Depuis 1990, Jean-Michel Gallet soutient les agriculteurs cambodgiens et documente leur quotidien pour en préserver la mémoire.


Un pont entre les agriculteurs et les acteurs du développement
Depuis plus de trois décennies, Jean-Michel Gallet œuvre dans l’ombre au service des agriculteurs, en leur facilitant l’accès aux équipements et aux techniques agricoles modernes. Spécialiste de la communication, de l’enseignement et de la formation dans le secteur agricole en France pendant 35 ans, il s’est engagé au Cambodge dès 1990, et a aussi travaillé au Vietnam, en Indonésie et aujourd’hui au Laos.
Quel que soit le pays ou les circonstances, une constante demeure : il se place toujours du côté des agriculteurs.

Une réponse concrète à la sécheresse au Kampot
Parmi ses derniers projets au Cambodge figure une initiative née à la suite de la sécheresse de 2024, qui a fortement affecté les récoltes de poivre dans la province de Kampot. À l’origine de cette action : Norbert Binot, un ingénieur informaticien français, petit-fils d’agriculteur, installé depuis trois ans au Cambodge avec son épouse cambodgienne. Ensemble, ils gèrent une exploitation de poivre depuis une décennie.
Après la sécheresse, Norbert Binot a trouvé un forage capable d’atteindre l’eau à 100 mètres de profondeur. Pour financer cet équipement coûteux et le rendre accessible à d'autres agriculteurs, Jean-Michel Gallet a fait le lien entre Norbert Binot et Christian Consille, trésorier d’une association agricole du nord de la France et de Belgique. Les membres de l’association ont visité la ferme et décidé de financer le projet. Aujourd’hui, Norbert Binot propose de forer des puits pour d’autres cultivateurs de poivre dans la région.
Lors de sa dernière visite au Cambodge, Jean-Michel Gallet s’est rendu chez Norbert Binot pour faire un état des lieux du projet, à transmettre à l’association française.

La dimension humaine, facteur clé de réussite
Pour Jean-Michel Gallet, la réussite d’un projet agricole ne repose pas uniquement sur la technologie ou le financement. « L’élément fondamental, difficile à évaluer et donc rarement mentionné, c’est l’humain », affirme-t-il. Ce facteur humain comprend la formation, la motivation, l’engagement, et l’aptitude à surmonter les défis.
Les enjeux culturels jouent également un rôle central. Au Cambodge, la famille a une place primordiale, tout comme l’avis des figures d’autorité dans les communautés rurales. Leur soutien conditionne souvent la réussite des projets, tout comme l’existence d’une politique nationale claire en faveur des petits agriculteurs.

Trente ans d’observation des mutations agricoles
Jean-Michel Gallet est arrivé au Cambodge en 1990, à l’aube de la paix signée avec les Accords de Paris de 1991. Il a rencontré des acteurs politiques de tous horizons, alors que les règles du possible en matière de développement agricole se dessinaient peu à peu.
Trois décennies plus tard, il insiste : une véritable politique agricole, favorable aux paysans, doit être impulsée par les dirigeants. Car l’agriculture, au Cambodge, est bien plus qu’une activité économique : « On n’efface pas 2 000 ans de culture agricole inscrite dans les gènes », rappelle-t-il.

Entre mondialisation, réchauffement climatique et survie du modèle agricole
Comme partout dans le monde, les agriculteurs cambodgiens doivent désormais faire face à la mondialisation. Ils sont contraints de s’adapter à un marché globalisé, où la compétition est rude, aussi bien à l’échelle locale qu’internationale. « Sans organisation, ils seront broyés, avant ou après la production », prévient Jean-Michel Gallet.
À cela s’ajoute le dérèglement climatique, qui impose une adaptation permanente. Des changements radicaux ont déjà eu lieu : les bœufs de trait ont disparu des champs, remplacés par des machines. Les clichés pris par Jean-Michel Gallet dans les années 1990 et 2000 montrant des scènes agricoles traditionnelles sont désormais des archives historiques.
Sauvegarder le patrimoine agricole et la mémoire des campagnes
Face à ces bouleversements, Jean-Michel Gallet appelle à préserver l’héritage agricole cambodgien. « Les agriculteurs sont les témoins de l’histoire. Il faut conserver ce patrimoine, sinon on perd une part essentielle de l’identité du pays », insiste-t-il.
Même si le monde agricole doit évoluer, il mérite d’être soutenu au-delà des seuls critères économiques. « Il y a peu d’argent dans les campagnes, et ce peu va à ceux qui contrôlent le système, pas aux agriculteurs », déplore-t-il. D’où l’importance, pour lui, d’initiatives comme celle menée à Kep : « Si nous parvenons à aider ne serait-ce que cinq ou dix agriculteurs, cela en vaut la peine. »

Une mémoire photographique offerte au Bophana Center
Tout au long de ses missions, Jean-Michel Gallet a capturé des milliers de scènes de la vie rurale cambodgienne : des familles, des travailleurs agricoles, des animaux aujourd’hui disparus des champs. Ce précieux témoignage visuel a été entièrement légué au Centre audiovisuel Bophana, à Phnom Penh.
Le centre conserve des archives visuelles, sonores et filmiques sur le Cambodge, rassemblées auprès de particuliers, photographes, cinéastes et institutions depuis la fin du XIXe siècle. Une exposition en ligne dédiée à l’œuvre de Jean-Michel Gallet est désormais accessible à cette adresse :
https://bophana.org/online-exhibition-through-the-eyes-of-jean-michel-gallet-exploring-cambodia-in-photographs/
Pour en savoir plus sur le centre : https://bophana.org/news/
Avec l'aimable autorisation de Cambodianess qui nous permet d'offrir cet article à un public francophone.
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