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Margot Pietri : "Imaginer des architectures lentes face à l'urgence du monde"

En résidence à l’Institut français du Cambodge, la sculptrice Margot Pietri interroge l’impact de l’architecture sur nos émotions et nos récits à travers une œuvre inspirée par son expérience.

Margot Pietri : "Imaginer des architectures lentes face à l'urgence du monde"Margot Pietri : "Imaginer des architectures lentes face à l'urgence du monde"
Photo : Anthony Plasse

 

Plasticienne née en 1990 à Drancy, diplômée des Beaux-Arts de Lyon, Margot Pietri vit et travaille à Paris. Depuis plusieurs années, elle développe une œuvre singulière mêlant sculpture, peintures, récits de science-fiction et matériaux composites, nourrie par des questionnements sur l’impact des technologies sur nos émotions et notre rapport au temps. Cet été, elle est en résidence à l’Institut Français du Cambodge dans le cadre d’un programme croisé avec la Villa King Mongkut à Bangkok.

"Je voulais retourner en Asie du Sud-Est, parce qu’il y a beaucoup de symboles que je mobilise dans mon travail : la tortue, les singes de la sagesse… Je m’intéresse au langage formel, à la manière dont les images, notamment les émojis, uniformisent nos émotions."

 

Lenteur, spiritualité, architectures vernaculaires

Inspirée par Dans la maison rêvée de Carmen Maria Machado, Margot Pietri s’interroge sur le conditionnement que l’architecture opère sur nos gestes et nos récits. Elle souhaite confronter des formes occidentales à l’habitat cambodgien traditionnel : maisons sur pilotis, spiritualité omniprésente, adaptation climatique.

"Il y a ici une manière d’habiter qui mêle intimement vie et travail, une forme d’autosuffisance que nous avons largement perdue."

À Phnom Penh, elle observe un paysage urbain en mutation : patchworks architecturaux, destruction des maisons traditionnelles, hybridation des styles, nouvelles constructions à moitié vides. Un monde à plusieurs vitesses, où lenteur et flux s’entrechoquent.

 

Une sculpture comme un récit fragmenté

Sa pièce en cours, pensée comme une sculpture-architecture, sera construite par strates, à la manière du livre de Machado : chaque fragment fera écho à un type d’habitat ou de façade rencontrée au Cambodge.

"Je veux travailler avec des matériaux de récupération, sans doute du papier mâché, en lien avec les traditions cambodgiennes. J’expérimente une technique qui permette aussi le transport de l’œuvre jusqu’en Thaïlande, puis peut-être en France."

À l’intérieur de ces micro-architectures, elle insérera de petites animations réalisées sur iPad, projetées comme des hologrammes spectrales à travers une vitre. "Ce seront des images simples, blanches sur fond noir, qui évoquent différents gestes quotidiens, mais aussi la lenteur, la sieste, comme résistance à l’accélération du monde."

 

Une résidence en deux temps

Après six semaines à Phnom Penh, Margot Pietri poursuivra sa résidence à Bangkok, dans l’école d’art, d’architecture et de design l'AAD KMITL. L’œuvre finale ne sera sans doute pas achevée à Phnom Penh, mais un aperçu de sa démarche sera présenté lors d’une journée portes ouvertes prévue le 28 juin à l’Institut français.

"Je vais aussi animer des ateliers avec des collégiens et peut-être des enfants plus jeunes, pour réfléchir ensemble par le dessin, à leur rapport à l’habitat et à leur environnement."

 

Repenser nos gestes par l’architecture

Ce qu’elle retient du livre de Machado, c’est la forme fragmentaire du récit, et surtout la manière dont l’architecture devient une métaphore des structures sociales et intimes.

"Je veux interroger comment nos espaces de vie façonnent nos gestes, nos récits et nos imaginaires, ici comme ailleurs."

Un projet sensible, enraciné dans le Cambodge d’aujourd’hui, mais ouvert aux questions globales de rythme, d’habitat et de résilience.

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