse de leur culture. “J’ai remarqué que lorsque les Khmers vont dans les temples, le site archéologique n’est pas un simple espace de visite historique. Il s’agit davantage d’un lieu de vie spirituelle dans lequel ils viennent effectuer un pèlerinage. Avec la Theam’s Gallery, je veux leur fournir une immersion cambodgienne autre que celle de la période angkorienne”. 

Enfin, la démarche d’un tel lieu est de protéger la culture du pays. Pour lui il n’y a pas eu suffisamment de démarche de préservation, il se rappelle avoir vu des pagodes être démolies puis reconstruites à neuf au lieu d’être rénovées.  “Les Cambodgiens des générations précédentes ont perdu beaucoup de leurs repères. Avec ce lieu j’espère pouvoir leur en fournir de nouveaux”. Theam souligne que les réseaux sociaux ont eu un impact très positif sur la fréquentation de la galerie. De plus en plus de familles cambodgiennes entières viennent à la Theam’s Gallery. “J’ai été surpris de voir qu’après la publication sur Instagram de photos par un bloggeur cambodgien nommé Somlanh Mab, les jeunes emmenaient leurs parents et grands parents” précise l’artiste satisfait de voir la Theam’s Gallery s’ouvrir au public khmer. 


Une création artistique en l’honneur du Cambodge

 

Lorsque Theam s’adonne à la création de toiles, il peint par série. “J’aime raconter des histoires, ce qui explique pourquoi je ne peins que par une série de plusieurs tableaux”. Lorsque l’on déambule dans la galerie, on découvre les œuvres de Theam, notamment sa série sur les Khmers rouges qu’il a peint grâce aux récits de ses proches. Il a fait le choix de ne pas représenter les horreurs et exactions des Khmers rouges, car il ne les a pas vu de ses propres yeux d’enfant. Sa technique de peinture est singulière, il utilise de la peinture polychromée sur des panneaux à finition laquée, ce qui donne un effet photographique et donc très réaliste à ses œuvres. 

 

Toile de Theam Lim exposée à la Theam's Gallery. /Elise Roy
Toile de Theam Lim exposée à la Theam's Gallery. /Elise Roy

 

Pour l'avenir, Theam a de nombreux projets. Il compte se lancer dans une nouvelle série de toiles sur les paysages cambodgiens. “Ces paysages sont intemporels, j’ai envie de les faire parler en les peignant”, précise-t-il. Concernant la galerie, il espère que les visiteurs reviendront nombreux. La pandémie a été dévastatrice pour le tourisme à Siem Reap. Mais il a de l’espoir, notamment à l'approche de la fête des ancêtres où chaque année il accueille des centaines de visiteurs par jour. Les Cambodgiens apprécient ce lieu qui leur permet de s’imbiber de leur culture. 

 

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