Luc Le Calvez : « L’IRD veut accompagner les transitions du Cambodge »

Gestionnaire de partenariats (diplômé de l’EDHEC et d’un MBA), Luc Le Calvez a d’abord travaillé dans le secteur privé avant de se tourner vers la recherche publique. Ingénieur de recherche au CNRS, il a dirigé le bureau ASEAN à Hanoï, puis à Singapour, participant à la création de CNRS@Create Ltd. Il a ensuite piloté la recherche et l’innovation à l’Université des Sciences et Technologies de Hanoï (USTH, Vietnam France University). Depuis septembre 2024, il coordonne les activités de l’IRD au Cambodge, avec une ambition claire : promouvoir une « science des solutions », un levier de développement durable.

Une recherche publique engagée pour le développement durable

L’Institut de recherche pour le développement (IRD) est un organisme public français sous double tutelle du ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères, et du ministère de l’Enseignement Supérieur et la Recherche. Actif dans plus de 50 pays, l’IRD centre ses activités sur les 17 Objectifs de Développement Durable définis par les Nations unies. «Notre mission, c’est d’accompagner les transitions sociétales et environnementales par la connaissance que confère la recherche scientifique et l’innovation, dans une logique de co-construction avec nos partenaires dans les pays qui nous accueillent », explique Luc Le Calvez.

La présence de l’IRD au Cambodge est en forte expansion : «Avant le Covid, on comptait deux à trois projets actifs. Depuis 2023 on en dénombre une dizaine ». Cette dynamique est soutenue par de nouveaux financements, notamment les Fonds Équipe France, gérés par les ambassades, qui permettent d’accélérer la structuration des capacités de recherche de nos partenaires sur des sujets de leur choix.

Des moyens humains et techniques en croissance

Au Cambodge, l’IRD compte aujourd’hui 9 chercheurs « IRDiens » expatriés de France, 2 volontaires internationaux en administration  et 28 collaborateurs locaux. Le bureau est intégré à l’Institut de Technologie du Cambodge (ITC, principal partenaire de l’IRD dans le pays.

A l’ ITC, quatre laboratoires conjoints ont été mis en place, tous co-dirigés par un ou une scientifique de l’IRD et de l’ITC.

S’y ajoute un laboratoire mixte international sur la co-construction de systèmes agroécologiques durables en riziculture, un dispositif qui connecte ces recherches à l’université royale d’agriculture (RUA) et l’université nationale de Battambang (NUBB).

Une approche scientifique ancrée dans le local

La stratégie de l’IRD repose sur une philosophie claire : la co-construction de partenariats équitables. « Nous ne venons pas imposer des projets depuis la France. Ce sont les institutions cambodgiennes qui expriment leurs besoins, à partir desquels nous construisons ensemble les projets », souligne Luc Le Calvez.

Pascal Jouquet, chercheur en écologie des sols, illustre cette approche : « Nous accompagnons des équipes locales dans leur montée en compétences, avec des dispositifs conjoints».

Cette logique se traduit aussi par la co-direction de laboratoires avec des chercheurs cambodgiens, comme le rappelle Luc Le Calvez : « Dans nos Jeunes équipes associées à l’IRD, c’est le partenaire local qui pilote »

Eau, sols, biodiversité, santé des écosystèmes, jusqu’à l’homme,: des projets à fort impact

Les axes de recherche principaux de l’IRD au Cambodge couvrent :

• la gestion de l’eau et des zones humides, aujourd’hui avec Paul Baudron, hydrologue, qui étudie notamment les dynamiques du Tonlé Sap et du Bassac 
• la santé des sols, pilotée par Pascal Jouquet et ses équipes, qui analysent la Bioturbation (l'altération et le remaniement d'un sédiment ou d'un sol par des organismes vivants, tels que des vers de terre, des insectes... ), la capture de carbone et la biodiversité fonctionnelle des vers de terre, termites, etc… ainsi que la biodiversité végétale, avec Arun Martin, qui recense les plantes endémiques et leurs usages médicinaux ou alimentaires;
• le développement des capacités de recherche en aquaculture, par un projet financé par l’Europe par le biais de l’ AFD, Agence Française de Développement ;
• la santé des plantes, avec Lionel Moulin, Stéphane Bellafiore et Adeline Barnaud qui travaillent sur le riz, des solutions de biocontrôle pour réduire l’usage des pesticides, ainsi que sur la qualité et l’arôme du riz produit dans des systèmes de production agroécologiques, et sur l’apport de plantes de couverture à ces agrosystèmes;
• ainsi que la relation entre la santé des écosystèmes et celle des humains : la résistance aux antibiotiques, les zoonoses (ces maladies qui se transmettent de l’animal à l’homme), l’influence du climat sur la santé (dengue, paludisme, leptospirose).

Ces recherches sont menées en lien avec plusieurs partenaires cambodgiens majeurs : l’ITC, la Royal University of Agriculture , la National University of Battambang, l’Institut Pasteur du Cambodge , le ministère de la Santé et celui de l’Agriculture, Forêts et Pêcheries. Côté France, le CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) est un partenaire naturel de l’ IRD.

Une coopération qui vise aussi les politiques publiques

Au-delà de la recherche et de la formation, les équipes de l’IRD participent à des initiatives plus larges, comme le consortiumConservation Agriculture and Sustainable Intensification in Cambodia, qui réunit scientifiques, ONG, ministères et secteur privé autour de l’avenir de l’agriculture durable.

« L’objectif n’est pas de faire de la recherche déconnectée, mais d’apporter des données utiles au débat public et à l’action », conclut Luc Le Calvez. L’IRD espère ainsi, dans les années à venir, consolider son rôle de passerelle scientifique entre la France et le Cambodge, au service d’un développement plus juste et durable.